Prévention du suicide : un grand besoin d’écoute - La Semaine Vétérinaire n° 1662 du 19/02/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1662 du 19/02/2016

RAPPORT

Actu

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Le second rapport de l’Observatoire national du suicide1 dresse un bilan des actions de prévention menées par les associations, ainsi que des projets de recherche.

La création de l’Observatoire national du suicide (ONS) découle du programme national de prévention du suicide 2011-2014, piloté par la Direction générale de la santé. Il regroupe tous les acteurs concernés par le suicide et sa prévention. Plusieurs associations se sont développées en France afin d’identifier les personnes en situations de détresse. Trente-sept sont membres de l’Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS). Elles sont soit généralistes (SOS Amitié, SOS Suicide Phénix, Suicide Écoute, etc.), soit ouvertes à des groupes particuliers (Ligne Azur, Le Refuge, etc.), avec des lignes téléphoniques dédiées ainsi que des groupes de parole. Certaines, enfin, s’adressent aux personnes en deuil (Phare Enfants-Parents, la Fédération européenne vivre son deuil, etc.). Cependant, leur nombre est encore jugé insuffisant par rapport à ce qui existe dans les pays anglo-saxons.

Analyse des facteurs de risque

L’analyse des causes menant aux actions suicidaires suit désormais le même processus que la médecine légale, comme une autopsie. Il s’agit de démêler les fils permettant de comprendre pourquoi, placés dans des situations similaires, une personne va passer à l’acte et pas une autre, afin d’identifier le plus précocement possible les situations à risque. Parmi les causes figurent en premier les facteurs psychiatriques : les troubles de l’humeur (dépression, troubles bipolaires), schizophréniques, anxieux (risque accru chez les femmes) et ceux liés à l’abus de substances. Leur impact sur le comportement suicidaire varie selon l’âge, le sexe, le statut marital, le niveau d’éducation, les revenus, l’emploi ou la catégorie socioprofessionnelle. Le risque est plus grand en cas de troubles de l’humeur ou de troubles anxieux, et il diminue le long de l’échelle sociale. La précarité économique constitue un risque moins immédiat que les facteurs psychiatriques, mais, à long terme, l’impact est aussi important. L’hospitalisation après une tentative de suicide est un indicateur de la gravité des troubles. Le niveau de risque est maximal dans la semaine qui suit la sortie, et diminue après. Le risque de tentative de suicide (qui n’inclut pas les suicides aboutis) est plus élevé chez les femmes, jeunes, de faibles revenus, au chômage ou inactives.

Des recherches sur les marqueurs biologiques du risque de suicide ont identifié plusieurs pistes. Un taux bas d’acide 5-hydroxy-indole-acétique (5-HIAA), un produit de dégradation de la sérotonine dans le liquide céphalo-rachidien, est associé à un risque accru de décès par suicide, ainsi que l’hyperactivation de l’« axe du stress » (hypothalamus-hypophyse-surrénales), en particulier en l’absence de diminution significative du cortisol lors de test de freination à la dexaméthasone, ou encore la présence de polymorphismes ou de modifications épigénétiques pour les gènes SKA2 et SAT1. Des anomalies de la plasticité cellulaire et des taux élevés de cytokines pro-inflammatoires seraient aussi déterminants. Mais toutes ces recherches n’ont pas encore abouti.

L’agriculture, niveau de risque suicidaire très élevé

L’Institut de veille sanitaire (INVS) a identifié plusieurs groupes2 pour lesquels le risque est plus élevé : les chefs d’entreprise et artisans et les agriculteurs, pour lesquels la fréquence des suicides est 20 % supérieure à celle de la population générale et trois fois plus grande que celle des cadres. En moyenne, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Chez les vétérinaires, cela concernerait cinq décès par an3.

Un plan national d’action contre le suicide4 a été mis en place par la Mutualité sociale agricole (MSA) sur la période 2011-2014, reconduit pour 2016-2020. La démarche repose sur l’association de plusieurs compétences au sein de cellules de prévention spécifiquement dédiées à l’écoute des agriculteurs en détresse, avec des partenariats, et sur une sensibilisation très large : personnel de la MSA, psychiatres et psychologues, soignants, médecins généralistes, famille, entourage. En 2013, 838 situations de détresse ont été détectées chez les agriculteurs, dont plus de 36 % qualifiées d’« urgentes à risque suicidaire », et 966 en 2014. Il s’agit de chefs d’exploitation dans trois cas sur quatre, dont 38 % ont entre 45 et 54 ans, avec une surreprésentation des éleveurs de bovins (entre 2007 et 2013). Une ligne d’écoute a été ouverte en octobre 2014, Agri’écoute (09 69 39 29 19), destinée aux agriculteurs et à toute personne témoin d’une situation de détresse. En 2015, elle a enregistré, en moyenne, une centaine d’appels par mois, avec une augmentation en fin d’année et un rallongement de leur durée.

DONNÉES NATIONALES SUR LA POPULATION TOTALE EN 2012

En 2012, 9 715 décès par suicide ont été enregistrés (16,7 décès par suicide pour 100 000 habitants). C’est 2,5 fois plus que le nombre de tués sur la route. Le total serait plus proche de 10 700, car, en moyenne, 9 à 10 % des cas ne sont pas intégrés dans cette catégorie, lorsque les certificats de décès portent la mention “cause inconnue” ou “mort violente indéterminée quant à l’intention”, par exemple.

Les décès par suicide concernent majoritairement des hommes (75 %). Un premier pic est noté entre 45 et 54 ans (25,1 pour 100 000) et un second après 75 ans, avec des taux supérieurs à 30 % (le suicide représente plus de trois décès sur dix dans cette tranche d’âge).

Il serait aussi recensé 200 000 tentatives, pour lesquelles la moitié des personnes ont été hospitalisées. Il s’agit surtout de jeunes filles de 15 à 20 ans et de femmes de 40 à 50 ans.

3 750 000 personnes par an sont impactées, de près ou de loin, par le suicide.

Le nombre de décès serait sous-estimé de 9,4 % environ, mais cela diffère selon les régions de 0,3 % (Bretagne) à 46 % (Île-de-France).

Les suicides par pendaison touchent essentiellement les régions Ouest et Nord de la France, avec plus de 60 % des décès, cette proportion passant de 30 % en Corse à 64 % en Normandie. Inversement, la part de suicides par arme à feu varie de 9 % (Bretagne) à 33 % (en Corse et dans le Sud-Est), avec 20 % dans le Centre-Val-de-Loire. La noyade est trois fois plus répandue dans les pays de la Loire et en Bretagne que dans le reste du pays, et le saut dans le vide deux fois plus fréquent en Île-de-France et en Corse qu’ailleurs.

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