Stress et intestin : le rôle du deuxième cerveau - La Semaine Vétérinaire n° 1663 du 26/02/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1663 du 26/02/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

L’ACTU

Auteur(s) : Ségolène Minster

Les recherches actuelles ouvrent une révolution de pensée dans la culture médicale : le microbiome intestinal – l’ensemble des bactéries, de leur génome, et leur environnement – serait le deuxième cerveau animal.

Les interrelations du cerveau et de l’intestin ont été présentées par notre confrère Claude Béata, spécialiste en médecine du comportement, lors d’une soirée organisée par Hill’s, le 9 février, à Paris. Chaque espèce délègue des missions vitales à son microbiote intestinal : digestion, immunité, collecte d’énergie. Celui-ci modèle également notre perception de nous-mêmes : l’occasion de repenser la thérapeutique comportementale.

L’existence d’entérotypes

À la manière des groupes sanguins, la flore bactérienne pourrait être classée par entérotype. Les trois groupes majoritaires reconnus chez l’homme sont Bactéroïdes, Prevotella et Ruminococcus. Chez le chien, l’appareil digestif représente 2,7 à 7 % du poids corporel. Des populations de bactéries majoritaires se distinguent, selon que le patient est sain, sujet à des diarrhées chroniques (présence majoritaire de Fusobacterium) ou à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin1. La colonisation de l’intestin a lieu quasi instantanément à la naissance. Un traitement antibiotique de la parturiente affecte le microbiome intestinal du fœtus. « Il va falloir s’intéresser à ces populations bactériennes pour avoir des attitudes thérapeutiques intéressantes », a souligné Claude Béata.

Le dialogue du cerveau et de l’intestin

Des études menées sur des souris axéniques ont montré que leur comportement est aberrant. Dès que leur intestin est colonisé par un microbiote de souris saine, leur comportement redevient normal. L’intestin humain abrite 200 millions de neurones, dont l’origine est identique à celle des neurones cérébraux. Cerveau et appareil digestif communiquent via le nerf vague et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, et “s’entraident” : lors d’épisode de stress aigu, l’énergie de l’intestin est dérivée vers le cerveau. Si le stress ou l’anxiété perdurent sur un mode chronique, la paroi intestinale s’affine, le nombre de cellules inflammatoires augmente, permettant des translocations bactériennes. Le comportement, la cognition, les émotions et la nociception s’en trouvent modifiés. Dysbioses et maladies comportementales sont liées.

Les travaux des vétérinaires comportementalistes

Par exemple, notre consœur Muriel Marion, vétérinaire comportementaliste, a étudié les scores d’évaluation des troubles émotionnels du chien (ETEC) chez des sujets atteints de troubles gastriques chroniques dans une étude cas-témoins. Cette étude a montré une différence significative entre les deux groupes, avec un score ETEC moyen de 20,5 du groupe “à gastrites” contre 11,4 pour celui témoin2. Cela signifie que « les troubles anxieux sont un facteur étiologique à prendre en compte lors de troubles gastriques chroniques (dyspepsies avec ou sans vomissements) », a déclaré Claude Béata.

Les conséquences sur les options thérapeutiques

L’évidence de la relation stress/anxiété- microbiote conduit à des cibles thérapeutiques plus larges. Une transplantation de microbiote fécal a été réalisée en France chez un rottweiler souffrant de diarrhée chronique idiopathique3 : la résolution a été immédiate. Outre l’évitement des situations de stress, les psychotropes ou les phéromones, des supplémentations nutritionnelles existent pour stabiliser le microbiote et l’humeur. L’α-casozépine, issue de la caséine, est un agoniste partiel de l’acide γ-aminobutyrique de type A (Gaba-A) qui, en 1 h 30, prévient l’anxiété sans effet anesthésiant ni désinhibiteur. L’association de fibres prébiotiques à des aliments de haute digestibilité favorise par ailleurs deux populations favorables : Bifidobacterium et Lactobacillus.

  • 1 Suchodolski J. S., Markel M., García-Mazcorro J. F. et coll. The fecal microbiome in dogs with acute diarrhea and idiopathic inflammatory bowel disease. PLos One. 2012.

  • 2 Un score de 9 à 12 est normal, de 13 à 16 décrit un état phobique, de 17 à 35 de l’anxiété, de 36 à 44 des troubles thymiques.

  • 3 Nicolas Mothes. « Place de la transplantation de microbiote fécal dans le traitement des diarrhées chroniques du chien ». Thèse de doctorat vétérinaire, 2015.

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