Lutte contre les ténébrions : la piste d’un champignon entomopathogène

Le petit ténébrion (Alphitobius diaperinus) fait partie de l’ordre des coléoptères, de la famille des Tenebrionidae d’origine tropicale. À la faveur des échanges commerciaux internationaux, le petit ténébrion est devenu une espèce cosmopolite. Il a colonisé différents élevages hors-sol comme ceux de dindes, de poules pondeuses, de poulets et de porcs, ainsi que certains élevages de bovins et de chevaux. A. diaperinus constitue à ce jour une nuisance majeure.

Les larves sont fondamentalement lucifuges : elles fuient la lumière, d’où leur nom de ténébrion qui vient du mot “ténèbres”. Ce comportement n’est pas aussi général chez les adultes, qui sont divisés en deux groupes : le premier groupe peut s’envoler et se regrouper autour de sources lumineuses extérieures, car il est attiré par la lumière, et le second, au contraire, la fuit et a tendance à se concentrer dans les fissures des murs.

De nombreux travaux de recherche ont étudié le rôle d’A. diaperinus dans la transmission d’agents pathogènes aux volailles. Ceux-ci se contamineraient au contact des déjections ou en se nourrissant sur des cadavres d’animaux (agents de la maladie de Marek, de la bronchite infectieuse, de la maladie de Gumboro, etc.).

Un mélange de conidies dans une émulsion à 1 % d’huile

Des scientifiques brésiliens ont récemment évalué l’utilité d’un champignon entomopathogène (Beauveria bassiana) sur les ténébrions en élevages avicoles (Alphitobius diaperinus) au Brésil. Une étude préalable, réalisée in vitro, avait montré que la suspension huileuse de conidies du champignon éliminait 92 % des ténébrions en une dizaine de jours.

Cette nouvelle expérimentation a été réalisée dans deux poulaillers renfermant 17 000 poulets standards élevés sur terre battue. La préparation à base de champignons consistait en un mélange de conidies (7 x 10⁸ conidies/ml) dans une émulsion à 1 % d’huile. Cette émulsion a été diffusée dans les locaux trois jours après l’étape de nettoyage-désinfection, mais seulement dans un bâtiment. Le reste des opérations était identique : des emplacements standardisés dans les poulaillers (36 spots) ont permis de prélever la litière (30 cm de rayon, 30 cm de profondeur) afin de compter les ténébrions présents. Ce prélèvement a été effectué sur la dernière semaine d’élevage de chaque bande, pour trois bandes successives après le seul traitement des surfaces par le champignon. La population de ténébrions avant le traitement a été prise en référence (niveau 100) pour chaque bâtiment.

Dans le bâtiment témoin (non traité), le niveau d’infestation est resté élevé (109 à 102 % sur les deux premières bandes), et a atteint 196 % au terme de la troisième bande.

Dans le bâtiment traité, la population de ténébrions a rapidement baissé à 44 % de son niveau initial et est restée contrôlée pendant la deuxième bande (27 % de niveau initial), avant de remonter au cours de l’élevage de la troisième bande (111 %). Cette durée de deux bandes correspond à l’intervalle minimal adopté par l’intégrateur pour le remplacement de la litière ou l’application d’un traitement insecticide. Les biologistes ont aussi récolté des ténébrions morts avec des signes de pousse de champignon, ont isolé ce champignon et réalisé un typage génétique afin de confirmer qu’il s’agit bien du même que celui utilisé au départ. Ces résultats sont encourageants et démontrent le potentiel de ce champignon dans la lutte contre les ténébrions, malgré une utilisation unique. Néanmoins, pour un meilleur contrôle, les auteurs préconisent de nouvelles applications 3 à 6 mois plus tard.

• Alves L. F. A., Oliveira D. G. P., Lambkin T. et coll. Beauveria bassiana applied to broiler chicken houses as biocontrol of Alphitobius diaperinus panzer (Coleoptera : Tenebrionidae), an avian pathogens vector. Rev. Bras. Ciênc. Avíc. 2015;17(4):459-466.