Des cas de maladie d’Aujeszky dans les Ardennes - La Semaine Vétérinaire n° 1667 du 25/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1667 du 25/03/2016

CHIENS DE CHASSE

Pratique canine

L’ACTU

Auteur(s) : Ségolène Minster

Le laboratoire Anses de Ploufragan a confirmé des cas de maladie d’Aujeszky canine dans plusieurs départements depuis le début de l’année, notamment dans les Ardennes.

Des chiens de chasse, morts en décembre, ont présenté un tableau clinique très évocateur de la maladie d’Aujeszky. Celle-ci se caractérise par un prurit démentiel sans agressivité, qui évolue rapidement vers la mort.

Situations dans les Ardennes

Le premier cas repéré dans les Ardennes, un teckel, a été amené le 4 décembre pour des symptômes d’encéphalite, une paralysie du larynx, une parésie des membres et un prurit facial entraînant de l’automutilation. Pour cet animal, euthanasié, le résultat de laboratoire a été négatif pour la maladie d’Aujeszky. Le deuxième chien, apporté le 9 décembre à 16 heures en consultation, présentait des symptômes pathognomoniques, qui n’ont pas laissé l’ombre d’un doute sur le diagnostic à Fabienne Radu, praticienne à Givet : hyperthermie (41 °C) et automutilation par grattage. La mort est survenue le soir même à 22 heures.

Le diagnostic Aujeszky réalisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de Ploufragan (Côtes-d’Armor), laboratoire national de référence pour cette affection, a été positif. Ces chiens avaient participé à une même chasse à Vireux-Wallerand dans les Ardennes et avaient mangé des viscères de sanglier. Un troisième cas a été vu pour de l’hyperthermie et du prurit démentiel, diagnostic confirmé par le laboratoire. Ce chien avait chassé trois et cinq jours auparavant. D’autres chiens de chasse auraient été victimes de la “maladie du sanglier”, sans que cela soit établi avec certitude, les animaux étant morts à l’étranger ou leurs propriétaires n’ayant pas consulté de vétérinaire. Les praticiens interrogés font état d’une maladie « atroce », l’animal « se détruisant ».

Pas de mesures sanitaires envisagées

Toute suspicion de maladie d’Aujeszky chez un carnivore domestique doit être déclarée à la direction départementale de la protection des populations (DDPP). Les analyses de laboratoire visent en premier lieu à exclure du diagnostic différentiel la rage, qui est prioritaire d’un point de vue de santé publique. L’événement a été notifié à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), mais n’entraîne pas de mesure sanitaire. La maladie est seulement soumise à déclaration pour les carnivores domestiques. Un sanglier provenant de Vireux-Wallerand, testé pour Aujeszky, via le réseau de surveillance Sagir1, a rendu un résultat négatif. La protection des chiens consiste en des mesures préventives. Il convient de ne pas éviscérer les animaux dans les bois, d’enfouir les viscères avec de la chaux, de ne pas les donner en récompense aux chiens et de ne pas faire mordre “dans le sanglier” les jeunes chiens avec l’objectif de les éduquer. La fédération de la chasse des Ardennes a rappelé ces mesures de précaution dans un mail adressé à ses adhérents.

  • 1 Surveiller les maladies de la faune sauvage pour agir.

  • 1 Dans la mesure où une suspicion de rage ne peut être exclue, une demande de dérogation à l’interdiction d’euthanasie d’un animal suspect de rage doit être demandée à la DDPP.

“Avec une séroprévalence apparente de 21 à 54 % dans les populations de sangliers dans certains départements, dont les Ardennes, il n’est pas étonnant de voir des chiens de chasse mourir de la maladie d’Aujeszky”

Nadia Haddad

LE MOT DE L’EXPERT

« Le sanglier est actuellement la source exclusive du virus en France »

Nadia Haddad Professeur à l’unité de maladies contagieuses de l’ENVA, ancienne directrice adjointe du LNR maladie d’Aujeszky.

Le prurit démentiel pouvant conduire à l’automutilation a souvent été décrit comme pathognomonique de la maladie d’Aujeszky. Fréquent chez le chien, rare chez le chat, il semble avoir été observé chez tous les cas recensés de chiens de chasse infectés par la souche qui circule chez les sangliers en France et en Belgique. Le prurit se situe essentiellement au niveau de la face, à proximité des zones de contamination, souvent mais pas systématiquement près de la gueule, à la suite de la contamination de l’animal, par voie orale (consommation d’abats de sanglier) ou par aérosol (lors du combat avec un sanglier).

Un diagnostic différentiel avec la rage

Il convient cependant d’être prudent, car un prurit très sévère peut être rencontré chez le chien atteint de rage. La maladie d’Aujeszky est, en effet, une encéphalomyélite aiguë dont les signes évoquent beaucoup ceux de la rage (elle est également désignée sous le terme de “pseudo-rage”), avec une paralysie du pharynx (entraînant des troubles de la déglutition et une hypersalivation) et une paralysie des membres, de l’anisocorie chez le chat. L’animal n’est pas agressif (mais il existe aussi des cas de rage “muette”). Il y a également des formes atypiques avec de la diarrhée, des vomissements, dus à un dysfonctionnement de la motricité digestive. Un élément différentiel par rapport à la rage, toujours à considérer avec prudence, est la rapidité de l’évolution clinique de la maladie d’Aujeszky, qui dure moins de 24 à 48 heures. L’euthanasie1, en particulier pour abréger les souffrances du chien, n’empêche pas le diagnostic de laboratoire, car l’animal atteint cliniquement de la maladie d’Aujeszky a déjà une forte charge virale dans l’encéphale et les amygdales.

Une forte prévalence chez le sanglier

La maladie chez le chien de chasse est liée à l’infection du sanglier. L’évaluation de la séroprévalence chez ce dernier est donc un bon marqueur du risque d’infection du chien. Avec une séroprévalence apparente de 21 à 54 % dans les populations de sangliers dans certains départements, dont les Ardennes, il n’est pas étonnant de voir des chiens de chasse en mourir. Il convient donc de limiter autant que possible le contact avec les sangliers, qui représentent actuellement la source exclusive du virus en France.

La viande de sanglier doit impérativement être bien cuite avant de la donner à consommer aux chiens, même après congélation (celle-ci préserve le virus, notamment dans les viandes).

Une vaccination avec prudence

Face à un propriétaire qui demande une vaccination, celle-ci peut être envisagée dans le cadre de la cascade, en s’entourant de précautions liées à une utilisation “hors autorisation de mise sur le marché”. Elle conférerait une immunité d’au moins 6 mois. Le vaccin doit impérativement être à virus inactivé du fait de la forte sensibilité du chien vis-à-vis du virus de la maladie d’Aujeszky, comme en témoignent la brutalité des signes et l’issue toujours fatale. Ainsi, des cas mortels de maladie d’Aujeszky sont survenus chez des chiens à la suite de leur vaccination avec un vaccin à virus vivant.

Propos recueillis par S. M.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr