LE RÔLE DU VÉTÉRINAIRE DANS LA DÉTECTION DE LA MALTRAITANCE ANIMALE - La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015

Décryptage

Il est important de connaître les décisions à prendre pour parer à la maltraitance animale. Que disent les textes sur le rôle du vétérinaire ? Comment évolue la réflexion sur le terrain et où se positionne la profession par rapport à ces situations ? Voici des éléments de réponse.

Le secret professionnel

« Nos confrères belges ne sont pas tenus au secret professionnel », constate Michel Baussier, président de l’Ordre français des vétérinaires1. Le secret professionnel est destiné à préserver la confiance que le client porte au vétérinaire au sein de leur relation. Il est toutefois prévu des cas où la révélation d’une information est autorisée et même obligatoire. Les confrères sont souvent concernés par leur habilitation sanitaire. « Notre profession n’a pas une culture extrême du secret professionnel. L’habilitation sanitaire a contribué à éroder celle-ci ». L’architecture des cliniques y concourt aussi. « La loi qui organise l’Ordre aujourd’hui a fait remonter le secret professionnel au niveau législatif. » Le praticien peut ainsi s’interroger sur la possibilité de dénoncer un cas de maltraitance animale qu’il a vécu ou vu. La réponse à cette question repose sur deux approches. D’abord en termes d’habilitation : est-ce que le bien-être animal fait partie de la santé publique vétérinaire au sens large du terme ? Oui.

En outre, dans le cadre du mandatement, les choses sont très claires. Il n’y a plus de dilemme depuis août dernier. La loi a prévu que l’Ordre pouvait effectuer un certain nombre de missions, y compris dans le domaine de la santé publique, incluant le bien-être. « Pour la première fois, c’est écrit très clairement et nous pouvons rapporter concrètement au préfet un cas de maltraitance animale, rappelle Michel Baussier. L’article 122-7 du Code pénal vient en renforcement, mais il n’est plus nécessaire désormais. « En matière de bien-être animal, il est possible aujourd’hui à un vétérinaire en son âme et conscience de dénoncer un acte de maltraitance. Il est protégé par la loi », ajoute le président de l’Ordre.

L’appui et l’attente du ministère

« Le bien-être animal est un exemple de domaine où le ministère compte sur l’information que les vétérinaires diffuseront auprès des éleveurs, des propriétaires de chiens, pour un élevage responsable, etc. », explique Jérôme Languille, chef du bureau de la protection animale de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). L’attente sociétale est là, des débats sur le statut de l’animal et des mouvements, comme le phénomène végane, émergent. « Il convient de réconcilier le consommateur avec la façon dont on produit des denrées d’origine animale. » Le ministère s’est engagé dans une stratégie nationale 2015-2020 pour le bien-être des animaux. « Un des axes forts est la place du vétérinaire praticien, poursuit Jérôme Languille. Le vétérinaire a un rôle de premier conseiller. Il doit, à ce titre, être exemplaire et employer les pratiques les plus respectueuses et les moins douloureuses. Nous constatons déjà une forte implication de la profession vétérinaire sur la gestion de la douleur en élevage, cela va dans le bon sens. » L’habilitation sanitaire du vétérinaire a aussi permis la mise en place d’un module de formation pour le praticien rural. « Le vétérinaire a l’obligation de déclarer au préfet les cas de maltraitance auxquels il serait confronté », martèle Jérôme Languille. Enfin, le mandatement vétérinaire a été mis en place pour répondre à des cas concrets. Les directions départementales de la protection des populations (DDPP) peuvent ainsi s’appuyer sur les confrères mandatés pour, par exemple, réaliser des expertises dans les élevages.

« Le ministère entend bien réaffirmer que le vétérinaire a toute compétence et il compte sur lui. Cela doit aboutir à une production agricole durable », conclut Jérôme Languille.

Bien-être et bientraitance

Notre confrère Vincent Boureau, responsable de la commission bien-être et comportement du cheval de l’Association vétérinaire équine française (Avef), membre du conseil d’administration de la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC) et président d’Équi-Ethic, note qu’il convient de faire la différence entre le bien-être et la bientraitance animale : « Toutes les actions menées aujourd’hui sont de la bientraitance afin de se rapprocher du bien-être physique et moral de l’animal. » Des actions peuvent être réalisées pour limiter la douleur, le stress dans les pratiques d’élevage et l’usage du cheval, par exemple. Si le bien-être est une priorité au sein du Conseil européen, de fortes variabilités réglementaires subsistent au niveau des pays membres. Un rapport parlementaire est prévu en 2016 (propositions au Parlement européen). Notre confrère constate que les Suisses vont beaucoup plus loin en matière de bientraitance des équidés, de formation, de responsabilisation des acteurs et de conditions de détention des animaux (nécessité de posséder au moins deux équidés, contacts visuels, auditifs et olfactifs avec les congénères). Les Suisses détaillent aussi les tailles minimales des installations et le temps minimum de sortie du cheval, etc.

En France, il existe une disparité dans les règlements. Par exemple, les juments gestantes, qui font du galop, peuvent courir jusqu’à 120 jours de gestation, alors que cela est interdit en trot.

« Les vétérinaires ont un rôle essentiel, mais il faut aussi s’appuyer sur les différents interlocuteurs », encourage Vincent Boureau. Notre confrère est à l’origine de la création du think tank Équi-Ethic, qui apportera un outil technique pour progresser dans cette direction. En outre, la LFPC, en collaboration avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a mis en place une grille d’évaluation du bien-être du cheval.

Des spécificités chez les équidés

Notre confrère Richard Corde, président de la LFPC et vice-président de l’Avef, met en exergue la problématique de l’équarrissage. Son coût et les modalités d’intervention sont variables sur le territoire. L’enfouissement représente un danger sur le plan sanitaire. Certains propriétaires y ont recours, face à des tarifs d’équarrissage qu’ils jugent élevés. La tendance aux abandons prend de l’ampleur. « L’abandon est sans doute la pire des choses auxquelles nous sommes confrontés au sein de nos associations de protection animale, poursuit Richard Corde. Il s’agit souvent d’un problème économique ou d’une méconnaissance des besoins ». La LFPC est également à l’origine, avec dix autres associations de protection animale, d’un communiqué pour dénoncer les conditions d’abattage à l’abattoir d’Alès (Gard).

Notre consœur Dominique Autier-Dérian insiste également sur le rôle de sentinelle de l’animal pour la détection de cas de violence conjugale ou au sein de la famille.

  • 1 Lors de la table ronde sur le bien-être animal, organisée le 3 novembre à Paris, dans le cadre des journées annuelles de l’Avef.

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