Nathalie Marlois : « Les thérapies comportementales sont incontournables »

Quelle est la place des thérapies en médecine comportementale ?

Loin de s’opposer à un traitement pharmacologique, les thérapies comportementales sont essentielles, voire indispensables à la majorité des prises en charge. Elles s’inscrivent dans un contrat de soins fondé sur une approche médicale de la psychiatrie vétérinaire. Seuls le contexte et une modélisation théorique du trouble traité en font une thérapie avec un objectif clairement défini, ce qui implique un diagnostic préalable.

En quoi consistent-elles ?

Elles sont multiples, agissent sur des éléments variés (environnement, apprentissage, communication, extinction, etc.) et utilisent diverses techniques, dont certaines sont apparues récemment (restructuration sociale dirigée, désensibilisation, régulation de l’attachement, proxémie, etc.). Les méthodes utilisées ne sont pas spécifiques d’un trouble donné. En effet, elles reposent sur le modèle psychopathologique créé par Patrick Pageat et s’inspirent en particulier de la psychiatrie humaine, de l’éthologie et des règles de l’apprentissage. Bien que leur cadre technique induise des contraintes, le thérapeute dispose d’une grande liberté s’il fait preuve de créativité et s’il parvient à partager le plaisir de sa mise en place avec son client. Il convient toutefois d’être vigilant, car leur transmission est difficile et il est important de faire la distinction entre une théorisation plus ou moins éloignée de la réalité et les retours d’expérience anecdotiques.

Quelles sont les preuves scientifiques des thérapies comportementales ?

Dans un monde qui ne reconnaît que la médecine fondée sur des preuves (EBM), les thérapies apparaissent comme des parents pauvres. En effet, leur efficacité dépend moins de la technique que du savoir-faire et de la créativité du thérapeute. Chacun construit spontanément sa méthode, autour de bases communes et après une phase d’apprentissage de règles ou de procédures, plus ou moins protocolaires. La difficulté de la standardisation et la part de la créativité individuelle rendent plus complexe leur paramétrage dans des études. De rares publications démontrent l’intérêt des thérapies chez l’animal de compagnie, notamment lors de marquage urinaire chez le chat, de cystite émotionnelle ou de troubles reliés à la séparation chez le chien. Le développement des neuro?sciences a toutefois permis de renforcer l’aspect scientifique de la discipline en prouvant que tout changement psychique et émotionnel durable repose sur des modifications fonctionnelles des voies neurales (notion de neuroplasticité). Ainsi, si le cerveau n’oublie jamais, les thérapies permettent de créer de nouvelles connexions synaptiques modifiant la réponse comportementale ou émotionnelle (en mieux ou en pire, selon la thérapie prescrite). Il convient aussi de s’assurer de la synergie d’action entre les psychotropes prescrits et la thérapie mise en place.

S’agit-il ici de soigner ou de “rendre conforme” ?

Ce débat est ouvert, puisque la norme en psychiatrie vétérinaire peine à être définie et que la maladie psychiatrique n’est pas reconnue par tous. Comme pour les thérapies pharmacologiques, un questionnement éthique est nécessaire. Lors de sa prescription, le thérapeute doit s’interroger sur les contraintes qu’il s’autorise à imposer à l’animal et à ses compagnons humains. Il doit convaincre le propriétaire qu’il ne s’agit pas d’une énième manière de faire de l’éducation, même si des techniques éducatives permettant une modification du comportement sont utilisées. Le thérapeute doit penser à garantir à l’animal le maximum de liberté et le minimum de contrainte, dans l’espace et dans le temps. Sa responsabilité est alors totalement engagée. Il n’y a cependant pas de thérapie sans un encadrement par des règles qui s’imposent à l’ensemble des protagonistes.