Retour sur la Transat Jacques-Vabre 2015 ! - La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015

Éditorialistes d’un jour

Auteur(s) : Juliette Pêtrès

J’ai mis le pied pour la première fois sur un bateau il y a un peu plus de 6 ans. J’avais 27 ans. Je n’aurais jamais cru franchir un jour la ligne d’arrivée de la Route du rhum, comme je l’ai fait l’an dernier, ni celle de la Jacques-Vabre, comme il y a quelques jours. J’ai une satisfaction immense à avoir concrétisé un de mes rêves et j’ai aimé chaque jour passé en mer.

Partis du Havre, il nous aura fallu 32 jours pour rallier Itajaí, au sud du Brésil, sur le Class40 (monocoque de 40 pieds) Club 103.

Le départ du Havre, le mercredi 25 novembre, s’annonce ardu. La météo prévoit une forte dépression au large d’Ouessant. La flotte de 48 bateaux est partagée. Les skippers des multicoques géants (classe Ultime : trimarans de plus de 70 pieds) et plusieurs skippers d’Imoca (monocoques de 60 pieds, ceux qui courront le prochain Vendée Globe) préféreraient que le départ soit reporté et que nous partions mardi. Je partage leur avis. L’année dernière, lors de la Route du rhum, nous étions 94 à nous élancer dans un fort coup de vent et beaucoup avaient été contraints à l’abandon. Moi-même, je revois les premières 48 heures du Rhum comme une lutte éprouvante contre les éléments.

Cette fois encore, nous partons donc en nous attendant à du gros temps. C’est assez comique de franchir la ligne de départ, péniblement, sans vent. Il nous faut plus d’une demi-heure pour réussir à toucher un peu d’air et commencer notre longue remontée vers Étretat. C’est seulement le soir, au soleil couchant, que nous contournons la bouée devant la falaise. Le décor est splendide. Nous pouvons enfin nous élancer vers le Brésil.

Première étape : la Manche, première avarie aussi. Arrivés à Ouessant, alors que le vent n’est pas encore très fort et que nous avons établi le gennaker depuis 30 minutes, un terrible bruit nous fait sursauter. Nous nous précipitons à l’avant : notre bout-dehors s’est arraché. C’est un long tangon de 2 mètres à l’avant du bateau qui permet de fixer toutes les voiles de portant (spinnakers et gennaker). Sans lui, la course est finie. C’est grâce à ces voiles que nous allons vite, lorsque le vent souffle derrière nous… De plus, la sous-barbe qui relie le tangon au bas de l’étrave du bateau a cédé et a arraché un bout de l’étrave, au niveau de la ligne de flottaison. Moment d’angoisse. Nous pourrions avoir une voie d’eau. Après avoir affalé le gennaker dans le cockpit, nous ouvrons la crash box (l’avant du bateau est séparé du reste du voilier par une cloison étanche, ce qui nous évite de couler si nous percutons un Ofni - objet flottant non identifié). Heureusement pour nous, la coque n’est pas percée et l’eau ne rentre pas dans le bateau.

Dépités, nous faisons route vers Lorient. J’appelle la direction de course pour les prévenir que nous nous déroutons. Nous avons 12 heures d’escale minimum obligatoire. Fort heureusement, à terre, les amis d’Alan prennent en charge le bateau avec des préparateurs. La casse est moins grave que nous ne l’avions craint. 36 heures plus tard, nous reprenons la mer, motivés mais anxieux que les réparations ne tiennent pas sur 5 000 miles. Nous apprenons qu’il y a déjà beaucoup de casse et d’abandons. Au final, seuls 60 % des bateaux arriveront au bout de la course…

La traversée du golfe de Gascogne est relativement aisée, mais nous sommes cueillis par une violente dépression en face de La Corogne. 50 nœuds de vent toute une nuit : nous naviguons avec seulement notre grand-voile à 3 ris. Nous en sortons à l’aube, détrempés, mais nous avons passé le cap Finisterre et nous pouvons descendre le long des côtes espagnoles et portugaises. Cap sur Madeire.

Nous avons peu de chances de rejoindre les autres concurrents, qui ont plus de 600 miles d’avance sur nous. Cependant, nous ne sommes pas seuls, car un autre voilier, Creno Moustache, vite surnommé les “moustachus”, a fait escale derrière nous en Espagne et nous a ensuite poursuivis pendant 4 500 miles.

Plusieurs étapes rythment la course, ce qui permet de tenir plus facilement.

Premier objectif : Madeire. Nous passons tout près des côtes la nuit : d’immenses montagnes, de petites villes illuminées et des cargos tout autour, qui patientent.

Puis les Canaries. Nous sommes contraints de faire une route très à l’est et de passer tout à côté de Ténériffe, car une grosse dorsale anticyclonique nous empêche de faire route directe. Nous n’avons pas la même météo que nos amis devant ! Nous restons plantés pendant des heures interminables entre les îles par manque de vent… Malgré mes cours de météo, qui m’ont expliqué où passer entre les îles des Canaries, quand et comment, et selon quel régime de vent, nous restons perplexes devant la stratégie à adopter. Quand c’est pétole, c’est pétole !

Ensuite la route est longue, mais plus aisée jusqu’au Cap-Vert. L’occasion de savourer de la musique capverdienne via mes écouteurs ! Nous avons des alizés faibles, mais des alizés tout de même, et c’est sous spi que nous descendons jusqu’au îles du Cap-Vert. De nuit, nous n’apercevons que le haut des montagnes, baignées dans le brouillard. Le temps d’envoyer deux ou trois sms, car on capte du réseau !

Deux jours après le Cap-Vert, c’est le pot au noir, moins terrible et plus court que dans notre imagination. Deux nuits sont vraiment délicates, avec de gros orages et du vent dans tous les sens. Je n’avais jamais vu tomber de telles trombes d’eau aussi longtemps. Nous aurions pu refaire nos réserves d’eau… Cependant, prévoyants, nous avons amené suffisamment d’eau potable.

Nous sommes heureux de franchir l’Équateur. Plus de la moitié du parcours est derrière nous. Les “moustachus” gagnent cependant du terrain : il faut mettre la gomme. Heureusement, nous nous retrouvons à une allure que le bateau aime bien : le reaching, une sorte de près débridé (un peu écarté du vent de face) et, lorsque nous atteignons les côtes brésiliennes, nous leur avons repris presque 100 miles.

Le plus impressionnant, lors de notre descente le long des côtes, ce sont les violents orages, les baleines et les champs de plateformes pétrolières. Les baleines ont joué autour du bateau pendant toute une journée. La nuit, nous devons nous méfier des longs filets de pêche dérivant et des bateaux qui font les navettes entre les plateformes, lorsque nous traversons des champs pétrolifères. L’impression d’être à Disneyland sur l’eau…

Enfin, nous arrivons dans l’immense baie de Rio de Janeiro : Itajaí est droit devant nous. Nous avons encore et toujours une météo capricieuse, entre pétole et orages violents, mais nous arrivons le matin du 32e jour, heureux. Le temps est gris, la mer boueuse, la ville pleine de gratte-ciels, mais la caïpirinha est délicieuse, nos amis sont là, et les Brésiliens sont très accueillants et chaleureux.

Le bateau arrive en pleine forme. Nous n’avons pas perdu de voiles, les réparations ont tenu et nous sommes 10es ! Alan et moi accueillons les “moustachus”, qui arrivent seulement six heures après nous.

Aujourd’hui, je suis installée à Belle-Île-en-Mer, où j’exerce ma profession de vétérinaire.

Entourée d’eau et de sérénité…

Bientôt, cap sur d’autres défis !

Juliette Pêtrès (N 06) a couru avec succès l’édition 2014 de la Route du rhum et, tout juste rentrée de la Transat Jacques-Vabre, a jeté l’ancre à la rédaction pour nous éclairer sur son parcours. Une année 2015 tonique pour notre consœur, puisqu’elle s’est par ailleurs installée en pratique vétérinaire à Belle-Île-en-Mer (Morbihan).

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