Une stratégie pour “une seule santé” - La Semaine Vétérinaire n° 1652 du 27/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1652 du 27/11/2015

ANTIBIORÉSISTANCE

Actu

Auteur(s) : Michaella Igoho

L’Agence européenne des médicaments veut garantir la disponibilité d’antibiotiques vétérinaires efficaces, tout en limitant les risques qui découleraient de leur utilisation, pour la santé publique.

Comment concilier ces deux problématiques : préserver la santé publique de l’antibiorésistance et garantir la disponibilité de traitements efficaces contre les maladies infectieuses animales ? Tel est l’objectif principal qui ressort de la nouvelle stratégie 2016-20201, publiée le 17 novembre dernier par l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui reconnaît que cette problématique doit être appréhendée de façon globale. Aujourd’hui, pour lutter contre le phénomène d’antibiorésistance, il est nécessaire de mettre en place des actions fondées sur l’approche “une seule santé”. C’est pourquoi l’EMA travaille en partenariat avec la Commission européenne et les organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou encore la Fédération vétérinaire européenne (FVE). L’agence détaille en plusieurs points ses recommandations.

Les antibiotiques si possible, mais pas à titre préventif

La surveillance de l’évolution de la résistance des bactéries aux antibiotiques est un élément primordial pour garantir l’efficacité des traitements, aussi bien pour la santé humaine qu’animale. Afin d’accompagner les industriels dans cette démarche, l’agence a mis en ligne des recommandations2 visant à démontrer l’efficacité des antibiotiques vétérinaires. Elle y souligne notamment que la dose et la durée du traitement doivent être justifiées par des données pré-?cliniques et cliniques qui tiennent compte à la fois de l’efficacité de l’antibiotique et de la nécessité de réduire au maximum le développement de la résistance. Par exemple, il importe que le recours à des antibiotiques critiques tel que les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations ne soit pas systématique. L’agence rappelle aussi le rôle central des praticiens qui doivent recourir de façon raisonnée à un antibiotique. Les données du rapport Esvac3 2013 ont démontré que les aliments médicamenteux, les poudres orales et les solutions buvables constituaient 91,5 % des ventes d’antibiotiques utilisés en élevage. Bien que ces traitements soient principalement destinés aux animaux cliniquement malades, l’agence a pu constater une forte utilisation d’antibiotiques à titre préventif. Si la métaphylaxie permet de réduire considérablement la contagion des animaux sains, celle-ci ne devrait être envisagée que dans des situations où le risque d’infection est très élevé. L’agence rappelle que les antibiotiques ne doivent jamais être utilisés de façon préventive, afin notamment de réduire les conséquences du non-respect des règles d’hygiène et de biosécurité. Les recommandations de l’EMA aux industriels seront modifiées dans ce sens, afin que les résumés des caractéristiques des produits (RCP) indiquent les limites et les avantages du recours à un traitement méthaphylactique.

Une liste d’antibiotiques critiques fondée sur le concept “une seule santé”

L’agence annonce qu’elle travaille à l’élaboration d’une liste d’antibiotiques critiques qui devraient être réservés au traitement des infections humaines. Pour ce faire, elle s’appuie sur le plan d’action lancé en 2014 par la Commission européenne pour lutter contre l’antibiorésistance en prenant en compte l’approche “une seule santé”. Cette stratégie a été élaborée sur avis du comité des médicaments à usage vétérinaire (CVMP) et du comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA, du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et de l’EFSA.

Elle comprend une liste d’antimicrobiens d’importance critique, s’appuyant sur celle de l’OMS, élaborée en fonction du risque pour les êtres humains dû au développement de résistances selon leur utilisation chez les animaux. L’agence recommande l’utilisation des antibiotiques à faible risque (catégorie 1), afin de préserver les antibiotiques dits critiques tels que les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations. Ces derniers ne devraient être utilisés qu’en l’absence d’autres traitements possibles autorisés pour l’espèce et l’indication donnée. Cette recommandation s’applique également aux aminoglycosides (de plus en plus utilisés pour traiter la tuberculose multirésistante chez les humains) et à certaines pénicillines à large spectre. Selon l’agence, il convient que le recours à ces antibiotiques soit exclu de l’usage vétérinaire, afin que les antibiotiques dits critiques soient réservés à la médecine humaine. Toutefois, l’EMA souligne que les mesures prises doivent être proportionnées et fondées sur des données scientifiques, afin de préserver la santé animale. Par ailleurs, l’agence compte publier des recommandations pour évaluer le risque pour la santé publique, à la suite de l’émergence de résistances dues à l’utilisation d’antimicrobiens chez les animaux producteurs de denrées alimentaires et les animaux de compagnie.

Bientôt un avis sur la cascade

L’agence rappelle qu’elle souhaite encourager une utilisation responsable des antibiotiques, en conformité avec les indications de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle constate que l’impact sur l’antibiorésistance de l’utilisation d’antibiotiques hors AMM est peu voire mal évalué. En cas de recours à la cascade, la résistance évaluée, au niveau local, sur les antibiotiques visés, les risques pour la santé animale et publique ainsi que la disponibilité des produits doivent être pris en compte. L’EMA fournira prochainement un document de réflexion sur l’usage hors AMM des antimicrobiens en médecine vétérinaire et fera des recommandations pour réduire les risques possibles et promouvoir une utilisation responsable de la cascade. Par ailleurs, l’agence souhaite encourager le développement de nouveaux antibiotiques, en particulier pour les espèces “mineures”, et favoriser l’émergence d’alternatives possibles aux antimicrobiens. Elle constate, en effet, qu’il est nécessaire de trouver de nouveaux traitements contre Brachyspira hyodysenteriae chez le porc, résistant à la méticilline, ou encore Staphylococcus pseudintermedius chez le chien, et certaines infections de coliformes. L’agence reconnaît qu’il est difficile aujourd’hui pour les industries pharmaceutiques de développer de nouveaux antimicrobiens. Afin de faciliter la délivrance de nouvelles AMM, elle recommande qu’une évaluation, précisant les avantages pour la santé et le bien-être animal, accompagne la demande d’AMM. Dans sa stratégie, l’agence souhaite que de nouvelles formules soient développées à partir d’antimicrobiens anciens à spectre étroit, qui seraient appropriés pour la médecine vétérinaire et comporteraient un risque réduit de résistance. Ces produits contribueraient à diminuer l’utilisation d’antimicrobiens d’importance critique et l’utilisation hors AMM.

Une consultation ouverte

La stratégie proposée par l’EMA a été mise en consultation publique4 jusqu’au 29 février 2016. Les parties prenantes sont invitées à faire connaître leurs observations sur ce projet.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr