La profession engagée sur le bien-être animal - La Semaine Vétérinaire n° 1652 du 27/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1652 du 27/11/2015

COLLOQUE AU SÉNAT

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ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Marine Neveux

Le vétérinaire au cœur du bien-être animal était le fil conducteur du colloque organisé par l’Ordre national le 24 novembre au Sénat, sous le haut patronage de Gérard Larcher.

L’initiative était une première. Elle témoigne de l’engagement de l’Ordre national des vétérinaires et de son président, Michel Baussier, dès le début de son mandat, en faveur du bien-être animal. « L’Ordre appelle à réfléchir et à débattre sur le rôle propre du vétérinaire en tant qu’expert du bien-être animal », a expliqué Michel Baussier, en ouverture du colloque au Sénat, « Vétérinaire, le professionnel garant du bien-être animal ». Une journée particulièrement riche par la qualité des interventions et par la diversité des thèmes abordés à travers les débats et les échanges.

« L’étourdissement pour tous ! »

Ce colloque du 24 novembre s’est achevé, sur le même ton résolu pour faire avancer les idées, par la prise de position de l’Ordre sur l’abattage : « Tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace préalablement à la saignée et jusqu’à la fin de celle-ci, a conclu Michel Baussier. L’étourdissement pour tous ! (…) Il s’agit d’une raison impérieuse d’humanité. » Cette position fait suite aux investigations du groupe de travail de l’Ordre, qui a recueilli les avis de la profession en région durant plusieurs mois.

Pragmatisme et expertise du vétérinaire

Le nouveau Code de déontologie et la récente réforme de l’Ordre ont accéléré la démarche de la profession envers le bien-être animal, notamment « parce que l’Ordre a dorénavant la possibilité de participer à toute action améliorant la santé publique et animale, dont fait partie le bien-être ».

Le vétérinaire est au cœur de ce débat qui grandit dans la société. « Les propriétaires d’animaux font confiance aux praticiens vétérinaires dont ils apprécient le pragmatisme et l’expertise », a ajouté le président de l’Ordre. Le contexte actuel est aussi particulier car la COP21 va s’ouvrir dans quelques jours, comme l’a rappelé Patrick Dehaumont, directeur général de l’Alimentation : « Il s’agit de traiter les sujets de fond pour les générations à venir. La COP21, sur le climat, représente un enjeu majeur, et le bien-être animal aussi. Nous devons y répondre de façon durable. » L’augmentation du besoin de protéines sera importante pour nourrir la population mondiale. Le sujet n’aura de pertinence que s’il est envisagé au niveau international, pour des raisons d’efficacité et de compétitivité.

Replacer l’animal dans son environnement et disposer d’outils

Un consensus émerge sur la nécessité de disposer d’outils qui permettent de mesurer le bien-être animal. « Depuis longtemps, nous avons travaillé sur le stress et sur la diminution de celui-ci, maintenant nous nous penchons sur les interactions positives, a expliqué Pierre Mormede, directeur de recherche à l’Institut national de recherche agronomique (Inra). Les recherches s’orientent vers un enrichissement du milieu de vie de l’animal. » « Il existe une demande de la part des propriétaires qui veulent savoir si leur chien ou leur chat est heureux. Donc, nous mettons des outils en place, a poursuivi Muriel Marion, de l’association Zoopsy. Il y a un effort conséquent à fournir pour informer sur un certain nombre d’idées reçues et un travail important de la profession vétérinaire à faire. »

Dominique Autier-Derian, vétérinaire comportementaliste et éthologue, a prôné aussi les outils, « car à l’instar de nos confrères anglo-saxons, nous ne savons pas où poser le curseur pour les abus, les maltraitances, etc. C’est important d’avoir développé des outils, de communiquer ». Elle constate, en outre, une très grande distorsion d’un point de vue réglementaire et pratique. Notre confrère Thierry Poitte, fondateur du projet CAP douleur, a insisté également sur la nécessité de cultiver cette compétence dans sa démarche : « On arrête de considérer la douleur comme un simple symptôme, mais on parle de douleur maladie. »

Responsabilisation des professionnels

Les abattoirs constituent un sujet phare dans cette période d’agitation médiatique autour de l’abattoir d’Alès. Notre confrère Jérôme Languille, chef du bureau de la protection animale à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), a souligné la nécessité de ne pas généraliser, de prendre du recul et d’analyser la situation. « Nous travaillons aujourd’hui sur l’analyse des risques, sur les sources d’information dont nous disposons et sur les plaintes que l’on reçoit ». Le premier objectif est de mieux cibler cette inspection, d’introduire des indicateurs fondés sur l’animal. « Nous allons mettre en place un plan particulier pour l’abattoir. Les services d’inspection permanente ne sont pas tout le temps centrés sur la saignée, donc nous disposerons d’un regard externe pour détecter des non-conformités. Nous souhaitons aussi intégrer des formations obligatoires pour les inspecteurs. » Enfin, « même avec les meilleurs contrôles ciblés, on ne cible pas tout, donc l’idée est bien de travailler sur la responsabilisation des professionnels ».

Dans les abattoirs

« On ne peut pas dire que tout va bien dans les abattoirs et les élevages et nous ne pouvons pas les couvrir, nous, vétérinaires. Il ne faut pas que le vétérinaire soit là pour se rassurer ou pour rassurer le public », a estimé Jean-Pierre Kieffer, président de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA). Il pose aussi la question : « Est-ce que le vétérinaire a les moyens d’être le garant du bien-mourir en abattoir ? d’être le garant de la sécurité publique des aliments et du bien-être des animaux » Les vétérinaires inspecteurs sont plus concentrés sur le post-mortem, sur l’inspection, « ils sont quasiment absents au poste, très particulier, de l’abattage, un poste important pour le respect de l’animal et de la santé publique ». Quant à celui de responsable protection animale dans les abattoirs : « Il doit être totalement indépendant et avoir une application des sanctions. » Le président de l’OABA constate aussi que les effectifs d’inspecteurs ont fondu en 20 ans.

Laurent Lasne, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV), a également plaidé pour davantage de moyens pour les vétérinaires en France : « Ils sont deux à trois fois inférieurs à ceux des pays développés. En même temps, la réponse ne viendra pas que des contrôles de l’État, il existe aussi une responsabilité de l’exploitant. »

Quelle mobilisation de la profession ?

« Le vétérinaire fait de la protection animale, comme M. Jourdain de la prose, a expliqué Jean-Yves Gauchot, président de l’Association vétérinaire équine française (Avef). Il est au cœur de cette préoccupation. » Pierre Buisson, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) a reconnu aussi qu’« il y a une attente forte du public vis-à-vis des vétérinaires ».

Notre confrère Alain Grépinet a abordé le rôle du vétérinaire expert, auxiliaire occasionnel de la justice. « Les magistrats ne sont pas tous formés à ce concept du bien-être animal ». Il est aussi mis en avant l’importance de la formation juridique du vétérinaire et de mieux expliquer l’étendue du rôle qu’il peut jouer.

En outre, notre consœur Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres, a regretté que la profession ne se soit pas suffisamment mobilisée sur la question du statut de l’animal lors des derniers débats : « Pas un vétérinaire ne s’est exprimé sur le statut de l’animal. »

Natacha Harry, présidente de la Société protectrice des animaux (SPA) : « Les propriétaires d’animaux de compagnie ont une responsabilité vis-à-vis de leurs animaux, qui ne s’arrête pas où l’intérêt économique ou sportif s’arrête. Et c’est votre responsabilité de praticien vétérinaire sur le terrain de faire passer cette idée. C’est bien de lancer ce débat, mais, trop souvent, j’ai le sentiment que les vétérinaires ne s’emparent pas assez de ces sujets. Nous avons tous reçu une formation scientifique. Vous êtes la profession qui doit porter ce message. N’oubliez pas pourquoi vous avez “choisi” ces animaux. »

Des évolutions en cours

La réglementation poursuit son évolution. « Les visites sanitaires d’élevage sont des occasions de détecter des situations sanitaires et de les dénoncer », a rappelé Loïc Evain, directeur général adjoint de l’Alimentation. Le ministère s’est aussi attaché à l’habilitation sanitaire et au mandatement concernant ce dernier. « Nous réfléchissons à ses modalités. Il prendra la forme d’un arrêté ministériel. »

« Le vétérinaire est né avec et pour l’élevage. Il n’est pas question pour l’Ordre de renier l’élevage, bien au contraire. L’élevage est hautement indispensable, légitime, il faut le soutenir. Les éleveurs de France doivent savoir qu’ils peuvent compter sur la profession, si tant est qu’ils sachent reconnaître leurs partenaires. » Michel Baussier a exprimé son soutien à l’élevage, « mais pas n’importe lequel, a-t-il précisé. Le libéralisme a pu entraîner un laisser-aller vers certains élevages sans éleveur ». Il a aussi appelé à ne pas adopter d’attitude de défense par rapport au bien-être animal. Avant de conclure : « Le vétérinaire est, plus que jamais, devenu une sentinelle du bien-être animal. »

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