Le low cost de la profession vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1671 du 22/04/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1671 du 22/04/2016

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Auteur(s) : Serge Trouillet

À son tour, la profession vétérinaire s’engage dans une segmentation, par le bas, de son marché. Avec Véto Access, des cabinets vétérinaires low cost, ou à coût modéré, émergent un peu partout en France.

À la manière de Total, qui propose des prix bas dans son réseau de stations-services Total Access, émerge depuis quelques mois dans le paysage vétérinaire français Véto Access. Un concept sur lequel Jean-François Stein, son fondateur, travaille depuis deux ans. Après avoir “coaché” plus de 250 cliniques vétérinaires dans le cadre de sa société 100 % Véto, depuis une vingtaine d’années, il propose une nouvelle prestation de services à la profession vétérinaire : « Je vends une licence de marque. Moyennant 5 % du chiffre d’affaires, je propose un ensemble de procédures avec des protocoles constamment actualisés, dont une consultation générale formatée en 14 points, ainsi que des prestations en coaching et en communication, pour des cabinets satellites rattachés à une structure mère. S’il y a besoin d’examens complémentaires, d’hospitalisation, de chirurgie, ils pourront lui être référés. »

Son souhait est que cette marque Véto Access soit, un peu partout sur le territoire, synonyme de rapidité d’accès à la consultation et de prix modéré. Des tarifs qui s’expliquent par la nature du concept : 40 m2, une salle d’attente, une salle de consultation, sans auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) ni bloc chirurgical, où sont proposées uniquement des consultations vaccinales et médicales de première intention : « Il est bien normal que, dans ce cadre, les prestations ne soient pas au même prix que dans un cabinet classique. L’explication est là, et non, comme dans les commentaires que nous voyons fleurir sur les réseaux sociaux, dans une médecine au rabais. Les vétérinaires sont diplômés, bénéficient comme les autres de la convention collective et sont attachés, comme eux, à la qualité de leur travail. »

Quinze Véto Access dès cet été

Pour Jean-Jacques Bynen (Liège 1987), praticien canin qui a déjà deux cabinets satellites Véto Access en lien avec sa structure de Beaune, en Côte-d’Or (encadré), la profession doit évoluer : « Que ce soit dans l’hôtellerie, la banque, le transport aérien, partout la segmentation de l’offre est mise en place. Lorsque nous empruntons un vol Easy Jet pour nous rendre au congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) ou de notre syndicat, nous ne prenons pas, que je sache, plus de risques que sur un vol d’Air France ! Cette segmentation s’inscrit dans l’évolution de notre Code de déontologie qui, aujourd’hui, reconnaît quatre types de structures, du simple cabinet au centre hospitalier vétérinaire. Ces nouvelles entités sont des cabinets vétérinaires au sens où l’Ordre l’a défini. C’est une façon pour nous, cliniques, d’élargir notre clientèle. » Jean-François Stein avait pour objectif d’étendre son réseau à une quinzaine de structures avant la fin de l’année 2016 : cela pourrait être le cas dès cet été !

UN CONCEPT QUI NE FAIT PAS L’UNANIMITÉ EN BOURGOGNE

Praticien mixte à Corbigny (Nièvre) et président du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires de Bourgogne et Franche-Comté, Gérard Vignault est gêné par plusieurs aspects du principe de fonctionnement de Véto Access, en premier lieu l’idée d’une systématisation de la médecine vétérinaire : « En consultation vaccinale classique, nous sommes attentifs aux singularités qui pourraient échapper à ce “contrôle technique” formalisé en 14 points. Cela renvoie davantage, à mon sens, à une démarche de mécanicien que de vétérinaire dont le sujet est un être vivant, non réductible à cette codification. »

Autre point critiquable à ses yeux : l’accent mis sur le coût modéré des consultations délivrées dans ces structures : « Cela me contrarie que des confrères communiquent, à renfort de stickers apposés sur leurs vitrines, sur des tarifs qui n’ont rien d’extraordinaire dans nos campagnes. Certains confrères, que j’ai interrogés, pratiquent les mêmes. On trouve également chez eux des consultations à 25 € et des vaccinations complètes à 40 € ! » Pour ne rien cacher, il soupçonne une logique de rabattage vers la structure mère : « Que l’on communique sur des moyens mis en œuvre pour faciliter l’accession des soins à des coûts modérés, cela part d’un bon sentiment ; avec Véto Access, la démarche est typiquement entrepreneuriale. Là encore, ce n’est pas condamnable, sauf qu’il existe une contradiction entre son fondement d’apparence sociale et sa réalité froidement comptable. À Beaune, où certains clients se rendront pour des examens complémentaires, les prix pratiqués sont au-dessus de la moyenne ! J’y vois là une tromperie déguisée. »

S. T.

TROIS QUESTIONS À JEAN-JACQUES BYNEN

« Notre objectif est d’élargir le marché, pas de le casser »

La démarche Véto Access s’apparente-t-elle à une opération de rabattage de la clientèle vers la structure mère ?

Lorsque, dans ma clinique, je suis face à une situation qui dépasse ma compétence, je réfère à plus qualifié ou mieux équipé. Dans mes cabinets satellites, nous faisons de la consultation. Dans deux cas sur trois, le client repart avec un traitement. Quand il lui est prescrit un examen complémentaire pour son animal, par exemple une radio ou une prise de sang, il est libre de se rendre où bon lui semble. Pour autant, lorsqu’il a eu une première consultation chez nous et qu’il décide de revenir pour l’examen complémentaire, seul celui-ci est facturé dans la structure mère.

Les vétérinaires des cabinets Véto Access risquent-ils d’être considérés comme des praticiens de seconde zone ?

Pas du tout. Le travail du vétérinaire de cette structure ne sera pas moins qualitatif que celui effectué dans la structure mère. Du reste, le praticien pourra faire l’aller-retour pour y effectuer les examens et les opérations qu’il souhaite. Il est, par ailleurs, protégé par la convention collective. Enfin, je suis moi-même allé travailler dans ces cabinets et j’ai pris plaisir à refaire de la clinique pure, sans le filet de tous les appareils qui sont à notre disposition dans une structure bien équipée.

Quelle a été votre motivation dans ce choix d’adhérer à Véto Access ?

L’esprit d’entreprise. J’aime être novateur, faire bouger les lignes. La segmentation de l’offre se fait en Grande-Bretagne depuis longtemps. Nous y pensons depuis des années, mais nous ne le faisons que maintenant parce que l’évolution du Code de déontologie de notre profession aujourd’hui nous le permet. Notre objectif est d’élargir le marché, pas de le casser. D’aucune façon, nous ne déshabillons Pierre pour habiller Jacques.

PROPOS RECUEILLIS PAR S. T.

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