La pupillométrie chromatique évalue les fonctions rétinienne et visuelle - La Semaine Vétérinaire n° 1653 du 04/12/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1653 du 04/12/2015

RECHERCHE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Serge Rosolen

Fonctions : Spécialiste en ophtalmologie,
praticien à Asnières
(Hauts-de-Seine).

Le réflexe pupillaire à la lumière (PLR), en faisant varier le diamètre de la pupille, permet de réguler la quantité de lumière qui entre dans l’œil et stimule la rétine. Plus l’intensité lumineuse est élevée, plus la surface pupillaire est petite. Son intérêt clinique est démontré non seulement en ophtalmologie, mais aussi en neurologie et en médecine interne. C’est un examen peu invasif, facile à réaliser, qui permet d’évaluer de façon objective les fonctions rétinienne et visuelle. Jusqu’au début des années 2000, on pensait que ce réflexe était mis en action et conditionné par les seuls cônes (opsines) et bâtonnets (rhod opsines). Cependant, en pratiquant cet examen, les cliniciens avaient noté qu’il existait une constriction pupillaire persistante (retard au retour à la normale), même après l’arrêt de la stimulation lumineuse.

Réponse pupillaire postilluminatoire

La découverte récente d’un photopigment, la mélanopsine, présent dans certaines cellules ganglionnaires, explique ce phénomène, appelé réponse pupillaire postilluminatoire (RPPI). Cette RPPI peut être mise en évidence en utilisant une stimulation bleue de composition spectrale centrée sur 480 nm et de niveau lumineux photopique délivrée pendant une seconde. Il faut parfois plusieurs secondes pour revenir au diamètre pupillaire pré-stimulation. Depuis, de nombreux travaux chez l’homme et chez l’animal ont montré son intérêt dans des situations pathologiques affectant la rétine et le nerf optique. C’est le cas chez le chien notamment, où le réflexe pupillaire à la lumière chromatique a été utilisé dans le diagnostic et le suivi thérapeutique du syndrome de la rétine silencieuse ou Sudden Acquired Retinal Degeneration (SARD) et de glaucomes. La discrimination entre le PLR lié aux cellules ganglionnaires (nerf optique) et le PLR lié aux photorécepteurs rétiniens se fait sur la base de la composition spectrale du stimulus. La réponse des cellules ganglionnaires est obtenue avec un stimulus bleu, tandis que la réponse des cellules rétiniennes est obtenue avec un stimulus rouge centré sur 630 nm de niveau lumineux photopique et délivré dans les mêmes conditions. Bien que le PLR et notamment la RPPI soient observables pendant quelques secondes, il s’agit d’une évaluation qualitative opérateur-dépendant.

Le Pupil-LR de SIEM Bio-Médicale

Une collaboration entre les membres du Reovva1, des chercheurs de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), de l’Institut de la vision (IDV) et de la société SIEM Bio-Médicale a permis de développer un appareil portatif, le Pupil-LR, utilisable aussi bien chez l’homme que chez l’animal, afin d’obtenir des données quantitatives qui devraient permettre de corréler les réponses fonctionnelles obtenues avec le nombre de cellules altérées. Les résultats obtenus avec ce nouvel appareil ont déjà été présentés dans différents congrès. Le système (figure 1) est composé d’un stimulateur portable permettant d’effectuer des stimulations bleues (centrées sur 480 nm) et rouges (centrées sur 630 nm), avec des intensités croissantes de – 0,02 logcd/m2 à 2,96 logcd/m2. La durée d’application du stimulus est variable de une à plusieurs secondes. La mesure de surface pupillaire s’effectue au moyen d’une caméra infrarouge apte à fournir 60 images/sec. Le système comporte également un gabarit permettant le maintien d’une distance constante de 3 cm entre la pupille et la caméra, ainsi qu’un écran de contrôle afin de vérifier le centrage pupillaire avant de stimuler. L’ensemble permet d’effectuer des stimulations et des enregistrements dans de bonnes conditions de reproductibilité. La figure 2 présente une réponse pupillaire caractéristique obtenue chez un chien avec une stimulation bleue d’intensité lumineuse photopique (2,49 logcd/m2) délivrée pendant une seconde. La réponse est enregistrée pendant 9 secondes. Plusieurs paramètres sont analysés de façon semi-automatique : le temps de latence (temps séparant le début du stimulus du début de la réponse), l’amplitude de constriction (amplitude de constriction maximale), le temps de constriction, le temps de redilatation (temps au bout duquel la redilatation atteint la moitié de l’amplitude de constriction maximale), l’amplitude de redilatation, la vitesse de constriction (A) et la vitesse de redilatation (B). La RPPI correspond à la différence entre la surface pupillaire mesurée avant la stimulation et celle mesurée 10 secondes après et exprimée en pourcentage.

Applications pratiques

Évaluation du nerf optique après luxation

Le premier exemple (figure 3) concerne l’exploration fonctionnelle d’une lésion du nerf optique chez un chien de race shih tzu âgé de 4 ans et ayant eu une luxation du globe oculaire gauche à la suite d’un traumatisme. La pupillométrie chromatique a été effectuée avant la cure chirurgicale de remise en place du globe et 30 jours après. En utilisant une stimulation lumineuse chromatique bleue (réponse des cellules ganglionnaires) de même niveau lumineux photopique pour les deux yeux, on observe une absence de RPPI du côté lésé (OS) avant l’intervention chirurgicale. Trente jours après, le même examen effectué dans les mêmes conditions révèle une récupération de RPPI du côté gauche. On notera l’absence de différence de réponse des deux yeux stimulés avec une lumière rouge de même niveau lumineux photopique pour les deux yeux.

Dépistage précoce du diabète

Le deuxième exemple (figure 4) concerne un examen de pupillométrie chromatique effectué chez des chats diabétiques présentant des signes cliniques de diabète (polyphagie, polyuro-polydipsie) depuis plus de 3 ans, traités à l’insuline, mais atteints d’aucun signe ophtalmologique, ni de cataracte, ni de rétinopathie2. La pupillométrie chromatique révèle un ralentissement significatif du temps de constriction pupillaire chez les chats diabétiques. Ce ralentissement, observable en utilisant la stimulation bleue, pourrait correspondre aux premiers signes d’altérations neurologiques observables au niveau du nerf optique. Ces altérations pourraient être liées à des dépôts amyloïdes, dont la production serait due à des phénomènes inflammatoires chroniques ainsi qu’aux produits issus du stress oxydatif.

Perspectives

Cependant, comme toute nouvelle technique, un apprentissage des procédures standard d’acquisition et d’enregistrement des paramètres, ainsi que la constitution d’une banque de données normatives pour chaque espèce sont nécessaires : ils sont en cours au sein du Reovva. Ce nouveau dispositif, conçu pour une application facile, non invasive et applicable à l’homme et à l’animal, s’inscrit parfaitement dans le cadre du contexte One Health, One Medicine, pour un bénéfice mutuel homme-animal.

  • 1 Réseau européen en ophtalmologie vétérinaire et vision animale (http://www.reovva.com).

  • 2 Communication faite au congrès ISCEV 2015 (International Society for Clinical Electrophysiology of Vision, Slovénie) et au congrès Esvo 2015 (European Society of Veterinary Ophthalmology, Portugal).

    Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur http://bit.ly/1Otz327.

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