ÉLEVAGE, LE DÉFI NUMÉRIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015

Dossier

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

L’agriculture ouvre sa porte aux technologies connectées. Animaux, cultures, bâtiments, le numérique s’invite désormais partout, sous forme de capteurs, d’applications mobiles ou de logiciels. Un axe de développement soutenu par les politiques publiques, mais que devra suivre aussi l’offre d’accès à Internet et au réseau mobile.

La dernière édition du Salon des productions animales-carrefour européen (Space) de Rennes (Ille-et-Vilaine) offrait toute une plateforme dédiée à l’élevage connecté. Ce n’est pas un hasard : de plus en plus d’outils numériques sont proposés aux exploitants, avec la promesse d’un gain de productivité et de confort de travail pour l’agriculteur. C’est aussi une formidable machinerie à collecter des données qui seront enregistrées, analysées et partagées. Une orientation qui fait partie des axes prioritaires d’innovation pour l’agriculture, à développer d’ici 20251.

La notion de propriété de ces données fait débat : qui va posséder le big data agricole ? De plus en plus d’industriels du numérique et de l’agroalimentaire s’intéressent de près à l’agriculture. Le développement d’outils connectés est en plein boum. Des outils qui sont susceptibles, tout comme les tablettes et les smartphones, d’échanger des données avec leur maison mère en dehors de tout contrôle de la part de leurs utilisateurs. En 2013, Monsanto a fait l’acquisition de Climate Corporation, une entreprise spécialisée dans le recueil et l’analyse de données climatologiques et de gestion des risques agricoles. En 2015, Google a investi dans la société Farmer Business Network, une start-up spécialisée dans l’analyse de données publiques et privées sur les rendements et les pratiques agricoles, les conditions climatiques et la vente de services aux agriculteurs. À l’autre extrémité de la chaîne, les exploitants agricoles veulent demeurer décisionnaires dans leurs entreprises et garder le contrôle sur leurs données.

Agriculture connectée, agriculture de précision

Le digital s’invite dans les champs : l’offre logicielle ou d’applications mobiles se développe, ainsi que les capteurs embarqués directement dans les animaux (bolus ruminaux ou vaginaux) ou sur eux (podomètres, ceintures connectées), ou présents dans les exploitations. Sans oublier toute la robotique : robots de traite, distributeurs d’aliment et d’eau, robots d’entretien des élevages. Tout cela rend nécessaire l’existence de passerelles entre les outils, les logiciels et les bases de données, utilisées par les éleveurs et les différents intervenants en élevage.

Les exploitations agricoles sont souvent des micro-entreprises dont l’équilibre entre les ressources financières, humaines et technologiques est fragile. Les outils doivent avoir un impact positif : faciliter le travail, la vente des produits, améliorer le confort des hommes et des animaux, augmenter la rentabilité, etc. Hervé Pillaud (éleveur et auteur du livre L’Agronuméricus, Internet est dans le pré) a indiqué, au cours de l’université d’été de la Maif2, que le big data fait passer d’une agriculture d’intrants à une agriculture de connaissances, avec plusieurs intérêts : gestion des risques (pour mieux les anticiper et les traiter quand des catastrophes se produisent) ; financement, car l’agriculture demande beaucoup d’investissements pour un retour/rendement très faible ; communication, conseil et formation ; gestion de marché, local et global. Il est à l’origine de projets qui rassemblent des compétences diverses (numérique, robotique, communication, etc.) sur le modèle des “hackathons”, par exemple A.Green’Startup, proposé au cours du salon Tech’Élevage du 18 au 20 novembre 2015 à La Roche-sur-Yon (Vendée), afin de proposer des solutions innnovantes, techniques et numériques, adaptées aux problématiques agricoles. La filière porc bretonne vient, elle, de lancer le projet de base de données partagée Domopig (encadré et infographie).

Accès au réseau encore insuffisant

Pour bien fonctionner, les outils connectés ont besoin d’un accès rapide à Internet. Or, d’après une étude3 effectuée par l’Institut de l’élevage auprès de 772 éleveurs laitiers bretons, et dont les résultats ont été présentés durant le Space, seulement 37 % sont couverts par le réseau 3G et 5 % par la 4G, et près de la moitié sont insatisfaits du débit internet. Le wifi est perdu en moyenne au-delà de 25 m de la box internet, alors que la moitié des bâtiments d’élevage sont situés entre 30 et 100 m des box. 238 communes françaises sont classées en zones blanches (arrêté paru le 66 novembre 2015) et ne reçoivent même pas en 2G, tandis qu’un certain nombre d’élevages ne sont pas éligibles pour les offres d’accès internet par ADSL. Une expérimentation grandeur nature baptisée Agriculture connectée, en partenariat entre la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Orange, Nordnet et Eutelsat, d’octobre 2014 à octobre 2015, a testé la faisabilité d’installer un accès internet par satellite dans 21 élevages, avec de très bons résultats.

Éleveurs connectés : ce n’est pas une question d’âge

Le profil des éleveurs a évolué : en moyenne 80 % ont au moins un niveau bac. Plus l’éleveur est jeune, plus il est diplômé : 42 % des 50 ans et plus ont un BEP ou un CAP, 35 % ont le niveau bac et ils sont 18 % à avoir bac + 2 ou + 3, alors que chez les moins de 35 ans, le niveau bac représente 36 %, bac + 2 ou + 3, 56 %, et 2 % n’ont aucun diplôme ou un CAP-BEP. L’âge n’a pas un effet significatif sur le type d’équipement numérique, mais le niveau d’études, si : les éleveurs ayant fait des études supérieures sont les plus représentés parmi ceux ayant au moins trois outils connectés (29 %). La taille du cheptel a aussi son importance : tous les élevages de plus de 100 vaches possèdent au moins un outil connecté. Parmi les 772 éleveurs sondés par l’Institut de l’élevage, 88 % sont équipés d’un poste informatique fixe et 47 % d’un portable, 61 % d’un téléphone classique, 50 % d’un smartphone et 25 % d’une tablette. 67 % utilisent au moins un outil connecté, par ordre de fréquence : distributeur automatique de concentrés (DAC), monitoring des chaleurs, des vêlages, caméras de surveillance, GPS pour les cultures, robot de traite, compteurs à lait, etc. Pour les 39 % qui prévoient d’investir dans des outils connectés, les gains envisagés concernent le confort de travail, la vie personnelle, la technicité, l’économie et la main-d’œuvre. 60 % des éleveurs interrogés reçoivent des alertes sur leurs mobiles : 53 % sur les cours et les marchés, 44 % en lien avec le matériel et 20 % avec la météo. 33 % de ceux équipés en outils connectés sont alertés directement sur leur mobile, en général pour les vêlages et la surveillance des chaleurs.

  • 1 Rapport Agriculture-innovation remis, fin octobre 2015, au ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

  • 2 Conférence présentée sur http://bit.ly/1kmPGB6.

  • 3 Étude connectivité 2015 : http://bit.ly/1kmQC8w.

DOMOPIG, LE PROJET “PIG DATA” BRETON

Neuf entreprises bretonnes de la filière porc se sont associées dans un projet commun de collecte et de valorisation des données. Une base de données unique doit collecter l’ensemble des éléments produits par les différents capteurs, applications et logiciels utilisés par les éleveurs, et échanger directement avec les intervenants extérieurs (vétérinaires, organisations de producteurs, abattoirs), selon un niveau d’autorisations validées par les éleveurs. Objectif gain de temps pour tous, les échanges de données automatiques venant remplacer le téléphone et les courriers ou les e-mails. Objectif rentabilité aussi, par une amélioration du pilotage de l’élevage, et parce que le partage de données doit déboucher sur un renforcement des performances techniques, grâce à des conseils devenus plus pertinents et personnalisés.

http://www.kerhis.fr/domopig.

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