Le virus West Nile est de retour dans le sud-est de la France - La Semaine Vétérinaire n° 1657 du 15/01/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1657 du 15/01/2016

ÉPIDÉMIOSURVEILLANCE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Cécile Beck*, Laure Bournez**, Jackie Tapprest***, Nathalie Foucher****, Agnès Leblond*****, Eve Laloy******, Philippe Garcia*******, Benoît Ecolivet********, Steeve Lowenski*********, Aurore Poux**********, Alexandra Troyano-Groux***********, Pierre Tritz************, Céline Bahuon*************, Stéphan Zientara**************, Sylvie Lecollinet***************

Fonctions :
*Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
**Collège syndrome neurologique du Respe
***Anses, direction des laboratoires, unité de coordination
et d’appui à la surveillance, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
****Collège syndrome neurologique du Respe
*****Anses, laboratoire de pathologie équine de Dozulé (Calvados)
******Anses, laboratoire de pathologie équine de Dozulé (Calvados)
*******Inra, épidémiologie animale UR 346, Saint-Genès-Champanelle
(Puy-de-Dôme)
********VetAgro Sup, pôle équin, Marcy-l’Étoile (Rhône)
*********Collège syndrome neurologique du Respe
**********Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
***********ENVA, biopôle, anatomie pathologique, Maisons-Alfort
(Val-de-Marne)
************Clinique vétérinaire de la Crau, Saint-Martin-de-Crau
(Bouches-du-Rhône)
*************Organisation vétérinaire à vocation technique (OVVT) Paca,
commission équine
**************Anses, laboratoire de pathologie équine de Dozulé (Calvados)
***************Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
****************Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
*****************Direction générale de l’alimentation, bureau de la santé animale,
Paris
******************Clinique vétérinaire de Faulquemont (Moselle)
*******************Collège syndrome neurologique du Respe
********************Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
*********************Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
**********************Anses, laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
***********************Collège syndrome neurologique du Respe

Après 9 ans de silence, le virus West Nile a circulé activement en France cet été dans la population équine. Sa présence dans le sud-est n’est pas récente puisque, dès 1962, des cas équins et humains sont décrits en Camargue et que, 40 ans plus tard, de nouveaux cas sont enregistrés dans l’Hérault (2000), le Var (2003), les Bouches-du-Rhône (2004), le Gard (2004) et enfin les Pyrénées-Orientales (2006) [3]. Les réémergences de ce virus en France sont donc cycliques et peu prévisibles, mais pour l’instant toujours localisées dans le sud-est, avec une aire de prédilection en zone Camargue (figure 1).

Le virus

Le virus West Nile appartient à la famille des Flaviviridae et au genre Flavivirus. Ce genre regroupe de nombreux agents pathogènes importants pour l’homme, tels que les virus de l’encéphalite japonaise, de la dengue, de la fièvre jaune, de l’encéphalite à tique, etc. Ces virus sont transmis par des arthropodes (moustiques, tiques en particulier). Le virus West Nile est, lui, transmis par des moustiques du genre Culex, selon un cycle moustique-oiseau-moustique. Le cheval et l’homme sont des hôtes accidentels très sensibles à l’infection et ils peuvent développer une méningo-encéphalite sévère (dans moins d’un cas sur 10 chez le cheval et environ un cas sur 140 chez l’homme) quand ils sont piqués par des moustiques vecteurs. Cependant, dans la majorité des cas, les infections passent inaperçues ou prennent la forme d’une pseudo-grippe estivale.

La fièvre West Nile est une maladie non contagieuse, ce qui veut dire que le cheval ou l’homme constituent des culs-de-sac épidémiologiques (pas de transmission possible cheval-homme, cheval-cheval ou homme-cheval). Seuls des cas de transmission interhumaine lors de transfusion sanguine, d’allaitement ou de greffe d’organe ont été rapportés.

Épidémiologie

Cet été, le premier cas a été diagnostiqué à l’ouest de la commune d’Arles (Bouches-du-Rhône) avec un début des symptômes cliniques le 11 août 2015. Le dernier cas a été notifié le 30 octobre 2015, toujours à Arles. Un nombre élevé de cas a été enregistré entre les semaines 35 et 40 (du 24 août au 4 octobre), avec le pic de l’épizootie enregistré au cours de la semaine 38, soit entre les 14 et 20 septembre. Pendant cette période, 39 foyers équins ont été confirmés dans les trois départements des Bouches-du-Rhône, du Gard et de l’Hérault. La plupart des foyers étaient situés en Camargue, à la limite entre les départements des Bouches-du-Rhône et du Gard, dans une zone d’une soixantaine de kilomètres de diamètre. Dans l’Hérault, seul un cas situé à une cinquantaine de kilomètres des autres foyers a été détecté. Un autre cas a été confirmé dans le Var, mais ce cheval, arrivé dans l’élevage quelques jours avant l’apparition des premiers signes cliniques, a très probablement été infecté dans l’élevage d’origine situé dans les Bouches-du-Rhône. Les derniers cas confirmés fin octobre ont été localisés à Arles (Bouches-du-Rhône) et à Saint-Gilles (Gard). Cette épizootie a donc été très localisée mais a touché un grand nombre d’élevages (figure 2).

De façon inattendue, les autres volets de la surveillance humaine et entomologique ont permis d’identifier la présence du virus West Nile à distance des foyers équins et en milieu péri-urbain, dans deux quartiers périphériques de Nîmes (Gard). Un seul cas humain sans gravité de fièvre West Nile a été diagnostiqué début octobre.

Clinique

Parmi les 39 foyers répertoriés, 41 cas d’encéphalomyélite plus ou moins sévères dus au virus West Nile ont été comptabilisés en 2015. Les chevaux malades étaient à 69,4 % des mâles et toutes les tranches d’âge, à proportions égales, ont été touchées (photo).

Les symptômes généraux les plus fréquemment notés par les vétérinaires ont été l’abattement (46 % des cas), l’hyperthermie (46 %) et la perte d’appétit (8 %). Les symptômes nerveux les plus cités ont été l’ataxie (74 %), la parésie (18 %) et l’hyperesthésie (15 %). Cependant, contrairement à la clinique classique de la fièvre West Nile qui décrit généralement une ataxie ou une parésie des postérieurs, l’ataxie relevée ici a concerné soit les quatre membres (41 %), soit, de manière équivalente, uniquement les postérieurs (15 %) ou les antérieurs (18 %), avec parfois un harper (5 %) et/ou des chutes (8 %) [5]. Une phase de décubitus ou un décubitus prolongé ont été décrits dans 31 % des cas. Enfin, certains symptômes étaient localisés à la face avec une fasciculation des lèvres (5 %) et une ptôse de la lèvre inférieure (8 %) (tableau).

La mort (ou l’euthanasie) a été rapportée pour 6 cas (15 %), pourcentage plus faible que le taux de létalité évalué généralement à 20 et 57 % dans les formes neurologiques [4]. Une vigilance accrue des vétérinaires par rapport aux formes légères d’infection et/ou une bonne prise en charge thérapeutique des chevaux malades peuvent expliquer cette différence.

Autopsie et analyse histologique

Durant cet épisode, un cheval mort de fièvre West Nile dans le Gard a pu être autopsié à l’Anses de Dozulé (Calvados). Les lésions macroscopiques de l’encéphale se limitaient à de petits foyers hémorragiques linéaires dans le tronc cérébral et punctiformes dans l’adhérence interthalamique. L’analyse histologique a mis en évidence une encéphalomyélite non suppurée, caractérisée par des manchons lymphocytaires périvasculaires et des nodules gliaux dans le tronc cérébral et la moelle épinière.

Diagnostic de laboratoire

Les foyers de fièvre West Nile ont été confirmés au laboratoire par la mise en évidence des anticorps d’apparition récente (immunoglobulines M) dans le sérum par méthode Mac Elisa (M antibody capture enzyme-linked immunosorbent assay). Tout résultat IgM positif objectivait une infection récente par le virus.

Les tests de détection génique par amplification du génome viral (PCR pour polymerase chain reaction) qui ont été réalisés sur le sang (23 chevaux testés) ont, à l’inverse, systématiquement été négatifs. La virémie chez le cheval étant habituellement de faible intensité et courte, ce résultat n’est pas surprenant. Lorsque les signes cliniques neurologiques apparaissent, le virus a le plus souvent quitté le compartiment sanguin [2]. Sur les cas confirmés, deux échantillons de liquide cérébrospinal (LCS) sur cheval vivant et quatre échantillons d’urine se sont aussi révélés négatifs après PCR.

En revanche, la recherche du virus sur biopsie cérébrale après la mort de l’animal a permis d’isoler le virus et d’en faire le séquençage. Il est d’ailleurs regrettable que l’accès à ce type de prélèvement soit de plus en plus difficile. Cela est dû au manque de moyens pour une bonne prise en charge de l’animal lors de sa mort et à l’absence de salle d’autopsie pour les grands animaux dans le sud de la France. L’analyse phylogénétique du virus isolé a montré qu’il appartient à une souche de lignage 1, clade Europe de l’Ouest, très proche de celle qui circulait en France en 2000 ou en 2004.

Conclusion

Le silence du virus West Nile sur le terrain entre 2006 et 2015 n’exclut pas son maintien selon un cycle moustique-oiseau-moustique dans l’avifaune. La présence du virus a d’ailleurs été clairement établie en 2010 en région Camargue par la mise en évidence, lors d’une enquête sérologique, d’anticorps neutralisants anti-West Nile sur des pies bavardes de moins de 2 ans, ce qui traduisait une exposition récente au virus [6]. La résurgence de ce dernier cette année n’est donc pas une surprise, même si le nombre de chevaux affectés est important et n’avait pas été atteint depuis l’année 2000. De plus, au niveau européen, une recrudescence des épizooties à virus West Nile peut être observée depuis 2010 avec, en particulier, une endémisation du virus en Italie et en Grèce [1]. Ce pic estival de fièvre West Nile ne demeurera donc probablement pas une exception et se renouvellera dans les prochaines années en France.

Remerciements aux Drs Belmaure, Clavel, Denys, Fissolo, Garcia, Germe, Gorlier, Gruson, Julia, Magnan, Plotto, Richard Anne et Benjamin, Rodier, Seguin et Weingarten, qui ont pris le temps de répondre à nos questions sur les cas de West Nile, aux LDA30, LDA13, LVD34 et au Labéo Frank Duncombe, qui nous ont transmis les prélèvements sanguins pour PCR et leurs résultats sérologiques, ainsi qu’à tous les acteurs de la surveillance West Nile chez l’animal, l’homme et le moustique.

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