Prise en charge des infections urinaires récurrentes - La Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/03/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Fanny Bernardin*, Aurélie Levieuge**

Fonctions :
*praticienne à la clinique
Languedocia, Montpellier (Hérault).
Article rédigé d’après une présentation
faite au congrès du Gemi à Avignon,
en avril 2015.

Une infection du tractus urinaire (ITU) est définie comme l’existence conjointe d’une bactériurie et d’une pyurie. Elle est à distin?guer d’une bactériurie occulte (détection de 103 CFU/ml, sans pyurie, sans signe clinique), d’une contamination du système urinaire (transfert d’une population mixte de bactéries dont une minorité est pathogène, sans pyurie) et d’une colonisation (multiplication et adhésion de bactéries sur un support). En médecine humaine, l’infection urinaire récurrente est définie comme une succession d’au moins quatre épisodes d’infection aiguë simple diagnostiqués sur une période de 1 an. En médecine vétérinaire, il n’existe pas de consensus, même si elle peut être définie par plus de trois épisodes par an. Cette infection peut être secondaire à une rechute (causée par le même agent pathogène plusieurs semaines après l’arrêt d’un traitement) ou une réinfection (causée par un agent pathogène différent de l’infection précédente).

Pathogénie

Germes impliqués

Les infections urinaires récurrentes sont liées, dans près de 40 % des cas, à Escherichia coli, 14 % à Klebsiella spp., 9 % à des Staphylococcus spp. Dans 25 % des cas, plus de deux espèces bactériennes sont impliquées.

Facteurs d’urogénicité

Pour qu’une bactériurie occulte devienne infection du tractus urinaire, les bactéries impliquées doivent présenter des facteurs de virulence. Nombre d’entre eux sont identifiés pour E. coli. Cette bactérie a notamment la capacité de rompre l’équilibre de la microflore en entrant en compétition pour les principaux nutriments (par exemple le fer, par la sécrétion d’aérobactine). Elle possède des adhésines fimbriales lui permettant d’adhérer aux cellules uroépithéliales et de les coloniser. Après l’adhésion, sa capacité à augmenter la perméabilité paracellulaire en limitant la formation des jonctions serrées de l’urothélium lui permet d’envahir les tissus, puis de s’y multiplier. La production de toxines participe à l’apparition de signes cliniques, de même que son interaction avec le système immunitaire de l’hôte par le biais d’antigènes capsulaires, flagellaires et somatiques, véritables protections contre l’action lytique du complément, la fixation des anticorps ou la phagocytose. E. coli est également capable de résister à l’action de certaines molécules par la production d’enzymes (par exemple des Β-lactamases) et par la formation d’un biofilm.

Défaillance des mécanismes de défense

L’infection apparaît lorsqu’un ou plusieurs de ces mécanismes naturels de défense du tractus urinaire est défaillant :

– une haute osmolalité et un pH acide (< 6) de l’urine ;

– une vidange vésicale fréquente et complète, un flux éjectionnel urétral unidirectionnel ;

– des bactéries commensales des portions moyenne et distale de l’urètre (Staphylococcus spp., Streptococcus spp. et Mycoplasma spp.) empêchant l’adhérence de bactéries pathogènes ;

– des propriétés antibactériennes intrinsèques à l’urothélium (production de glycosaminoglycanes et d’immunoglobulines?A, migration de cellules inflammatoires, exfoliation de cellules épithéliales lors d’adhérence bactérienne) ;

– une barrière mécanique aux infections ascendantes : haute pression urétrale, longueur de l’urètre chez le mâle, péristaltisme urétral et urétéral, valve antireflux vésico-urétérale ;

– une immunocompétence systémique.

Cas particulier des infections à E. coli multirésistante

Un germe multirésistant est défini comme résistant à au moins trois familles d’antibiotiques. Ces infections constituent actuellement une préoccupation majeure de santé publique. C’est pourquoi de multiples études visent à déterminer les facteurs de risque liés à ces infections. Chez l’homme, les facteurs de risque aux infections urinaires récurrentes à E. coli multirésistante sont un âge avancé, une hospitalisation, l’utilisation d’antibiotiques ou d’immunomodulateurs, la pose d’un dispositif médical ou chirurgical au sein des voies urinaires. Chez le chien sont retrouvées l’hospitalisation, l’utilisation d’antibiotiques, les interventions chirurgicales sur le tractus urinaire, mais aussi la présence d’une maladie concomitante grave. Chez le chat, une corrélation a été établie entre le nombre de familles d’antibiotiques utilisées au cours des 3 derniers mois et le risque de contracter une ITU à E. coli multirésistante.

Diagnostic

Contrairement à un premier épisode de cystite simple où une bandelette urinaire et un culot sont souvent suffisants, la clé du diagnostic chez un animal ayant des antécédents d’infection urinaire est l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). Au culot urinaire, la présence d’une pyurie, d’une bactériurie ou d’une hématurie est un élément de suspicion. Il convient de noter que dans certains cas, l’ECBU est négatif alors que l’infection est réelle. Dans de tels cas où la suspicion clinique est forte, la réalisation d’une bactériologie sur d’autres types de prélèvements (biopsie vésicale, calculs) est à envisager. Lorsque l’infection est établie, la recherche d’une cause sous-jacente est primordiale (a minima numération et formule sanguines, examen biochimique, dosage du cortisol basal, examens d’imagerie).

Traitement

Dans l’attente des résultats de l’ECBU, les recommandations sont les mêmes que pour une infection urinaire simple, à savoir l’utilisation d’amoxicilline ou l’association sulfamides-triméthoprime. Il est recommandé de changer de classe d’antibiotiques par rapport au précédent épisode d’infection. À la réception des résultats de l’ECBU, les molécules à excrétion rénale capables d’atteindre une concentration importante dans les urines doivent être privilégiées. L’antibiothérapie doit être longue : au moins 4 semaines. Un ECBU est recommandé 5 jours après la fin du traitement et un contrôle mensuel est préconisé.

En médecine humaine, il est recommandé de ne traiter les bactériuries occultes que chez la femme enceinte, en cas de chirurgie des voies urinaires, ou si la bactériurie persiste plus de 48 heures après le retrait d’un cathéter urinaire. En médecine vétérinaire, le traitement des bactériuries occultes n’est pas recommandé, sauf si l’animal est à risque de présenter une infection ascendante (immunosuppression, maladie rénale chronique, hyperadrénocorticisme, diabète sucré).

Prévention

Plusieurs pistes de prévention sont actuellement à l’étude. Les traitements prophylactiques non médicamenteux font l’objet de beaucoup d’attention depuis quelques années : extraits de canneberge (proanthocyanidine qui inhiberait l’adhérence des fimbriœ P aux cellules urothéliales), probiotiques (Lactobacillus, notamment), méthénamine (antiseptique qui se dissocie et forme du formaldéhyde à pH acide), polysulfate de pentosane, D-mannose, acupuncture, etc. Il n’existe actuellement pas de preuve de l’efficacité de ces traitements chez le chien ou le chat.

De façon consensuelle, il est établi qu’augmenter les apports hydriques, multiplier les sorties, afin de limiter la stase urinaire, et traiter rapidement d’éventuels troubles digestifs font partie des mesures importantes chez des animaux présentant une infection urinaire récurrente. Si elle persiste malgré les mesures évoquées ci-dessus, une antibioprophylaxie peut être proposée. La décision doit tenir compte de plusieurs paramètres : la sévérité des symptômes, le rapport bénéfice/risque, les facteurs de risque, les résistances bactériennes et les effets indésirables potentiels. Aucune molécule, à ce jour, ne bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché spécifique dans cette indication. Les fluoroquinolones et les céphalosporines ne peuvent pas être recommandées en antibioprophylaxie en raison du risque de sélection de résistances acquises. Il serait préférable d’utiliser la nitrofurantoïne ou l’association sulfamides-triméthoprime pour une antibiothérapie prophylactique. Chez l’homme, des traitements antibiotiques longs (environ 6 mois) ont fait la preuve de leur efficacité, mais sont très controversés.

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