Bien-être animal : quelles évolutions vous paraissent les plus urgentes ?

Harmoniser les règlements et les contrôles

Dominique Autier-Derian Consultante spécialisée en comportement et bien-être animal (Animal Welfare Consulting).

J’ai travaillé en parc zoologique, en clinique, à l’armée et en laboratoire. Le niveau d’exigence réglementaire en matière de bien-être animal diffère d’un domaine à l’autre. Le curseur est placé assez haut en expérimentation animale. En revanche, certaines pratiques de délégation d’actes quasi chirurgicaux de vétérinaires aux éleveurs, sans analgésie, montrent par exemple que des améliorations restent possibles pour les animaux de rente, même si un début d’évolution peut être observé aujourd’hui… L’animal du particulier, quant à lui, souffre parfois de maltraitances. Il conviendrait donc de rendre la réglementation équitable pour tous les animaux. Et de replacer le vétérinaire au centre des dispositifs de veille, afin qu’il valide leur santé tant physique que mentale. Il s’agit d’un gros dossier sur lequel travaillent déjà nos ordres et nos syndicats professionnels. Pour rendre la chaîne de signalement des maltraitances plus facile et plus efficace, il importe aussi de développer une médecine légale vétérinaire et d’offrir aux praticiens de meilleurs outils de diagnostic. Concernant les animaux de rente, pourquoi ne pas également développer des comités d’éthique, à l’image de ceux qui fonctionnent déjà pour l’animal de laboratoire ?

Il faut avant tout une volonté politique

Jean-Pierre Kieffer Président de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA).

Cette année s’achève avec un scandale révélé par des images volées, montrant des conditions illégales d’abattage. En 2012 déjà, avec la complicité de notre association, un reportage semblable avait été diffusé. Depuis, certains abattoirs nous ferment leurs portes, car nous dénonçons le développement d’infractions non sanctionnées, par manque de volonté politique. La réduction du nombre de vétérinaires inspecteurs conduit à un manque de contrôle sur le circuit du vivant et en particulier au poste de mise à mort. Il ne suffit pas d’élaborer des guides de bonnes pratiques et de désigner un responsable de la protection animale dans ces établissements : il faut renforcer significativement les procédures d’inspection, en se dotant de moyens humains. Par ailleurs, pour éviter de consommer, sans le savoir et sans le vouloir, un animal abattu sans étourdissement, il faudrait créer un étiquetage faisant état ou non d’un abattage conventionnel. Enfin, dans les élevages, des vaches, des moutons et des porcs meurent faute de soins ou victimes de maltraitance. Le Code rural impose pourtant aux vétérinaires de dénoncer le manque de bien-être. Il n’y a pas de secret professionnel. L’OABA a ainsi accueilli plus de 1 200 animaux en 2015.

Promouvoir une éthique de la relation

Claude Béata Vétérinaire comportementaliste (dans le sud-est), membre du Collège européen de médecine vétérinaire comportementale.

Le bien-être animal est une notion à la mode, dont tout le monde parle, mais qu’il faudrait déjà primordialement définir, car personne ne met la même chose derrière ce mot ! De fait, en se prétendant porte-parole des animaux, des êtres humains affrontent leurs conceptions. Par exemple, il y a des gens qui trouvent scandaleux qu’on parte travailler en laissant son chien seul au domicile. Moi, je suis pour une éthique de la relation qui repose sur des preuves scientifiques, du pragmatisme sans jugement et des outils. Par exemple, en proposant trois fois cinq minutes de jeu par jour au chien, on peut lui faire une vie sympa ! Il est aussi possible d’enrichir le territoire d’un chat… Dans les consultations vétérinaires, plutôt que le bien-être, il me semble important d’évaluer l’équilibre comportemental. Par exemple, une personne âgée peut vivre avec un petit chien heureux, même si elle ne le sort qu’une ou deux fois par jour, mais en lui consacrant de longs moments et en aménageant dans l’appartement une caisse pour ses excréments. Il y a donc des duos de comportements à analyser, avec raison gardée, sans tomber dans le piège des moralisateurs ou de généralités abusives.