LOI D’AVENIR AGRICOLE : UN AN APRÈS, BILAN D’UN VASTE CHANTIER - La Semaine Vétérinaire n° 1647 du 23/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1647 du 23/10/2015

Dossier

Auteur(s) : Michaella Igoho

En 2014, la nouvelle venue, appelée loi d’avenir, faisait une entrée fracassante dans le monde vétérinaire. Elle ambitionnait une mise en application rapide de ses dispositions : interdiction des remises sur les antibiotiques, dispositif “anti-cadeaux”, lutte contre l’antibiorésistance, etc. Un an après, quelles sont les conséquences concrètes pour les professionnels de la santé animale ?

La loi d’avenir fait toujours couler autant d’encre, alors qu’un an s’est écoulé depuis sa promulgation. Et pour cause : bon nombre de ses dispositions les plus importantes et les plus discutées ne sont toujours pas applicables. Certaines concernant le médicament vétérinaire sont encore en attente de mesures d’application, alors qu’elles modifient substantiellement les relations entre les industriels et les vétérinaires, mais aussi la pratique. Alors, quel bilan peut-on faire de l’application de cette loi ?

Ces mesures qui changent déjà votre quotidien

→ L’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF)

L’IAVFF a été créé par décret du 30 mars 2015. Il fédère 12 établissements publics d’enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et du paysage, qui sont en charge d’élaborer des stratégies communes de formation et de recherche.

→ Plusieurs ordonnances sont parues

– L’ordonnance réformant l’Ordre est parue le 2 août.

- Celle du 8 octobre vient encadrer la cession des animaux de compagnie. Applicable à partir du 1er janvier 2016, elle oblige les particuliers qui vendent leurs animaux de compagnie à se procurer un n° Siren.

– L’ordonnance du 7 octobre organise la surveillance en matière de santé animale, de santé végétale et d’alimentation.

→ Les mesures relatives aux antibiotiques

– Un objectif de réduction de 25 % de l’utilisation des antibiotiques critiques est fixé au 31 décembre 2016. Une évaluation sera effectuée à cette date et un nouvel objectif de réduction proposé.

→ Le texte prévoyait le retrait des antibiotiques de la liste positive des médicaments vétérinaires. Cette disposition interdit strictement aux groupements agréés d’acquérir ou de revendre des antibiotiques à leurs adhérents.

Où en est-on ? Un arrêté paru le 24 décembre 2014 a retiré les antibiotiques, y compris les sulfamides anticoccidiens, de la liste positive des médicaments vétérinaires sur prescription qui peuvent être acquis par les groupements agréés.

→ La loi d’avenir a mis en place ce qui a été appelé l’interdiction des “3R” (remises, rabais, ristournes). Cette disposition proscrit certaines pratiques commerciales pour les médicaments vétérinaires contenant des substances antibiotiques. En conséquence, les fabricants et les distributeurs d’aliments médicamenteux ne peuvent pas pratiquer de remises, rabais, ristournes, offres gratuites ou toute pratique équivalente à l’occasion de la vente d’antibiotiques vétérinaires. Cette interdiction est étendue aux vétérinaires, aux pharmaciens et à leurs représentants, ainsi qu’aux étudiants qui poursuivent des études de vétérinaire. D’application immédiate, la loi permettait aux entreprises de mettre leurs contrats commerciaux en conformité avec cette disposition avant le 31 décembre 2014, sous peine d’une sanction pouvant aller jusqu’à 75 000 € d’amende. De même, toute pratique commerciale qui vise à contourner cette interdiction est prohibée. Par exemple : le fait pour un fabricant de mettre en place un rabais ou une ristourne sur un vaccin lié à l’achat d’un médicament vétérinaire contenant des substances antibiotiques. Ce dernier encourt une amende de 75 000 €.

Où en est-on ? Au moment de sa parution, nombreux sont ceux qui craignaient que cette disposition ait pour effet de faire baisser le prix des antibiotiques et ils ne s’étonnaient pas de la flambée des achats d’antibiotiques par les ayants droit en 2014. Ceux-ci ont, en effet, progressé de 8,4 % au deuxième trimestre 2014, par rapport à la même période en 2013, selon les données de l’Association interprofessionnelle d’étude du médicament vétérinaire (AIEMV).

→ Le texte prévoyait, en outre, la publication d’un arrêté, au plus tard le 30 juin 2015, avec un ensemble de recommandations de bonnes pratiques d’emploi des antibiotiques vétérinaires destinées à prévoir le développement des risques pour la santé humaine et animale liés à l’antibiorésistance. La loi n’a prévu aucune peine spécifique, mais le non-respect de ces recommandations peut faire l’objet de sanctions disciplinaires.

Où en est-on ? L’arrêté relatif aux bonnes pratiques d’emploi des médicaments vétérinaires contenant une ou plusieurs substances antibiotiques a été publié le 10 septembre 2015. En réalité, il s’agit plus d’un rappel à la loi que de véritables recommandations innovantes. Le message fort qui se dégage est que le vétérinaire doit faire preuve d’une grande prudence lors de la prescription et de la délivrance d’antibiotiques. Le recours à ceux-ci ne doit se concevoir que dans un usage immédiat. L’arrêté rappelle, en effet, que leur délivrance est principalement réservée aux pharmaciens d’officine et aux vétérinaires, sans toutefois que ces derniers tiennent officine ouverte. Un antibiotique doit être prescrit après un diagnostic rigoureux qui établit l’existence d’une maladie bactérienne. De même, dans le cas d’une prescription hors examen clinique, il importe que le suivi sanitaire soit renforcé et le protocole de soins régulièrement réévalué.

→ L’interdiction du compérage

L’entente entre ayants droit, en vue d’obtenir des avantages de quelque nature que ce soit au détriment du détenteur des animaux ou de tiers, est strictement interdite. Cette mesure était d’application immédiate. Tout manquement est sanctionné par deux ans de prison et 150 000 € d’amende.

→ Des sanctions pénales renforcées

La loi d’avenir agricole du 13 octobre 2014 est venue alourdir, avec effet immédiat, les sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions relatives notamment à la distribution des médicaments sur prescription. Cela signifie que ces dispositions avaient vocation à s’appliquer immédiatement après la promulgation de la loi. Ainsi, en cas de non-respect des règles de vente des médicaments vétérinaire sur ordonnance, les sanctions peuvent désormais aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende. Les éleveurs, eux non plus, ne sont pas épargnés avec la loi d’avenir. Ils doivent faire preuve de vigilance, car s’ils contournent les dispositions encadrant la délivrance de médicaments vétérinaires, ils risquent jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

Ces mesures prévues non encore prises

La loi d’avenir a créé de nouvelles obligations qui changent les relations des vétérinaires avec les industriels et les éleveurs… en attente d’application.

→ L’encadrement de la vente des antibiotiques

L’un des objectifs affichés de la loi d’avenir est la lutte contre l’antibiorésistance, en limitant au strict nécessaire l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire. La baisse de 25 % de l’usage des antibiotiques a également été fixée dans le cadre du plan national de réduction des risques liés à l’antibiorésistance, encore appelé plan ÉcoAntibio 2017. Selon Hervé Pouliquen, professeur à Oniris, « nous sommes à mi-chemin de l’objectif de réduction fixé. La formation, aussi bien initiale que continue, reste la solution la plus efficace pour lutter contre l’antibiorésistance. Aujourd’hui, le vétérinaire doit se préoccuper de la santé animale avec un objectif de santé publique. »

Des mesures législatives ont été prises dans ce sens avec la loi d’avenir agricole afin d’atteindre ces objectifs.

→ La loi d’avenir crée une obligation pour les vétérinaires, les fabricants et les distributeurs de produits contenant des substances antibiotiques, qui sont tenus de déclarer à l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) la cession de médicaments vétérinaires comportant une ou plusieurs substances antibiotiques. Cette déclaration doit comporter l’identité du vétérinaire prescripteur et des éleveurs d’animaux destinés à la consommation humaine auxquels ces médicaments sont indiqués.

- La loi définit ces substances antibiotiques d’importance critique comme celles dont l’efficacité est prioritairement préservée dans l’intérêt de la santé humaine et animale. Le texte prévoit la parution d’un décret d’application définissant les conditions de délivrance de ces substances et dont la liste sera fixée par arrêté des ministres chargés de l’Agriculture et de la Santé, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Où en est-on ? À ce jour, la profession reste dans l’attente des parutions du décret et de l’arrêté sur les antibiotiques critiques. Selon Hervé Pouliquen, « ces textes pourraient paraître avant la fin de l’année et il n’y aurait guère de surprise ». Il ajoute : « La liste ne sera pas figée, elle évoluera avec les connaissances scientifiques. » Les céphalosporines de troisième et de quatrième générations et les fluoroquinolones devraient y être intégrées. Les autorités européennes estiment, par ailleurs, que ces classes d’antibiotiques doivent être réservées, chez les animaux, au traitement curatif en deuxième intention.

Le dispositif “anti-cadeaux” siamois de la “transparence” L’une des mesures phares, voire les mesures phares de la loi d’avenir, ce sont le dispositif “anti-cadeaux” et celui relatif à la “transparence des liens”. Ces deux dispositifs ont été très critiqués lors des débats parlementaires, en raison notamment de la transposition au médicament vétérinaire des règles existantes pour celui à usage humain, prises à la suite du scandale du Mediator. De quoi s’agit-il ? La loi d’avenir interdit aux vétérinaires, aux groupements et aux utilisateurs agréés, aux fabricants et aux distributeurs d’aliments médicamenteux, aux étudiants futurs vétérinaires, aux pharmaciens, ainsi qu’à leurs représentants, de se procurer tout avantage, en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, de façon directe ou indirecte, provenant d’industriels du médicament vétérinaire. Réciproquement, le Code de la santé publique prévoira une stricte interdiction pour les industriels du médicament vétérinaire d’octroyer de tels avantages à ceux qui en prescrivent et en utilisent. Quelques exceptions sont prévues telles que les activités de recherche d’hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou à caractère exclusivement professionnel et scientifique. En cas de non-respect de ces dispositions, l’amende peut monter à 37 500 € pour l’industriel qui propose un avantage et à 4 500 € pour celui qui l’accepte ; de quoi distendre considérablement les rapports… La loi introduit également le dispositif de “transparence” qui reprend à la lettre celui créé par la loi Bertrand du 29 décembre 2011 : les industries du médicament vétérinaire doivent rendre publiques les conventions passées, entre autres, avec les prescripteurs, les groupements agréés et les étudiants futurs vétérinaires. Le non-respect de cette obligation est pénalement sanctionné par une amende de 45 000 €.

Où en est-on ? Là encore, la loi prévoit la publication de décrets qui fixeront les modalités d’application de ces mesures : le seuil de déclaration des avantages, la nature des informations qu’il faut rendre publiques, ainsi que les délais et modalités de publication et d’actualisation de celles-ci. Ces décrets sont aussi en attente de publication. Le dispositif sur la transparence est discuté en ce moment dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de notre système de santé.

La formation du délégué vétérinaire visée

Le délégué vétérinaire, qui fait de l’information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments vétérinaires, y compris des aliments médicamenteux, devra désormais respecter des conditions de qualification qui garantissent qu’il possède des connaissances scientifiques suffisantes sur ces substances. Il est tenu, par ailleurs, de rapporter à son employeur toutes les informations relatives à leur utilisation, en particulier les effets indésirables qui lui sont signalés. Les employeurs devront veiller à l’actualisation de ces connaissances.

Les délégués qui exercent leur activité depuis plus de trois ans à la publication de la loi ne sont pas concernés par cette mesure. Les autres ont l’obligation de se former au moins dans les quatre ans qui suivent.

Où en est-on ? Un décret en attente de publication viendra préciser les qualifications requises.

ENTRETIEN AVEC JEAN-LOUIS HUNAULT « Les entreprises expriment un besoin de clarté »

Le président du SIMV livre son point de vue sur les mesures phares de la loi d’avenir.

Un an après, la pilule de la loi “anti-cadeaux” et du dispositif de “transparence des liens” a-t-elle du mal à passer chez les industriels ?

La loi transpose au médicament vétérinaire certains dispositifs applicables au médicament à usage humain. C’est un défaut de compréhension des spécificités du modèle économique du médicament vétérinaire, car le vétérinaire est un médecin mais aussi un chef d’entreprise. Les laboratoires n’ont pas été écoutés par l’Assemblée nationale. C’est un défaut de fonctionnement de la démocratie ! Cette méthode de copier-coller humain/vétérinaire n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact. Nous demandons qu’à l’avenir ce genre de réflexe cesse et s’inscrive dans une cohérence européenne. Par ailleurs, la masse de travail pèse sur les entreprises qui consacreront des moyens humains pour respecter ces dispositions, moyens qui seraient plus profitables à l’investissement en recherche et développement. Cela a pour conséquence une baisse de l’attractivité de notre pays et de la compétitivité de nos entreprises. Ce dispositif est disproportionné et déséquilibré au regard de la sanction. L’amende en cas d’absence de déclaration est de 45 000 € par convention oubliée. Il s’agit d’une conception assez particulière du statut de l’entreprise, qui n’est pas acceptable. On se méprend sur la responsabilité et la réputation de nos entreprises.

La mise en application de ces dispositifs risque-t-elle d’être laborieuse ?

Plusieurs décrets sont attendus pour définir ce que sont les avantages, le seuil de déclaration ou encore les champs d’application. Le dispositif de “transparence” est complété, en ce moment même, par la loi de modernisation de notre système de santé, alors que la loi d’avenir n’est pas totalement finalisée. Les entreprises sont dans une situation inconfortable. Nous travaillons avec l’Ordre sur ces questions. Il faut également une lisibilité et une stabilité dans le temps. Les entreprises expriment un besoin de clarté. Par exemple, en ce qui concerne la liste des antibiotiques critiques, nous devons savoir et comprendre pourquoi tel produit a été intégré à celle-ci.

Ces deux dispositifs remettent-ils en cause la liberté de prescription du praticien ?

La nouveauté est, en effet, qu’en plus de la réglementation sur le médicament vétérinaire se met en place un encadrement à la fois des pratiques commerciales et des pratiques vétérinaires. Je suis plus favorable à des incitations à la responsabilité des acteurs, qui ont montré leur efficacité, qu’à des systèmes de remise en cause, qui ont prouvé qu’ils ne produisaient pas les résultats attendus.

Propos recueillis par Michaella Igoho

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