Utilité et limites de la gastroscopie - La Semaine Vétérinaire n° 1664 du 04/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1664 du 04/03/2016

CONFÉRENCE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Isabelle Desjardins*, Serge Trouillet**

Fonctions :
*Professeur à VetAgro Sup.
Article rédigé d’après une présentation
faite lors du symposium de Vichy,
le 6 février 2016.

La gastroscopie fait aujourd’hui partie du quotidien de la pratique équine. L’examen visuel de l’intérieur de l’estomac du cheval est en effet de plus en plus répandu, en raison même de l’évolution du mode de vie de cet herbivore, notamment pour les athlètes. Tandis que les chevaux sauvages vivaient en plein air, avaient un exercice continuel, de même qu’un accès permanent à la nourriture, les chevaux de sport actuels sont davantage confinés dans des box, ont un exercice discontinu, subissent de nombreux transports et changent souvent d’écurie. Parallèlement, leur accès intermittent à la nourriture s’est accompagné d’une modification de leurs habitudes alimentaires : moins de fourrage et de fibres, plus de sucre, d’hydrates de carbone sous la forme de céréales ou de granulés adaptés à leurs besoins d’énergie.

Toutes ces modifications environnementales, alimentaires, de cadre de vie des chevaux sportifs, soumis par ailleurs au stress des compétitions, ne manquent pas d’avoir des répercussions digestives. Cela entraîne chez eux une usure des dents plus aléatoire, des coliques plus fréquentes et, depuis une vingtaine d’années, des maux d’estomac. Rappelons que celui-ci est d’une relative petite contenance, environ 15 l pour un cheval de 500 kg, et que cet herbivore, qui sécrète de l’acide pour digérer, même en dehors des repas, est conçu pour manger peu et souvent.

Des maux d’estomac aux causes multiples

Les causes de ces maux d’estomac sont multifactorielles. Elles peuvent résulter d’un déséquilibre entre les facteurs qui agressent la muqueuse de l’estomac, l’acide, et ceux qui la protègent, comme le mucus ou les bicarbonates, également produits par l’estomac. Les effets de l’exercice peuvent également être à l’origine de ces maux d’estomac. Celui-ci est alors comprimé par les viscères digestifs et le diaphragme lors des efforts respiratoires intenses, et cette compression mécanique engendre une acidité durable pendant la phase d’exercice. L’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et le stress provoqué par les transports longs et nombreux que ces chevaux subissent n’y sont pas étrangers non plus.

Les AINS ont, il est vrai, de nombreuses vertus. Antispasmodiques, ils soulagent le cheval souffrant d’une colique ; analgésiques, ils limitent la douleur associée à une boiterie. Pour autant, comme ils ont pour effet de diminuer la protection naturelle du flux sanguin au niveau de la muqueuse de l’estomac, ils sont ulcérogènes. Chez le cheval, les cas associés à des infections par des bactéries sont extrêmement rares. La cause primaire de ses maux d’estomac provient en conséquence de l’alimentation, du mode de vie, éventuellement des anti-inflammatoires, mais très rarement des bactéries.

Une large population équine touchée

L’ulcère de l’estomac touche une très grande population équine. Sur plusieurs centaines d’individus des panels d’études récentes, on en a retrouvé chez 11 % des chevaux de loisir, et la fréquence dépasse 80 % chez ceux de course et d’endurance de haut niveau. Toutefois, une gastroscopie ne s’engage pas à la légère. Les équidés doivent être triés selon les signes laissant supposer une maladie de l’estomac, notamment un syndrome ulcératif. Nous observons à cet égard des tableaux cliniques très différents en fonction des chevaux, de leur tolérance à la douleur de l’estomac, ainsi que de leur activité.

L’appétit sélectif peut apparaître comme l’un de ces signes. Cela peut aller jusqu’à l’anorexie complète. Une baisse de forme, des grincements de dents – ce que l’on appelle le bruxisme –, des bâillements à répétition, la salivation – souvent plus prononcée chez les poulains – constituent également des signes d’appel pour effectuer un examen de l’estomac. Les symptômes peuvent être plus sévères : amaigrissement, coliques récurrentes, diarrhées parfois chez les poulains. Chez les athlètes, les ulcères de l’estomac n’occasionnent que des baisses de performances ; cela signifie que l’on peut envisager l’hypothèse du syndrome ulcératif gastrique, même lorsque les signes cliniques ne sont pas très parlants.

De la lésion superficielle au carcinome

La gastroscopie permet d’observer des infestations massives de parasites de l’estomac, comme les gastérophiles ou éventuellement les habronèmes, qui peuvent générer des douleurs chez les races dites sensibles, comme les pur-sang. Pour décrire le syndrome ulcératif gastrique, qui est la lésion la plus fréquemment rencontrée, on utilise une échelle de 1 à 4, couvrant les ulcères superficiels, modérés, profonds et, heureusement de façon exceptionnelle, perforants, ce qui est en général un motif d’euthanasie. En fonction de la sévérité et de la distribution des ulcères, la clinique est différente chez les chevaux. Cependant, ils sont toujours plus douloureux sur une partie qui bouge constamment, comme le pylore ou le cardia, que sur une portion du sac plus immobile. Les syndromes ulcératifs ne se cantonnent pas toujours à l’estomac et peuvent aussi gagner l’œsophage et l’intestin.

Plus rarement, uniquement chez les chevaux de plus de 15 ans, l’examen révèle un magma tissulaire difforme, un peu granulaire : il s’agit d’un carcinome, d’une tumeur de l’estomac. La survie de l’animal ne dépasse pas un mois. La gastroscopie donne aussi à voir, notamment chez les poneys, des impactions de l’estomac avec parfois des corps étrangers de toute nature, tels que des morceaux de métal, de la ficelle ou des cailloux. Il en résulte généralement des signes de coliques aiguës. Le traitement est médical (par sondage, administration de produits qui dissoudront cette impaction alimentaire) ou parfois chirurgical.

Un examen avec ses limites, mais indispensable

L’examen a ses limites. À cause de la longueur limitée de l’appareil, mais aussi parce que l’intestin se contracte en permanence et est de petit diamètre, on ne pourra pas aller au-delà du départ du duodénum. Pour les entéropathies chroniques, qui touchent le gros intestin, il faudra recourir à des examens complémentaires comme l’échographie abdominale. Les complications liées à la gastroscopie, quant à elles, sont rares. Il ne faut toutefois pas les négliger. Elles peuvent provenir des tranquillisants qui ralentissent la motricité digestive et peuvent entraîner une constipation, des coliques. La distension de l’estomac par le gaz peut aussi être la cause de coliques spasmodiques, faisant suite à un ballonnement brutal.

Par ailleurs, le jeûne alimentaire avant l’examen, du fait de la permanence de la sécrétion d’acide dans l’estomac chez le cheval, peut causer des ulcères superficiels. Le jeûne hydrique, le stress de l’examen et le transport du retour peuvent aussi entraîner une déshydratation. Enfin, une étude statistique américaine a compté la gastroscopie parmi les facteurs prédisposant aux coliques liées à une torsion de l’intestin grêle, à la suite d’une douleur due à la dilatation par l’air du petit intestin, le cheval se roulant pour la soulager. Ces complications, cependant, sont globalement gommées par une bonne préparation et un suivi attentif après l’examen. La gastroscopie, devenue un examen de routine, s’avère indispensable pour faire un diagnostic et pour évaluer la réponse au traitement.

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