Un cas d’invagination cæco-colique chez un chat - La Semaine Vétérinaire n° 1657 du 15/01/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1657 du 15/01/2016

CAS CLINIQUE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Pierre Garcia*, Ovidiu Crisan**

Fonctions :
*Praticiens à la clinique Centre Vet de Guéret (Creuse)

Cas clinique

Une chatte européenne de 6 ans est amenée à la consultation pour de légères difficultés défécatoires évoluant depuis quelques semaines, avec des “selles anormales” striées d’un sillon longitudinal. Cet animal n’a jamais présenté la moindre affection auparavant.

Examen clinique

L’animal est en bon état général et pèse 3,5 kg. La palpation abdominale n’est pas douloureuse et aucune masse n’est palpable. Aucune anomalie n’est relevée. À ce stade, et au vu du cliché des selles amené par le propriétaire, une hypothèse de polype de la portion terminale du tractus digestif semble probable, sans qu’une néoplasie de la jonction iléo-cæcale ne puisse être écartée. Les propriétaires, motivés, souhaitent une exploration plus complète malgré le faible retentissement sur la santé de l’animal.

Examen endoscopique

Une coloscopie est réalisée après une préparation de l’animal sur quatre jours (régime protéiné sans résidus) et un lavement aqueux. Il est rapidement visualisé un volumineux “polype” dans le côlon. Il s’avère impossible de remonter à la base de ce polype pour tenter de le réséquer, d’autant qu’il piège des résidus qui gênent la visibilité. Des biopsies sont donc réalisées. L’animal est réveillé et rendu à ses propriétaires dans l’attente des résultats. Ceux-ci reviennent du laboratoire avec l’étonnante conclusion de « colite chronique d’intensité discrète à modérée » et « absence de lésion polypeuse sur les biopsies ». Une laparoscopie est décidée à la demande des propriétaires.

Traitement chirurgical

L’animal est prémédiqué (buprénorphine et démétomidine), induit à l’alfaxalone après la tonte et entretenu à l’isoflurane 1,2 % après mise en place d’un dispositif supraglottique. Une injection d’anti-inflammatoire (méloxicam 0,05 mg/kg) est effectuée.

La voie d’abord se fait par la ligne blanche et l’abdomen est exploré. Une intussusception est rapidement découverte qui, à l’examen attentif, se révèle être une invagination cæcale totale. Cette invagination est défaite assez aisément par taxis (absence d’adhérence). Elle concerne le cæcum, de près de quatre centimètres, qui s’est retourné dans le côlon pour former le pseudo-polype responsable des symptômes observés.

Afin de prévenir toute récidive, une typhlectomie est réalisée, de façon classique, au monofilament résorbable 4/0 aiguille ronde à l’aide de surjets perforants. Une petite reconstruction est nécessaire afin d’éviter toute sténose.

Le site de typhlectomie est recouvert d’épiploon suturé à la séreuse pour le fixer. L’abdomen et la peau sont refermés de façon classique.

Une antibiothérapie est instaurée. Les consignes postopératoires sont seulement de continuer un régime sans résidus pendant quatre jours, puis de revenir progressivement à un régime normal. Une vermifugation (milbémycine) est également réalisée. Au contrôle à 10 jours et un mois postopératoires, l’état général est très bon et les symptômes ont bien évidemment disparu.

Discussion

Invagination du cæcum chez le chat

Ce type d’intussusception, s’il est décrit chez le chien, reste confidentiel chez le chat. Deux cas sont précédemment décrits dans la littérature. Par comparaison avec eux, l’animal de ce cas a été, a priori, peu gêné par son invagination et aurait sans doute pu vivre longtemps ainsi. Toutefois, les propriétaires ont clairement senti un confort supplémentaire pour lui après la chirurgie. Il est également légitime d’imaginer que l’invagination aurait pu dégénérer en intussusception de la valvule iléo-cæcale, entraînant un vrai syndrome subocclusif.

Le cæcum du chat est un diverticule de 2 à 3 cm de long partant du côlon ascendant à la jonction entre l’iléon et le côlon. Chez le chat, la jonction cæco-colique ne possède pas de sphincter, ce qui prédispose à des infections ou des inflammations ascendantes et éventuellement au prolapsus. L’infestation par les trichures a déjà été rapportée comme pouvant être la cause d’une invagination cæcale. De manière générale, tout envahissement parasitaire interne peut avoir une responsabilité dans la genèse du phénomène. Les autres causes prédisposantes sont les tumeurs et les affections virales comme la parvovirose chez le chiot. Le jeune âge est également un facteur de risque.

Diagnostic

Les invaginations cæcales ne sont pas réputées être aisément palpables chez le chien et surtout chez le chat. Le diagnostic peut être posé par échographie abdominale ou par coloscopie, toutefois l’avantage de cette dernière technique est de pouvoir, à l’aide de biopsies, écarter l’hypothèse d’une néoplasie. Dans notre cas, c’est la rareté de ce type de pathologie (à laquelle, de fait, nous n’avions pas pensé) et l’absence de toute induration à la palpation abdominale qui nous a amenés à pratiquer une coloscopie sans examen échographique préalable. Cette affection, bien que très rare, doit cependant rester à l’esprit du praticien car il est permis de penser que des prolapsus partiels du cæcum sont peut-être sous-diagnostiqués car non palpables et avec peu d’incidence sur l’état général. En tout état de cause, toute difficulté défécatoire, même légère, doit conduire le praticien à proposer, en l’absence d’élément abdominal palpable, une échographie abdominale et/ou une coloscopie, examens simples et relativement peu invasifs. Un examen radiographique après lavement baryté peut également être utilisé en cas de doute et en l’absence de matériel d’imagerie plus sophistiqué. Le lavement baryté est, dans ce cas, à privilégier par rapport au transit baryté classique.

  • - Kolata R. J., Wright J. H. Inflammation and inversion of cecum in a cat. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1973;162:958.
  • - Head L., Bhandal J., Kuzma A. Cecal inversion followed by ileocolic intussuception in a cat. Can. Vet. J. 2008;49:483-484.
  • - Besso J. G., Rault D., Begon D. Feline cecum and ileocecocolic junction : normal ultrasonographic features and clinical applications. Vet. Radiol. Ultrasound. 2004;45:599.
  • - Leib M. S. Diseases of the large intestine. Textbook of veterinary internal medicine : diseases of the dog and cat. 1995;6.
  • - Kealy J. K., Mc Allister H. Radiographie et échographie du chien et du chat. Med’com. 2008.
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