PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES : UNE HARMONISATION MINIMALE EN EUROPE - La Semaine Vétérinaire n° 1665 du 11/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1665 du 11/03/2016

Dossier

Auteur(s) : Clarisse Burger

Les professions libérales et réglementées de l’Union européenne peinent à s’harmoniser et/ou ont tardé à transposer les directives européennes les concernant. L’indépendance d’exercice reste la pierre d’achoppement dans cette mise en œuvre. Depuis le 18 janvier 2016, la directive relative aux qualifications professionnelles est applicable. Elle impose une évaluation des règles nationales. Tour d’horizon.

L’année 2016 apporte son lot de changements pour les professionnels qualifiés européens. Le plan d’évaluation des réglementations nationales au sein de l’Union européenne (UE), qui a été orchestré par la Commission européenne entre 2013 et début 2016, touche à sa fin. Durant cette période, les États membres devaient répertorier leurs professions réglementées et évaluer mutuellement leurs réglementations nationales, puis présenter mi-avril 2015, à Bruxelles, leurs plans d’actions nationaux. Les mesures nationales ou les restrictions imposées mais jugées discriminatoires, injustifiées ou disproportionnées (l’article 59 de la directive révisée sur les qualifications professionnelles) pouvaient faire l’objet de procédures d’infraction. De son côté, la Commission européenne a effectué des rapports sur l’intégration du marché unique en 2015. Elle a adressé des recommandations à plusieurs États membres. Jusqu’en mars 2016, elle pourra proposer des mesures correctives, s’il le faut. L’objectif final de Bruxelles est de favoriser la mobilité des professionnels qualifiés dans l’UE, de leur faciliter les démarches pour s’installer dans l’un des pays membres, et enfin de protéger les consommateurs et les patients bénéficiant de leurs prestations.

Un socle commun de formation et une procédure de reconnaissance en ligne

Où en est-on aujourd’hui ?

• Les qualifications professionnelles bénéficient d’un régime de reconnaissance au niveau européen, mis en place par la directive 2013/55, et applicable dans les pays de l’UE, depuis le 18 janvier 2016. Les États membres avaient jusqu’à cette date pour transposer cet acte (qui a modernisé la directive 2005/36/CE) relatif aux qualifications professionnelles. Pour sept professions (vétérinaires, médecins, infirmiers, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, architectes), la directive prévoit la reconnaissance automatique, avec une harmonisation des conditions minimales de formation en Europe. « Ce socle commun de connaissances, d’aptitudes et de compétences est nécessaire pour exercer ces métiers dans l’Union », a souligné, en 2013, Michel Barnier, à l’époque commissaire européen en charge du marché intérieur et des services.

• Pour la profession vétérinaire, les textes d’application ou de transposition ont été pris en conséquence. Les critères d’accès à la profession en France sont aujourd’hui inchangés, telles que formulés par la Direction générale de l’alimentation (DGAL)1 : avoir la nationalité d’un État membre de l’UE, de l’Espace économique européen ou suisse, un diplôme, un certificat ou un titre de vétérinaire, maîtriser la langue française, exercer les activités autorisées, etc. « La directive “qualification” consolidée avait déjà harmonisé l’accès à la profession (diplômes, études, etc.)2, rappelle la DGAL. Elle est actuellement en harmonie avec la Commission européenne, y compris sur l’ouverture du capital (49 % ouverts aux tiers). Il n’y a pas de débat actuellement sur ce sujet. » Pour les diplômes non reconnus par la directive, les modalités de reconnaissance ne sont pas harmonisées.

• Autre nouveauté, la première procédure en ligne de reconnaissance de qualification au niveau européen voit le jour : il s’agit d’une carte européenne professionnelle (CPE) électronique, mise en place le 18 janvier 2016, destinée à faciliter les démarches des professionnels pour s’établir dans un pays d’Europe ou y fournir des services temporairement. Cette carte est disponible pour l’instant pour cinq professions (infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes/physiothérapeutes, guides de montagne, agents immobiliers). Ce n’est pas un outil d’harmonisation.

• La base de données des professions réglementées des États membres est consultable sur le site de la Commission européenne (elle est alimentée sur la base du volontariat par les pays), avec une carte interactive. Elle permettra à l’avenir de vérifier quelles sont les professions réglementées dans les pays de l’UE et leur nombre (5 500 au total ; et 260 en France).

• Enfin, autre évolution de ce début d’année, l’accès partiel à une profession réglementée qui est soumis à des conditions :

– le professionnel est pleinement qualifié pour exercer dans l’État membre d’origine l’activité professionnelle pour laquelle un accès partiel est demandé dans l’État membre d’accueil ;

– les différences entre l’activité exercée dans l’État d’origine et la profession réglementée dans l’État d’accueil sont si importantes qu’il faudrait que le professionnel suive le programme d’enseignement et de formation pour avoir pleinement accès à la profession réglementée dans l’État d’accueil ;

– l’activité professionnelle peut être séparée des autres activités relevant de la profession réglementée dans l’État d’accueil.

Une disparité de règles nationales peu atténuée

Tous les pays membres n’ont pas le même nombre de professions réglementées (entre 76 et 495 ; le chiffre moyen est de 157, selon la Commission européenne), ni des règles nationales identiques (comme celles de l’ouverture du capital et les droits de vote). Alors que le discours peut différer d’un pays à l’autre et que le marché commun des services n’est pas toujours vraiment souhaité, Bruxelles revendique l’intérêt de ce travail d’évaluation : « La transparence et l’évaluation mutuelle des professions réglementées devraient entraîner la modernisation des cadres nationaux limitant l’accès aux professions. Les résultats sont susceptibles d’encourager la mobilité des professionnels au sein du marché unique, de contribuer à la création de nouveaux emplois dans les secteurs professionnels concernés, d’améliorer la compétitivité de ces secteurs et des autres connexes, et d’ouvrir des possibilités de croissance. »

Pour autant, convaincre des spécificités de la profession n’est pas toujours simple pour certains États membres.

En novembre dernier, les représentants de la Commission européenne présents à la table ronde “Europe” du 23e congrès de l’Union nationale des professions libérales (Unapl), à Paris, se sont montrés ouverts au débat avec les professionnels libéraux, voire rassurants : « Les réglementations nationales restent de la compétence des États membres et Bruxelles ne saurait les contraindre à quoi que ce soit », ont indiqué Konstantinos Tomaras, chef d’unité adjoint à la direction générale marché intérieur, et Olivier Coppens, attaché économique à la représentation de la Commission européenne en France.

La réalité du terrain

Konstantinos Tomaras a aussi rappelé qu’il tient compte de la réalité du terrain : « Nous avions en charge la mise en œuvre du processus de révision de la directive en 2015. Tous les États membres de l’Union européenne doivent dire ce qu’ils font tous les deux ans, toutefois, il est difficile de tout réglementer alors que l’on ne sait pas vraiment ce qui va exister dans les cinq ans à venir. Discutons avec les États membres qui ont des réglementations divergentes. Les choses évoluent aujourd’hui, dans un contexte de crise économique et sociale, avec la transition numérique également. Mais il faut aussi tenir compte du poids des traditions, par exemple, les règles pour délivrer le titre d’ingénieur ne sont pas les mêmes d’un État membre à l’autre. L’exercice d’évaluation mutuelle est l’occasion de discuter ensemble, avec la Commission, mais aussi avec les autres États membres. »

Même si certains acteurs ne coopèrent pas facilement, François Blanchecotte, président de la commission des affaires européennes de l’Unapl, rappelle les avancées significatives, à commencer par la reconnaissance des professions libérales comme un secteur porteur d’emplois, avec des opportunités de croissance. Pour preuve aussi, le rapport élaboré par les professions libérales et référencé au niveau européen (entretien). François Blanchecotte invite néanmoins à la prudence pour les professions non réglementées qui pourraient désorganiser le secteur. Parallèlement, en France, l’Unapl est sur tous les fronts de réformes du pays, pour défendre ses entreprises libérales : aussi bien sur celui de la représentativité interprofessionnelle, patronale et syndicale, du dialogue social que sur celui de l’accès aux financements et de la transition numérique.

  • 1 Note de service de la DGAL du 3 juillet 2013.

  • 2 Annexe V de la directive “qualification” mise à jour le 30 novembre 2015.

CHIFFRES CLÉS

• 1,8 point de croissance serait gagné avec une application plus ambitieuse de la directive “services”, selon la Commission européenne.

• 33 % des professionnels libéraux auront 60 ans en 2020 en France.

• Les professions libérales représentent un tiers des petites et moyennes entreprises (PME) européennes et près de 28 millions de salariés.

• Le nombre de professions réglementées : 5 500 au total dans l’Union européenne (UE) ; il varie de 76 (Lituanie) à 495 (Hongrie), selon l’État membre.

• Le secteur de la santé compte le plus grand nombre de professions réglementées (plus de 40 %).

• Les services professionnels pèsent environ 10 % du produit intérieur brut (PIB) européen.

• La tendance pour les professionnels hautement qualifiés est estimée à 16 millions d’emplois d’ici à 2020 dans l’UE.

Sources : Commission européenne, site gouvernemental.

16 MILLIONS D’EMPLOIS

estimés d’ici à 2020 dans l’Union pour les professionnels hautement qualifiés.

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