Recommandations sur la réanimation cardio-pulmonaire - La Semaine Vétérinaire n° 1660 du 05/02/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1660 du 05/02/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Patrick Verwaerde*, Gwenaël Outters**

Fonctions :
*Maître de conférences à l’ENVT.

Recover est une série de recommandations dictée par l’équipe américaine de Fletcher1 qui fait consensus en termes de réanimation cardio-circulatoire et pulmonaire. Elle fait le point sur les bonnes pratiques et en corrige certaines, toutes étant validées par leur efficacité. Lors d’arrêt cardiaque, la précocité interventionnelle est essentielle au succès de la réanimation. Seules 5 minutes sont offertes pour agir avant que l’hypoxie ne crée une défaillance organique irréversible. Une fois l’arrêt cardiaque constitué, la réanimation s’articule sur deux séquences, renouvelées, suivies d’une séquence post-reprise.

Séquence de base

La séquence de base (ABC : air, breath, circulation) permet de prendre la main sur la circulation et la ventilation. Auparavant, l’intubation était le geste prioritaire, mais désormais rien ne doit retarder le début du massage cardiaque : il doit être initié, même si un doute subsiste quant à l’arrêt. Celui-ci peut être précédé d’une à trois fortes compressions thoraciques externes : cette technique ne peut être qu’une vague solution pour tenter de faire redémarrer le cœur, il n’y a pas de consensus sur ce point. Le massage cardiaque vise à rétablir une perfusion minimale. Il est ininterrompu et le masseur est relayé toutes les 2 minutes. Sa fréquence doit être de 100 à 120 pressions par minute associées à une ventilation de 10 insufflations par minute. Pour optimiser son efficacité (perfusions cérébrale et coronarienne), l’animal est légèrement incliné, tête en bas, et son abdomen bandé en compression.

La ventilation est assurée en parallèle du massage, sans le retarder. L’intubation est classique avec une pression maximale de 15 à 20 centimètres d’eau et un volume de 10 à 15 ml/kg en 1,5 seconde.

« Le remplissage vasculaire doit n’intéresser que les animaux en hypovolémie », souligne le conférencier. Il convient alors d’utiliser des bolus intraveineux de 5 ml/kg de soluté isotonique.

En cas d’arrêt iatrogène, les médicaments antagonistes sont administrés le plus tôt possible : naloxone (antagoniste des morphiniques), atipamézole (antagoniste des α2-agonistes), flumazénil (antagoniste des benzodiazépines).

Séquence avancée

La séquence avancée fait appel aux médicaments ou à la défibrillation électrique. En cas d’asystolie, l’adrénaline à basse dose induit une vasoconstriction des territoires moins nobles en préservant la perfusion myocardique et cérébrale. Le choc électrique se pratique idéalement avec un défibrillateur biphasique, précocement, avec une faible énergie (2 à 4 joules par kilo pour une stimulation externe, et 0,5 à 1 J/kg en interne), en plaçant les électrodes perpendiculaires l’une à l’autre. La défibrillation n’a de sens que s’il y a une activité électrique (inutile en asystolie). Si le choc électrique n’induit pas de défibrillation, la lidocaïne est indiquée.

« L’activité électrique sans pouls est un piège fréquent rencontré dans 30 % des arrêts cardiaques », prévient le conférencier. Il s’agit d’une “dissociation électromécanique”, avec une activité électrique - qui se manifeste par un tracé d’électrocardiogramme (ECG) normal - qui peut durer plusieurs minutes après l’arrêt de l’activité cardiaque, surtout si l’animal est oxygéné. Le vétérinaire peut alors être leurré par le tracé ECG s’il ne vérifie pas les battements cardiaques. Ce phénomène est en particulier rencontré avec l’utilisation des barbituriques.

Les drogues sont préférentiellement administrées par voie intraveineuse. L’adrénaline est désormais administrée à petite dose (10 µg/kg) pour un arrêt cardiaque récent (100 µg/kg si tardif). Il est inutile de renouveler l’injection à une fréquence inférieure à 4 minutes. La voie intratrachéale est une alternative possible en doublant la dose et en diluant le produit. Les nouvelles recommandations bannissent les injections intracardiaques. L’atropine est utilisée à la dose de 0,04 mg/kg et n’est envisagée qu’après exclusion des autres causes de bradycardie (anesthésie trop profonde notamment). Les antiarythmiques ont leur intérêt : la lidocaïne (2 mg/kg) est le médicament de choix des troubles du rythme ventriculaire, notamment les extrasystoles ventriculaires qui sont très fréquentes. La pertinence des bicarbonates est largement débattue et ils n’ont donc pas leur place dans la séquence de base. Ils sont envisagés après 15 minutes d’arrêt (1 ml/kg).

Le doppler n’est pas pertinent au moment de l’arrêt cardiaque : seuls l’ECG et le capnographe ont leur place. La capnographie aide à la prise de décision de l’arrêt des soins au cours de la réanimation. Si la mesure de CO2 en fin d’expiration (EtCO2) est supérieure à 15-20 millimètres de mercure (mmHg), la réanimation est efficace et doit être poursuivie. Entre 10 et 15 mmHg, la réanimation doit être optimisée. En deçà de 5 à 10 mmHg, la réanimation est inefficace et le pronostic mauvais.

Séquence post-reprise

Après 5 à 10 séquences complètes, la prise de décision de l’arrêt de la réanimation s’impose lorsque l’hypoxie a duré plus de 10 minutes, que les lésions cérébrales sont donc irréversibles, avec notamment défécation et vidange vésicale, si l’EtCo2 est inférieure à 5 mmHg pendant plus de 10 à 20 minutes et que la réanimation n’apporte aucun succès après 20 minutes.

Lorsque le cœur est reparti, il faut prévoir la durée des soins intensifs en fonction de la durée de l’arrêt cardiaque avec une surveillance respiratoire, circulatoire, neurologique et métabolique. Trois quarts des animaux qui ont subi un arrêt cardiaque en refont un dans les minutes ou les heures qui suivent. L’oxygénothérapie vise à garantir l’apport d’oxygène au cerveau, mais il convient de limiter les phénomènes d’hyperoxie et d’adapter l’oxygénothérapie à l’activité respiratoire. L’objectif est d’atteindre une saturation pulsée en oxygène (SpO2) supérieure à 95 % et une pression artérielle en oxygène (PaO2) d’environ 80-100 mmHg. La fluidothérapie est ajustée (pas en excès !) pour obtenir une pression artérielle moyenne de 70 mmHg. Si celle-ci chute, le recours à des agents vasoconstricteurs (noradrénaline, préférable) ou à des agents inotropes positifs (dobutamine) est possible.

Il convient de repérer et de lutter contre les signes d’œdème cérébral et les convulsions (phénobarbital, 2,5 à 5 mg/kg, trois fois par jour ; diazépam, 0,2 mg/kg, trois fois par jour). À ce moment-là uniquement, l’hypothermie thérapeutique, entre 32 et 34 °C, pourrait permettre de protéger le cerveau mais n’est pas à conseiller. L’œdème cérébral, apparaissant en général dans les 4 à 6 heures post-arrêt cardiaque, est combattu par l’utilisation de mannitol 20 % à 0,5 ml/kg en bolus lent toutes les 20 minutes ou de soluté hypertonique salé à raison de 2 à 4 ml/kg en bolus également. L’œdème cérébral est ici cytotoxique et non inflammatoire, ce qui déconseille l’utilisation des corticoïdes.

L’acidémie est corrigée seulement si elle est objectivée. La glycémie doit être maintenue aux alentours de 1 g/l.

Les rechutes dans les heures qui suivent sont fréquentes. Il est alors important d’interroger le propriétaire sur la poursuite des soins et de savoir si la réanimation est éthique. La réanimation cardio-pulmonaire est un geste technique nécessitant un investissement matériel, humain et financier qui doit être rétribué. Cet aspect est également à évoquer avec le propriétaire et le vétérinaire doit facturer ses soins sans vivre comme un échec une absence de succès de réanimation.

1 Fletcher D. J., Boller M., Brainard B. M. et coll. Recover evidence and knowledge gap analysis on veterinary CPR. Part 7: Clinical guidelines. J. Vet. Emerg. Crit. Care (San Antonio). 2012;22 (suppl. 1):S102-S131.

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