Des revendications pour la profession - La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015

JOURNÉES DU SNVEL ET DE L’AVEF

Actu

Auteur(s) : Marine Neveux

L’Avef et le SNVEL ont à nouveau fait congrès commun du 3 au 5 novembre. Les échanges ont permis d’aborder des sujets professionnels majeurs : loi d’avenir, contexte sanitaire, bien-être des animaux, etc. L’occasion pour les présidents des deux organismes réunis de porter leurs messages devant le représentant du ministre.

Pour l’association, il s’agissait de la 43e édition de son rendez-vous, pour le syndicat de la 21e. Les Docks de Paris ont accueilli, du 3 au 5 novembre, les journées annuelles, désormais couplées, de l’Association vétérinaire équine française (Avef) et du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Ces rencontres ont permis aux deux présidents, Jean-Yves Gauchot et Pierre Buisson, de s’exprimer sur des sujets qui agitent la profession, en présence du représentant du ministre.

Loi d’avenir agricole

Notre confrère Pierre Buisson, président du SNVEL, est revenu sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dont la parution fêtait quasiment ses 1 an, soulignant que « des efforts considérables ont déjà été réalisés par la profession vétérinaire ». Il déplore cependant que « les décrets d’application majeurs, qui doivent rendre la loi effective, ne sont toujours pas publiés » (ils ont été annoncés pour 2016, au mieux). Le président ajoute quelques réserves : « Prenons l’exemple de l’obligation d’une nouvelle prescription pour l’usage des fonds de flacons… L’intention est certes louable, mais la traduction opérationnelle est objectivement impossible. Comment imaginer une sollicitation de ce type ? Comment envisager concrètement qu’un éleveur sollicite demain son vétérinaire pour utiliser les 10 ml restants de son flacon ? ».

En outre, force est de constater « que la prescription des antibiotiques vétérinaires poursuit sa baisse indépendamment du texte de loi et de ses décrets fantômes. Le délai de leur publication fait que les objectifs visés seront pratiquement atteints sans eux ! ». Pierre Buisson pointe cependant « les dispositions technocratiques complexes et économiquement dangereuses, qui viendront inutilement compliquer le travail des praticiens ».

Médecine vétérinaire et santé humaine

« En parallèle, la médecine humaine a tenté, tel un colocataire indélicat, de s’acheter une conduite en plaçant la poubelle de ses mauvais résultats de notre côté de la rue de la Santé. Le rapport du Pr Jean Carlet démontre, à l’évidence, le contraste des approches. » Le président du SNVEL estime, en effet, que les deux professions subissent des traitements différents.

Bientôt un rapport sur le décret prescription-délivrance de 2007

Le décret de 2007, qui encadre les activités de prescription en élevage, doit être révisé. « Cette disposition est unique en Europe. Elle mérite, près de dix ans après sa parution, la mise en place de bornes. Est-il normal, en l’absence de définition des soins réguliers, que deux visites – au mieux – suffisent à légitimer la prescription, au cours d’une année, de l’ensemble de la pharmacopée ? », interroge Pierre Buisson. Il relève qu’en Allemagne, « la durée de la prescription sans nouvel examen clinique ne peut excéder sept jours ». « Cette réécriture doit respecter la liberté et le caractère prudentiel de l’approche pragmatique des vétérinaires, et être modulée en fonction des compétences acquises par les éleveurs concernés », poursuit le président du SNVEL. Il complète : « Dans la révision de ce même décret, la mise en place d’un contrôle nous apparaît indispensable. Il est fondé sur un fait objectivable : le respect des quotas d’animaux par vétérinaire prescripteur. Or, différentes réponses à cette demande cohérente se heurtent à une fin de non-recevoir, au point que ce critère ne figure pas dans les vade-mecum d’inspection. Plus fort, il serait question de supprimer tout simplement ces quotas, faute d’avoir pu (ou voulu ?) les évaluer… Si nous croisons cette hypothèse avec la revendication, celle-ci légitime, de l’unicité du vétérinaire pouvant prescrire dans ce cadre, nous obtenons un cocktail détonant : trois ou quatre cliniques autoroutières suffiront à approvisionner l’élevage français ! »

Une forte implication des confrères

Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), rage, fièvre catarrhale ovine (FCO), grippe aviaire, rage encore et de nouveau FCO : la profession répond toujours présente face aux crises sanitaires. « Malgré une communication chaotique ; nous en avons eu hier encore la preuve avec un changement de dernière minute sur la certification FCO », souligne Pierre Buisson, et parfois la défiance, l’ensemble des vétérinaires s’est mobilisé, comme Bérénice face à Titus « malgré vous, malgré elle ». Et de poursuivre sur le même ton “syndical” : « Ce n’est pourtant, en effet, ni l’investissement de l’État dans son réseau ni la reconnaissance de l’engagement passé au titre de la retraite, et encore moins la comptabilité analytique, qui poussent mes confrères, année après année, à poursuivre l’action sanitaire. »

Le sujet délicat de la tuberculose

Pierre Buisson a également évoqué la gestion de la tuberculose en 2015. Il y voit « un zeste de mécanisme de fixation tarifaire désuet. Les commissions bipartites singent le dialogue social. L’arbitre, le préfet, n’est en général guère mieux inspiré qu’un juge prudhomal envers les employeurs. Il condamne les vétérinaires, lors de ses décisions, à travailler contre une rémunération inférieure ou égale au revenu de solidarité active (RSA)… ». Le président du SNVEL déplore aussi « une pincée de méthode de dépistage probablement inadaptée aux formes actuelles de la maladie », ainsi qu’une « mesure de coût supporté par des éleveurs ou des départements seuls, au profit de la communauté nationale sans réelle mutualisation ». Bilan ? Le syndicat demande une sortie avec une négociation nationale des tarifs des actes.

L’enseignement, le rôle du vétérinaire sur le plan alimentaire, la prévention des zoonoses, la place de l’animal de compagnie en santé publique et la traçabilité sont autant d’autres sujets majeurs.

Une réponse aux scandales des abattoirs

Le président du SNVEL dénonce la tendance de certains vers le véganisme, ou végétarisme, de même que les relais médiatiques des récents scandales autour de la viande. Le ton se veut vif.

Une proposition est faite : la nomination, pour quatre ans, d’un vétérinaire libéral dédié au bien-être animal en abattoir, « en charge d’un observatoire de la protection animale, non soumis à la hiérarchie des services de l’État, indépendant des filières, rémunéré sur les fonds publics. Il pourrait saisir directement l’autorité judiciaire et rendrait un rapport périodique, accessible au public, notamment aux associations de protection animale. Ces vétérinaires réaliseraient ainsi une nouvelle forme de médiation, entre le monde réel et les consommateurs urbains, trop longtemps nourris de représentations alimentaires détachées des réalités ».

La filière équine en crise

Jean-Yves Gauchot, président de l’Avef1, a d’abord rappelé que la filière équine évolue dans un contexte délicat et a alerté de la situation de praticiens, dont « les contraintes grandissantes de la pratique risquent de venir à bout de leur bonne volonté sous peu ». Selon lui, les vétérinaires équins « ont fait la preuve de leurs responsabilités en termes de radioprotection. Mais l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) ne nous a pas épargnés : elle préfère la culture du reporting à l’analyse de risques. Pourtant, il est avéré, sur des bases scientifiques et mesurables, que ces contraintes pourraient être revues à la baisse ». Le président de l’Avef en appelle ainsi au soutien du ministère pour rencontrer l’autorité indépendante qu’est l’ASN, qui ne dépend que de la chambre sénatoriale.

Le bien-être et la fin de vie des chevaux

« Il n’appartient pas à la profession vétérinaire de rentrer dans l’éthique des droits ni dans l’éthique abolitionniste (suppression de l’exploitation par l’homme », estime Jean-Yves Gauchot, mais « le praticien est un passeur de savoirs. Il est le plus à même de rappeler et de défendre les fondements scientifiques et techniques, et d’accompagner la réflexion de la société en ce sens ».

L’association a dénoncé la pose de boots sur les postérieurs des chevaux d’obstacles, stratagème physique de dopage. De même, elle a porté plainte contre X pour maltraitance animale et dopage dans le cadre d’une course d’endurance internationale. « L’Avef a voulu montrer que les vétérinaires équins étaient soucieux du respect de l’animal et qu’ils ne pouvaient être taxés perpétuellement de conflit d’intérêts ».

Concernant la médication, le président de l’Avef indique son souhait de « revoir les temps d’attente de nombreuses molécules médicamenteuses des plus classiques, afin de garder la possibilité de traiter les chevaux facilement et de ne pas avoir à les exclure systématiquement d’une possible destination bouchère, porte de sortie restant somme toute honorable comparée à l’abandon, qui va croissant, faute de moyens pour l’entretien des chevaux. Là encore, des progrès doivent être faits pour améliorer les conditions dans les abattoirs ».

La pharmacopée en équine

La raréfaction de l’arsenal thérapeutique disponible en France pour les équidés inquiète les confrères, et constitue un frein : « Nous n’avons plus, depuis bien longtemps, d’accès facile et approprié à de nombreuses molécules, dont certaines formes adaptées de pénicilline pour le cheval, alors qu’en même temps nous sommes des acteurs de premier plan dans l’utilisation juste et correcte des antibiotiques et nous manquons d’alternatives pour cette espèce. » Il ajoute que « rien n’est fait pour améliorer la disponibilité et la facilité de prescription de ces molécules de substitution, rien n’est fait pour mettre en avant les alternatives à l’utilisation des antibiotiques dits critiques et, plus largement, pour les alternatives non médicamenteuses ».

Aujourd’hui, Jean-Yves Gauchot cite plusieurs éléments qui font obstacle : des produits d’hygiène qui ont du mal à trouver leur place législative et réglementaire, les antibiotiques non critiques régulièrement indisponibles, les laboratoires frileux à l’idée d’investir dans le développement de nouvelles molécules, les laboratoires qui hésitent même à remettre au goût du jour des molécules princeps, efficaces et non critiques comme l’amoxicilline, disparue du marché pour le cheval il y a plusieurs années. Le président complète : « Le dispositif médical vétérinaire n’étant pas réglementé, tous les marchands du temple s’engouffrent dans cette voie et leurrent le praticien sur les droits et la sécurité des produits. »

  • 1 Voir aussi pages 30 et 31 de ce numéro.

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