Anomalies génétiques : les détecter, les comprendre, les éradiquer - La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1650 du 13/11/2015

CONFÉRENCE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Serge Trouillet*, Coralie Danchin-Burge**, Cécile Grohs***

Fonctions :
*Institut de l’élevage, coordonnatrice de l’Onab
**Institut national de la recherche agronomique, coordonnatrice de l’Onab

Chez les bovins, comme dans toutes les espèces, des anomalies héréditaires peuvent apparaître. Elles résultent de certaines mutations aléatoires de l’ADN1. La gestion de leur éradication dépend de l’observation de leur émergence et de leur description clinique, une double démarche de terrain que l’Observatoire national des anomalies bovines (Onab) coordonne au niveau national.

Les anomalies observées chez les bovins ne sont pas toujours d’origine génétique. Elles peuvent avoir une origine toxique (alimentation), infectieuse (fièvre catarrhale ovine) ou traumatique (coup de corne). De plus, un même type d’anomalie peut être causé par plusieurs facteurs différents : c’est le cas du palais fendu, d’origine génétique ou pouvant résulter de l’ingestion de lupin pendant une certaine phase de la gestation de la vache. D’où la nécessité, pour identifier la source génétique d’une anomalie, de s’appuyer sur une description clinique précise. Le rôle du vétérinaire, à cet égard, est essentiel.

Le taureau parfait n’existe pas, et les anomalies génétiques sont présentes dans toutes les espèces. Leur incidence, en général, est faible : pour une anomalie récessive présentant une fréquence de 1 %, un animal anormal sortira à la fréquence de 0,01 %. Pour autant, cette fréquence augmente avec la consanguinité. C’est le cas de nos races animales, dont la reproduction se fait en populations fermées, et qui sont en conséquence de petite taille génétique. Pour éviter les crises dues à la répétition de leur émergence, ces anomalies requièrent une gestion efficace en amont.

Besoin de tous les intervenants de l’élevage…

Le coût des anomalies, en effet, est important pour la filière bovine. Elles sont probablement responsables de plus de 5 % de perte de fertilité, de plusieurs pourcents de mortalité après la naissance avec des cas, plus rares, chez les animaux adultes, notamment dans les races allaitantes : c’est alors plus coûteux encore pour l’éleveur dont le veau, une fois élevé, ne pourra pas être valorisé. Par ailleurs, un animal porteur d’une anomalie ne peut être destiné à la reproduction, ou sa carrière peut être prématurément interrompue. Enfin, le registre du contentieux n’est pas à exclure, en raison d’une jurisprudence encore floue sur les risques associés aux anomalies de ce type. Globalement, leur coût est probablement de l’ordre de 50 à 100 millions d’euros par an.

Leur surveillance doit donc être spécifique, ce qui est loin d’être le cas sur le terrain. Peu de gens collectent en réalité l’information de façon spontanée. L’auto censure pèse dans la non-déclaration des anomalies observées, en raison de la crainte d’une mauvaise image accolée à l’élevage dans son ensemble. D’autre part, le nombre d’anomalies rencontrées est souvent très faible dans un élevage et, du fait de cette rareté, l’éleveur n’a pas toujours le réflexe de faire remonter l’information. Enfin, les signes d’appel sont pour lui parfois difficiles à distinguer d’autres affections, et il ne lui apparaît pas nécessairement comme une évidence que son animal est porteur d’une anomalie. Pour assurer cette gestion en amont, l’Onab se tourne alors vers tous ceux qui interviennent également dans l’élevage, tels que les contrôleurs de performances, les inséminateurs et les vétérinaires.

La réactivité de l’Onab en dépend

Dans le cas d’une mutation récessive, les animaux affectés sont homozygotes pour un fragment chromosomique entourant la mutation. Dès lors que l’on dispose du bon phénotype, c’est-à-dire de la bonne caractérisation de l’animal, et de suffisamment de prélèvements, cette mutation génétique peut être localisée, sinon identifiée, grâce à une cartographie par homozygotie. L’opération est facilitée par l’évolution du séquençage de l’ADN. Cette localisation rend possible la mise au point d’un test génétique portant sur la région autour de la mutation, lequel permet la réalisation d’un screening de la population. Il en résulte une évaluation du pourcentage d’animaux porteurs, en vue d’une éradication raisonnée de l’anomalie en question.

Reste que la réactivité de l’Onab dépend des informations qui lui sont adressées. Dès lors, la nature des anomalies détectées, de manière de plus en plus efficace grâce aux progrès de la technologie, commande la conduite à tenir. Pour les anomalies dominantes, l’éradication doit être immédiate : il suffit de ne plus utiliser le reproducteur et ses descendants directs. Les anomalies récessives orientent davantage, dans le cas d’une fréquence faible, vers un choix pertinent d’accouplements évitant ceux à risques, fort du génotypage du mâle et de celui de la femelle. Pour les fréquences élevées, sans doute convient-il d’élaborer un indice synthétique prenant en compte le poids économique de l’anomalie.

  • 1 Acide désoxyribonucléique.

ANOMALIES EN COURS DE RECHERCHE

CHAROLAISE

• Syndrome d’arthrogrypose-palatoschisis : articulations grippées et palais fendu

BLONDE D’AQUITAINE

• Axonopathie : défaut de proprioception, ataxie, parésie, parfois tétraplégie

• Cheiloschisis : malformation du museau

• Veaux “paillassons” : poil ras, dense, dur, en brosse avec coloration havane clair ou chocolat au lait, et difficultés de succion

NORMANDE

• Défauts de vision de trois types : uvéites et cancers de l’œil ; exophtalmie et pathologies associées ; perte progressive de la vision

PARTHENAISE

• Épilepsie

MONTBÉLIARDE

• Anomalie du pelage (vache “milka”) : décoloration du pelage

• Jarret renversé

PRIM’HOLSTEIN

• Maladie des crampes ou syndrome spastique périodique (SAP) : crampes symétriques ou spasmes intermittents bilatéraux des postérieurs, se manifestant chez des adultes au-delà du 3e vêlage

• Atrésie du côlon

TOUTES RACES

• Atrésie du côlon

• Défauts des cornes : absence, cornes branlantes, anomalie Polled and Multisystemic Syndrome (PMS), à savoir absence de cornes et symptômes systémiques

ONAB

«  Déclarons tous, et déclarons tout  »

L’Observatoire national des anomalies bovines (Onab) a été créé en 2002, sous l’instance du ministère chargé de l’Agriculture, pour coordonner l’observation des émergences d’anomalies génétiques au niveau national. Il regroupe les différents acteurs de la filière bovine. Son objectif est de permettre la détection des anomalies et de faciliter leur éradication. Encore convient-il que les informations de terrain puissent lui remonter. Pour cela, tout éleveur, technicien ou vétérinaire constatant une anomalie dans un élevage est invité à la déclarer en ligne ou sur une fiche disponible sur le site de l’Onab1, qui permet une description fine du phénotype de l’animal. Le cas signalé peut être isolé, mais au regard d’informations venant d’autres élevages, ou à venir, il peut s’avérer très utile pour, par exemple, identifier le parent fondateur de l’anomalie en question. Des alertes sont alors lancées auprès des entreprises ou des organismes de sélection concernés, afin de récupérer des prélèvements et de suivre cette anomalie pour l’éradiquer.

Des résultats sur une dizaine d’anomalies

Même en cas de doute sur l’origine génétique d’une anomalie observée, il est pertinent d’envoyer par la poste, sous emballage double, à température ambiante et le plus tôt possible, un prélèvement biologique (sang, biopsie d’oreille, etc.), accompagné idéalement de photos ou de films explicatifs. L’Onab dispose d’un petit budget pour dédommager, le cas échéant, les vétérinaires qui envoient une facture. Tout document ou prélèvement est enregistré, stocké et conservé à des fins d’utilisation immédiate ou différée. L’observatoire, en effet, n’est pas un laboratoire de diagnostic ; il ne peut donc pas fournir un résultat de test génétique. Son comité de pilotage et son comité opérationnel décident, en concertation avec les acteurs de la filière bovine, du traitement des anomalies en fonction de critères de priorité. Tout est cependant conservé. Depuis la création de l’Onab, plus de 30 projets ont été considérés, avec des résultats parfois assortis de publications sur une dizaine d’anomalies : mise en place d’un test de dépistage, d’une gestion de troupeau et d’éradication, description fine de mécanismes moléculaires.

1 http://www.onab.fr.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr