De la double hélice au séquençage haut débit : l’accélération du temps en analyse biologique - La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015

Éditorialistes d’un jour

Auteur(s) : Gilles Salvat

La biologie est l’une des sciences qui a connu une accélération des connaissances parmi les plus rapides au cours du xxe siècle et au début du xxie. Quand Watson, Crick, Wilkins et Franklin révèlent, en 1953, la structure en double hélice de l’ADN, ils découvrent également les quatre bases azotées, lettres du code génétique. En 1961, Nirenberg découvre le codon, ce groupe de trois bases azotées qui code pour un acide aminé : il invente le mot. Quand Jacob, Lwoff et Monod décryptent, en 1965, le fonctionnement de l’opéron lactose, ils inventent la phrase. En 1969, Mullis découvre la Taq polymerase, cette enzyme qui, 20 ans plus tard, permettra aux biologistes de disposer de la PCR, véritable imprimerie de l’ADN. Enfin, en 1977, Sanger et Gilbert effectuent le premier séquençage et dotent les biologistes de la lecture qui leur permettra, entre 1990 et 2003, de réaliser le premier séquençage du génome humain. Treize années et de nombreuses équipes de chercheurs auront été nécessaires pour cette première lecture encore imparfaite. Depuis, l’essor des technologies et l’apparition du premier séquenceur haut débit, en 2007, permettent de réaliser ce séquençage en quelques jours. Il aura donc fallu 50 ans aux biologistes pour passer de l’“invention” du langage du gène à sa lecture rapide.

Cette accélération du temps nous apporte évidemment de nombreux bénéfices, tant elle nous permet d’explorer des mondes jusqu’alors méconnus, tel le microbiote intestinal, d’identifier des virus émergents (le virus de Schmallenberg en est un bel exemple) ou encore de poser une étiologie sur des maladies connues de longue date, mais dont l’agent pathogène n’était pas identifié (maladie de Theiler chez le cheval, maladie X de la pintade). Ces technologies apportent également au biologiste la richesse du travail pluridisciplinaire, car la mise au point et la mise en œuvre de ces méthodes requièrent, certes, des biologistes, mais également des bio-informaticiens et des ingénieurs électroniciens, physiciens ou chimistes. Ce décloisonnement des sciences nous est nécessaire pour réaliser les sauts de connaissance et ne pas rester sots. Ce maelström technologique présente cependant quelques risques qu’il nous faudra surmonter, à commencer par la crainte de ne pas avoir la dernière machine la plus performante ! Mais le risque principal reste celui de voir la recherche conduite par la technologie, et non pas le contraire. Abraham Maslow (The Psychology of Science, 1966) a dit : « Si le seul outil que vous possédez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou. » Partir de la question biologique dans l’initiation d’une recherche est plus que jamais essentiel et ces technologies nous serons alors du plus grand bénéfice. L’Anses y contribue en s’efforçant de mettre l’homme, l’animal, la plante, placés dans leur environnement, au centre de ses préoccupations, tant en recherche qu’en évaluation des risques. Dans le diagnostic des maladies comme dans la détection des émergences, le clinicien vétérinaire est le premier maillon essentiel et son implication dans les réseaux d’épidémiosurveillance contribue à la remontée des signaux faibles qui constitueront, pour certains d’entre eux, les épizooties de demain. Pour identifier le virus de Schmallenberg par le biais du séquençage sans a priori, il a, certes, fallu une équipe de biologistes de haut niveau, dotée de technologies de pointe, mais celle-ci n’aurait rien pu faire sans un réseau vétérinaire de surveillance des avortements capable d’identifier les premiers signaux.

L’accélération des technologies en biologie nous permet une meilleure compréhension des mécanismes du vivant, un progrès dans les luttes contre les maladies infectieuses, la découverte de nouveaux vaccins, de nouvelles thérapies et méthodes de prévention. Le sentiment peut, dès lors, être que, lorsque le message génétique a été décrypté, on parvient à la fin du savoir et que l’on peut tout prévoir. Il n’en est bien évidemment rien tant chaque découverte nous ouvre un nouveau champ de complexité, un nouveau champ des possibles. On commence seulement à entrevoir l’impact de notre environnement sur notre ADN : l’inné et l’acquis se redéfinissent ; le livre est écrit mais son interprétation reste ouverte et modifiable par notre environnement.

Gilles Salvat (N 87) est directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l’Anses. Il est aussi directeur du laboratoire de l’Anses Ploufragan-Plouzané (Côtes-d’Armor) depuis plus de 10 ans. Il apporte toute son expérience aux différents dossiers sanitaires dans lesquels l’Anses doit donner un avis, comme, en 2015, l’influenza aviaire et la brucellose des bouquetins du Bargy.

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