Actualités sur la leishmaniose canine - La Semaine Vétérinaire n° 1661 du 12/02/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1661 du 12/02/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Patrick Bourdeau*, Gilles Bourdoiseau**, Charlotte Devaux***

Fonctions :
*Professeur à Oniris.
**Professeur à VetAgro Sup. Article rédigé d’après une webconférence organisée par Virbac, en janvier 2016.

Leishmania infantum, la seule espèce de leishmanie présente sur le territoire français métropolitain, est véhiculée uniquement par deux espèces de phlébotomes. Ceux-ci sont des “moucherons” bossus jaunâtres de quelques millimètres de longueur. Ils sont actifs d’avril à octobre et se nourrissent surtout en fin de journée et en début de nuit.

Une fois inoculée chez son hôte, Leishmania est phagocytée et se développe au sein des macrophages. Elle est ainsi présente dans la lymphe dermique qui sera source de contamination du phlébotome. Celui-ci deviendra infectant en 15 jours et pourra alors transmettre le parasite à un autre chien ou à une autre espèce comme le lapin, le lièvre ou le chat, qui sont aussi sources de parasites, mais aussi à l’homme.

Un déclenchement en cas de réponse immunitaire inappropriée

Les chiens présentent une sensibilité variable à la maladie et beaucoup d’entre eux sont infectés asymptomatiques. La maladie ne se déclenche que si la réponse immunitaire de l’individu est inappropriée. Deux types de réactions immunitaires sont observés : celle de type Th1, à médiation cellulaire, confère un phénotype de résistance (comme c’est le cas pour le lévrier des Baléares) et, à l’opposé, celle de type Th2, à médiation humorale, est caractérisée par une synthèse massive d’anticorps inefficaces, témoins de l’infection. Cette réaction se retrouve souvent dans des races à phénotype sensible comme le boxer. Lorsqu’une leishmaniose se déclenche chez un individu jeune, il est légitime de penser que celui-ci présente un phénotype sensible. Quand elle se déclare chez un individu âgé, il est alors probablement infecté latent de longue date. Quatre chiens pour 1 000 déclenchent une leishmaniose tous les ans en France, mais localement, en zone endémique, cela peut monter à 2,5 % des chiens. En tout, 200 000 individus seraient infectés en France.

Tous les tissus peuvent être infectés par les leishmanies

En cas de suspicion de leishmaniose, les commémoratifs concernant l’origine du chien et les éventuels séjours dans les zones d’endémie sont recueillis, en gardant à l’esprit que l’incubation étant longue (plusieurs mois), la maladie peut s’exprimer longtemps après l’infection. Le tableau clinique évocateur de leishmaniose consiste en un amaigrissement, une diminution significative de l’appétit, un abattement, une polyadénomégalie, des ulcères cutanés et muqueux sur la face, la truffe et, de façon symétrique, sur la face interne des pavillons auriculaires. Le chancre d’inoculation consiste en un ulcère à périphérie érythémateuse sur le chanfrein ou la face interne des pavillons auriculaires, mais il est difficile à observer. Malheureusement, ce tableau le plus caractéristique n’est pas le plus fréquent. Les formes atypiques sont nombreuses : tous les tissus, tous les appareils et tous les viscères peuvent être infectés par les leishmanies, ce qui représente un défi diagnostique.

Les données biologiques permettent d’établir la gravité

En cas de suspicion épidémiologique et clinique, sont réalisés une numération et formule sanguines, un dosage des protéines, de la créatinine sanguine et un rapport protéines sur créatinine urinaires (RPCU). Ces analyses non spécifiques permettent de confirmer la suspicion (en cas d’hyperprotéinémie supérieure à 80 g/dl et d’inversion du rapport albumine/globuline) et d’établir un pronostic (sombre en cas d’anémie arégénérative ou de créatininémie très élevée). L’hypothèse de leishmaniose est confirmée par une sérologie quantitative, ce qui permettra ensuite de suivre l’animal et de mettre en évidence les éventuelles rechutes. Si la sérologie est négative ou douteuse, un adénogramme est entrepris et, si nécessaire, une polymerase chain reaction (PCR) sur le même prélèvement. Le stade clinique est ensuite déterminé afin de donner un pronostic au propriétaire, de « bon » pour le stade I à “sombre” pour le stade IV (tableau). Il convient d’informer le propriétaire que le traitement est long et coûteux, avec un risque de rechute. Le caractère zoonotique doit toujours être indiqué. En humaine, 20 à 40 cas sont recensés chaque année en France, surtout chez les personnes âgées ou immuno-déprimées, mais en zone d’endémie, beaucoup de personnes hébergeraient le parasite sans développer de signe clinique ou biologique.

Un contrôle clinique et sérologique à réaliser deux fois par an

Le traitement spécifique de la leishmaniose peut être relativement toxique, en particulier pour les reins, ce qui représente un facteur limitant. Ainsi, en cas de glomérulonéphrite, une thérapeutique symptomatique à base de corticoïdes à 1 mg/kg/j pendant 7 jours est effectuée, associée à un bilan biologique et clinique. Si la correction n’est pas satisfaisante, le pronostic est sombre. Si l’insuffisance rénale est absente ou corrigée, le traitement de consensus est composé d’antimoniate de méglumine (Glucantime®) à 100 mg/kg/j par voie sous-cutanée pendant 28 jours et d’allopurinol (Zyloric®) à 15 mg/kg, matin et soir, tous les jours. Un contrôle clinique et sérologique est réalisé au moins deux fois par an. Si le titre de la sérologie est augmenté d’au moins deux titres par rapport au titre initial et que des symptômes (pouvant différer de ceux du tableau initial) sont présents, l’animal est considéré en rechute et reçoit alors le même traitement qu’initialement.

La vaccination divise par quatre le risque de déclencher la maladie

La première prévention de la maladie consiste à éviter d’exposer les chiens aux piqûres de phlébotomes en les rentrant le soir et en début de nuit. L’infection peut être prévenue grâce à l’utilisation d’insecticides de la famille des pyréthrinoïdes. Attention, ces produits ne sont efficaces que s’ils sont parfaitement utilisés : les colliers mettent 7 jours à se diffuser sur l’ensemble du corps, les sprays sont actifs tout de suite mais ne durent que 2 semaines, les spot-on mettent 48 heures à diffuser sur la peau et ont une activité de 2 à 4 semaines (bien lire les autorisations de mise sur le marché). Par prudence, un tuilage pourra être réalisé, avec une application plus fréquente que celle théoriquement recommandée. La vaccination permet d’augmenter la résistance à la maladie. Elle n’empêche pas l’infection, mais en établissant une immunité de type Th1, elle divise par quatre le risque de déclencher la maladie si l’animal est infecté. La vaccination doit toujours être réalisée sur un animal séronégatif (son effet sur un animal infecté n’est pas connu). Elle est proposée aux chiens sains résidant en zone enzootique ou chez ceux effectuant de longs séjours ou des séjours répétés dans ces zones, et toujours en complément d’une lutte insecticide bien menée.

Écarter les chiens séropositifs de la reproduction

La transmission de la leishmaniose peut aussi se faire de manière non vectorielle, lors de l’accouplement et de façon verticale de la mère aux chiots. Ces modes de transmission ne sont pas systématiques et sont surtout décrits dans les races prédisposées, comme le boxer. Cependant, par précaution, les chiens séropositifs sont écartés de la reproduction. Les chiots de mère leishmanienne sont considérés comme nés infectés par transmission verticale si à 3 mois la sérologie est positive (il est impossible de l’interpréter avant, compte tenu de l’interférence possible des anticorps maternels). Le chiot devra alors être suivi cliniquement et sérologiquement, comme tout chien infecté.

INTÉRÊT ET LIMITES DU TEST RAPIDE

Comme son nom l’indique, ce test présente l’avantage de la rapidité. En revanche, il ne dispense pas de réaliser une sérologie quantitative pour faire le “grading” de la maladie et effectuer le suivi. Si le test est négatif, l’infection leishmanienne ne peut être exclue. En cas de suspicion, il conviendra tout de même de réaliser une sérologie quantitative.

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