RÈGLEMENT SUR LES MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES : L’HARMONISATION EN MARCHE - La Semaine Vétérinaire n° 1673 du 06/05/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1673 du 06/05/2016

Dossier

Auteur(s) : Michaella Igoho

Le Parlement européen a adopté, en mars dernier, le règlement sur les médicaments vétérinaires. Si ce texte est définitivement entériné cette année, sa transposition en droit français interviendra d’ici 2018. Un projet ambitieux. Est-il pour autant une véritable révolution pour le secteur vétérinaire ?

La révision de la réglementation européenne qui encadre la vie du médicament vétérinaire était considérée comme indispensable pour remédier aux disparités existantes entre les États membres. À l’origine de cette proposition, la Commission européenne partait du constat que des règles spécifiques étaient nécessaires pour ces produits pour garantir un niveau élevé de santé publique et animale. En septembre 2014, un projet de règlement a été présenté aux États membres avec plusieurs objectifs afin de créer un marché unique des médicaments vétérinaires, inaugurant ainsi au niveau européen la première base juridique pour ce secteur, ce qui est une révolution. Le texte vise notamment à accroître la disponibilité des médicaments vétérinaires, à alléger les charges administratives, à stimuler la compétitivité et l’innovation, mais aussi à lutter contre la résistance aux antibiotiques. La Commission a d’ailleurs fait de ce dernier point l’une des problématiques centrales de ce texte.

Une réforme en cours

La directive 65/65/CEE traitait essentiellement de la mise sur le marché et avait imposé qu’une autorisation préalable soit délivrée pour les nouveaux produits. Ensuite, de nombreuses directives et règlements se sont succédé afin de mettre en place un cadre juridique harmonisé au niveau européen régissant ce secteur. Ce n’est qu’en 2001 qu’une directive est venue poser de nombreuses règles concernant la production, la mise sur le marché, la distribution et l’utilisation de spécialités vétérinaires. La dernière réforme remonte à 2004, date à laquelle l’Agence européenne des médicaments (EMA) a été créée. Plus de dix ans après, ce nouveau texte part d’un constat de la Commission européenne : les problématiques du médicament vétérinaire doivent être traitées de façon spécifique. Elle reconnaît « l’importance des problèmes concernant la disponibilité des médicaments vétérinaires et leur administration à des espèces pour lesquelles ils n’ont pas été autorisés, ainsi que la charge disproportionnée imposée par la réglementation, qui freine l’innovation ».

Le nouveau projet de règlement aborde successivement des questions “anciennes”, telles que les modalités d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de nouveaux médicaments, et des problématiques plus actuelles, comme la lutte contre l’antibiorésistance. D’ici 2018, possible année de son entrée en vigueur, le texte sera applicable dans chaque État membre. Entre-temps, les discussions sont vives au sein des instances de décision. Françoise Grossetête, rapporteure du texte, expliquait que plus de 1 000 amendements ont été déposés. Lors d’une conférence sur ce thème, organisée par le Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV), la députée européenne a rappelé que les objectifs premiers de ce projet sont de favoriser la disponibilité des médicaments vétérinaires, entre autres pour les espèces mineures, de réduire les charges administratives, notamment pour les entreprises, et de simplifier la pharmacovigilance.

L’ordonnance indispensable

La proposition comporte un certain nombre de dispositions rappelant l’intérêt de l’ordonnance, indispensable notamment lors de la prescription d’antibiotiques. Le texte dispose en particulier que la délivrance des médicaments vétérinaires contenant des psychotropes ou des stupéfiants, ou encore ceux destinés aux animaux producteurs de denrées alimentaires, est subordonnée à la présentation d’une ordonnance, une obligation par ailleurs déjà établie par la réglementation française. Il est également prévu que « lorsqu’un médicament vétérinaire est délivré sur ordonnance, la quantité prescrite et délivrée est limitée à la quantité requise pour le traitement ou la thérapie en question ».

Autre point important : le projet permettra désormais qu’une ordonnance soit reconnue dans un autre État membre afin que le médicament prescrit soit délivré conformément à la législation nationale applicable. Toutefois, la délivrance sans ordonnance est admise si « l’administration du médicament vétérinaire se limite aux formes pharmaceutiques ne nécessitant aucune connaissance ou compétence particulières lors de l’utilisation des médicaments » ou encore si « le médicament vétérinaire ou tout autre médicament contenant la même substance active n’a pas fait précédemment l’objet de fréquentes notifications d’événements indésirables ». Enfin, la Commission pourra adopter « des lignes directrices pour aider les États membres à élaborer un système harmonisé d’ordonnance numérique dans l’Union, comportant des mesures de contrôle des ordonnances vétérinaires transfrontalières ».

Les antibiotiques surveillés à la loupe

Le texte permet à l’EMA, avec l’appui des États membres, de recueillir des données relatives au volume des ventes et à l’utilisation des antibiotiques. Les modalités de collecte de ces informations ne sont pas précisées, mais la Commission devrait avoir la possibilité de les fixer.

Lutter contre la résistance en amont

La lutte contre la résistance aux antibiotiques est l’un des objectifs de ce texte, elle est clairement rappelée dans son considérant 33 : « La résistance aux médicaments antimicrobiens à usage humain et vétérinaire est un problème sanitaire grandissant dans l’Union et le monde entier (…). La lutte contre la résistance aux antimicrobiens commande la prise d’une série de mesures. Il convient de veiller à ce que des mises en garde et des conseils appropriés figurent sur les étiquettes des antimicrobiens vétérinaires (…). Les conditions d’autorisation devraient tenir suffisamment compte des risques et bénéfices présentés par ces médicaments vétérinaires antimicrobiens. » Ce contrôle est l’affaire de tous et les moyens sont à mettre en œuvre dès la demande de mise sur le marché d’un nouvel antibiotique. En effet, le texte prévoit que lorsque le dossier concerne un antibiotique, celui-ci devra comporter des informations relatives aux mesures d’atténuation du risque permettant de limiter le développement d’une résistance liée à l’utilisation du médicament vétérinaire en cause.

Des conditions particulières d’emploi pourront être mentionnées dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP), qui précisera aussi s’il s’agit d’un antibiotique critique. Il ne suffira plus de développer de nouvelles molécules, il conviendra aussi d’anticiper les possibles manifestations de résistances. Une demande d’AMM pourra être refusée s’il existe un risque pour la santé publique en cas de développement d’une résistance aux antibiotiques, quand bien même le produit apporterait des bénéfices à la santé animale. La Commission pourra aussi exiger du titulaire de l’AMM qu’il conduise des études postérieures à l’autorisation, afin de veiller à ce que le rapport bénéfice/risque reste positif. Par ailleurs, elle pourra désigner les antibiotiques qui doivent être réservés à l’homme.

Le recours à l’antibiothérapie encadrée

Selon Françoise Grossetête, la Commission européenne n’était pas allée assez loin dans sa proposition pour lutter efficacement contre l’antibiorésistance. Le Sénat avait fait le même constat dans son rapport sur le projet, estimant qu’il était « considérablement plus léger » sur la question, contrairement au texte sur les aliments médicamenteux1 en cours de discussion. Les eurodéputés ont voté plusieurs amendements qui demandent de mettre fin à l’utilisation prophylactique (traitement avant l’émergence des signes cliniques d’une maladie) et métaphylactique (traitement d’un groupe d’animaux après diagnostic d’une maladie pour une partie du groupe) d’antimicrobiens systématiquement chez les animaux producteurs de denrées alimentaires. Le texte ne devrait ainsi permettre l’utilisation prophylactique d’antibiotiques que pour les animaux soignés de façon individuelle. Le cas échéant, celle-ci sera possible en étant « pleinement justifiée par un vétérinaire, dans des circonstances exceptionnelles, dont une liste serait établie par l’EMA ».

Quant à l’utilisation métaphylactique, les eurodéputés souhaitent la limiter aux animaux cliniquement malades et « identifiés comme présentant un risque élevé de contamination, afin d’enrayer la propagation de la maladie dans le groupe ». En France, depuis le 1er avril 2016, le recours à certains antibiotiques considérés comme critiques est encadré. En effet, seuls les usages curatif ou métaphylaxique seront autorisés sous conditions2.

Le découplage écarté

Seul l’article 107 de la proposition de texte concerne la prescription des antibiotiques. Son alinéa 2 stipule que « les personnes habilitées à prescrire des médicaments vétérinaires en vertu de la législation nationale applicable ne vendent des médicaments antimicrobiens au détail que pour les animaux qu’elles soignent, et uniquement dans la quantité nécessaire pour le traitement concerné ». Certains amendements encourageaient le découplage partiel de la prescription et de la délivrance des antibiotiques. L’amendement n° 162, déposé au considérant 38 du texte, indique que « les vétérinaires ne devraient pas être autorisés à vendre des médicaments vétérinaires antimicrobiens ». Interrogée à ce sujet dans La Semaine Vétérinaire3, Françoise Grossetête indiquait qu’« il n’y aura pas de découplage entre prescription et délivrance. Ce n’est pas une option que nous avons souhaité retenir, car elle était inacceptable pour beaucoup de collègues. Pour ma part, je crois qu’il faut savoir faire confiance aux vétérinaires, qui sont pour la plupart des professionnels compétents ! ». Éric Lejeau, vice-président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), confirmait également dans nos colonnes4 que le découplage n’était pas l’objectif recherché.

La cascade simplifiée

Des articles spécifiques sont dédiés à l’utilisation “hors AMM” des médicaments vétérinaires. Les praticiens doivent avant tout les prescrire en fonction des indications prévues dans les AMM. Par dérogation, le vétérinaire peut recourir à la cascade à titre exceptionnel, sous sa responsabilité personnelle directe, afin d’éviter des souffrances inacceptables à l’animal non producteur de denrées alimentaires. La préparation extemporanée est permise conformément au terme d’une ordonnance fournie par une personne habilitée. Pour les animaux producteurs de denrées alimentaires, hors espèces aquatiques, la cascade est également possible dans un second temps. Le vétérinaire devra tenir un registre de ses prescriptions faites dans le cadre d’une cascade. Par ailleurs, l’usage “hors AMM” des susbstances devra se faire en tenant compte du risque qui pèse sur la santé publique. La Commission est habilitée à adopter une liste sur laquelle figureront des antiobiotiques dont le recours “hors AMM” est interdit. De plus, des règles spécifiques sont prévues pour les animaux aquatiques.

Un temps d’attente plus long

Pour les espèces productrices de denrées alimentaires, le temps d’attente à respecter est celui indiqué dans le RCP. S’il n’est pas spécifié, c’est le praticien qui le fixe. Pour les viandes et les abats ou encore les espèces productrices de lait destinées à la consommation humaine, par exemple, il ne peut être inférieur au temps d’attente le plus long prévu pour n’importe quelle espèce animale dans le RCP, multiplié par 1,5.

Sans autres indications, il est de 28 jours dans le premier cas si le produit n’est pas autorisé pour les espèces productrices de denrées alimentaires et de sept jours dans le deuxième cas.

Un étiquetage simplifié

Le projet introduit une simplification des règles pour les mentions légales à faire figurer sur les emballages, le conditionnement et l’étiquetage du médicament. Ces informations pourront être remplacées par des abréviations ou des pictogrammes communs à l’ensemble de l’Union européenne.

La vente en ligne autorisée

Le règlement européen autorise la vente en ligne de médicaments vétérinaires, y compris ceux soumis à prescription. Les personnes habilitées à la pratiquer (dont les vétérinaires) sont qualifiées et autorisées par la législation de leur pays de résidence. Pour être en conformité, les sites devront disposer d’un logo commun reconnaissable dans toute l’Union, tout en permettant l’identification de l’État membre dans lequel est établie la personne qui offre ce service à distance au public. Toutefois, les États membres pourront, sous conditions, prévoir des règles plus strictes justifiées par la protection de la santé publique, de la santé animale et de l’environnement, pour autant qu’elles soient proportionnées au risque, mais uniquement pour les médicaments soumis à prescription destinés aux animaux élevés pour l’alimentation humaine. Une exception de taille : les antibiotiques, les psychotropes et les médicaments biologiques, dont les produits immunologiques (vaccins), seront exclus de la vente en ligne.

La publicité encadrée

La publicité pour certains médicaments vétérinaires non soumis à prescription est permise seulement auprès des personnes autorisées à les prescrire ou à les délivrer, ce qui exclut les éleveurs. Elle reste interdite pour les antibiotiques et les médicaments soumis à prescription. En France, cette pratique est déjà interdite. Ce n’est donc pas un bouleversement.

Le vétérinaire pourra déclarer les effets indésirables

Autre évolution : les vétérinaires ainsi que les détenteurs d’animaux pourront déclarer volontairement à l’EMA (pas d’obligation contraignante) les effets indésirables d’un médicament. Le règlement habilite aussi l’agence à tenir une base de données sur la pharmacovigilance vétérinaire européenne. Le grand public aura également la possibilité d’accéder à certaines informations liées notamment au nombre d’événements indésirables notifiés chaque année, ventilés par produit, espèce animale et type d’événement indésirable.

La distribution en gros possible dans toute l’Union

Les grossistes pourront délivrer des médicaments vétérinaires dans toute l’Union européenne, les autorisations de distribution en gros seront désormais valables sur tout son territoire. Cela est toutefois possible uniquement si les médicaments sont fournis aux personnes autorisées à les délivrer, mais aussi à d’autres grossistes et aux exportateurs de ces spécialités. Précision importante, la fourniture, par un détaillant (vétérinaire, par exemple) à un autre, de petites quantités de médicaments vétérinaires n’est pas considérée comme de la distribution en gros.

La libre prestation de service

La proposition traite aussi du cas du vétérinaire prestataire de services dans d’autres États membres. Ainsi, il lui sera permis d’administrer des médicaments vétérinaires autorisés dans l’État membre hôte à des animaux qu’il soigne dans un autre État membre dans la quantité requise pour leur traitement. Ces produits doivent être transportés par le vétérinaire dans leur emballage et leur conditionnement d’origine. De même, le praticien ne pourra vendre au détail des médicaments vétérinaires aux propriétaires ou aux détenteurs des animaux traités dans l’État membre hôte, excepté si : la réglementation de cet État l’y autorise, les médicaments sont destinés aux animaux qu’il soigne et seules sont vendues au détail les quantités minimales requises pour mener à terme le traitement. Le vétérinaire devra tenir un registre contenant les animaux traités, le diagnostic, les médicaments administrés, la dose, la durée du traitement et le temps d’attente appliqué. Ce document sera conservé pendant trois ans et mis à la disposition des autorités compétentes de l’État membre hôte.

L’innovation encouragée

Le règlement prévoit des mesures incitatives pour favoriser la mise sur le marché de nouveaux médicaments vétérinaires. Certaines permettent notamment des périodes de protection plus longues pour les documents techniques liés aux nouveaux produits, d’autres visent la protection commerciale de substances actives innovantes ou soutiennent les investissements significatifs dans des données générées pour améliorer un antibiotique existant ou le maintenir sur le marché.

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