Traitement et suivi du chien épileptique - La Semaine Vétérinaire n° 1645 du 09/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1645 du 09/10/2015

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Hélène Vandenberghe*, Jérôme Couturier**

Fonctions :
*Diplomate ECVN, praticien à Azurvet, Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes)

Les épilepsies canines peuvent être réparties en trois groupes : l’épilepsie réactionnelle, secondaire à des affections métaboliques (encéphalose hépatique, hypoglycémie, troubles de la calcémie ou de la natrémie, hypertension artérielle, insuffisance rénale terminale, hypoxie, polyglobulie, intoxication), l’épilepsie structurelle, secondaire à des lésions de l’encéphale (méningo-encéphalite, tumeur, malformation, accident vasculaire cérébral, traumatisme, encéphalopathie dégénérative ou de surcharge) et l’épilepsie idiopathique, dite aussi primaire, essentielle ou génétique, diagnostiquée par exclusion des causes précédemment citées et objet de cet article.

Traitement initial

Choix de la molécule

Le phénobarbital, administré à la dose de 2,5 mg/kg par voie orale, deux fois par jour, est souvent utilisé en première intention. Le bromure de potassium (30 à 40 mg/kg/jour) peut y être associé d’emblée en cas d’épilepsie sévère : fréquence élevée, crises groupées (plus de deux crises en 24 heures), status epilepticus. L’imépitoïne peut aussi être utilisée en première intention seule (10 mg/kg/12 heures initialement), sauf en cas de crises groupées ou de status epilepticus.

Effets secondaires

Il convient de bien informer les propriétaires des effets secondaires induits par l’administration de certaines molécules antiépileptiques. Ainsi, le phénobarbital génère une polyuro-polydipsie, une polyphagie, parfois une léthargie ou une sédation. Ces deux dernières sont idiosyncrasiques : elles dépendent de l’individu et non de la molécule ou de la dose, et s’atténuent après une ou deux semaines de traitement. Un changement de molécule est rarement justifié dans la phase initiale du traitement, sauf en cas d’effets secondaires majeurs. Le bromure de potassium et l’imépitoïne souffrent des mêmes effets secondaires, des études montrant toutefois qu’ils sont moins fréquents avec cette dernière molécule.

Délai d’action

Le délai précédant l’efficacité maximale du traitement dépend de la molécule utilisée : 15 jours pour le phénobarbital (demi-vie de 42 à 96 heures), 2,5 à 3 mois pour le bromure de potassium (demi-vie de 20 à 28 jours), moins de 24 heures pour l’imépitoïne (demi-vie de 1,5 à 2 heures) et le lévétiracétam1 (demi-vie de 3 à 4 heures). Ainsi, l’efficacité du traitement n’est pas immédiate, notamment lors d’utilisation de phénobarbital ou de bromure de potassium. En cas d’épilepsie grave ou de status epilepticus, il peut être judicieux d’employer temporairement le lévétiracétam. L’administration de doses de charge peut représenter une autre alternative : 16 à 18 mg/kg sur 24 heures en plusieurs bolus par voie intraveineuse lente ou intramusculaire pour le phénobarbital, 400 à 600 mg/kg sur 24 à 48 heures en 2 à 4 prises per os pour le bromure de potassium.

Visite de contrôle

La première visite de suivi peut avoir lieu 15 jours après l’initiation du traitement. En cas d’administration de phénobarbital, la phénobarbitalémie peut être dosée après 15 jours. En cas d’administration de bromure de potassium, la bromémie peut être dosée après 3 mois.

Ajustement du traitement et suivi

Lors de crises non contrôlées

Les crises sont considérées comme non contrôlées lorsque leur fréquence sous traitement est supérieure à 50 % de la fréquence initiale ou lorsque leur intensité augmente. En cas de crises d’épilepsie non contrôlées au moment d’efficacité maximale du traitement antiépileptique, il convient, dans un premier temps, d’interroger le propriétaire sur la bonne observance du traitement et de vérifier les dosages (bon conditionnement des gélules de bromure de potassium, notamment). La réitération d’un examen clinique et neurologique complet est incontournable afin d’être en mesure de suspecter une éventuelle affection intercurrente. Lorsqu’aucune anomalie n’est mise en évidence, le traitement est probablement mal ajusté. Il convient alors de réagir en plusieurs étapes :

– augmenter les doses d’antiépileptique à l’aveugle et demander un dosage de la phénobarbitalémie et/ou de la bromémie au laboratoire. Les doses de phénobarbital et de bromure de potassium peuvent être augmentées de 10 à 20 %, les doses d’imépitoïne de 10 mg/kg sur 24 heures ;

– ajuster la dose en fonction des concentrations sériques en antiépileptique après réception des résultats du laboratoire. Une erreur classique consiste à croire que le traitement n’est pas efficace, alors que la concentration sérique en agent antiépileptique est trop basse. Les valeurs cibles sont entre 20 à 40 mg/l pour le phénobarbital, et 1 500 et 2 500 à 3 000 mg/l pour le bromure de potassium ;

– ajouter une autre molécule au plan de traitement lorsque les limites hautes des intervalles de concentrations sériques sont atteintes. Classiquement, pour un chien dont le traitement initial est le phénobarbital en monothérapie, le bromure de potassium est ajouté dans un second temps. Lorsque les limites hautes sont atteintes en bromure, l’imépitoïne, la gabapentine1, le lévétiracétam ou le zonisamide1 peuvent être employés. En cas d’utilisation d’imépitoïne en monothérapie, l’augmentation peut être plus importante (50 à 100 % sur 24 heures). Lorsqu’une dose de 30 mg/kg/12 heures est atteinte, il convient d’effectuer un sevrage rapide et de changer de traitement antiépileptique ;

– tout mauvais contrôle d’une épilepsie diagnostiquée comme idiopathique doit inciter à remettre en cause le diagnostic (affection métabolique ou structurelle) ou à rechercher une affection intercurrente d’apparition plus récente, notamment chez un chien vieillissant présentant subitement des signes nerveux entre les crises ou une augmentation brutale de la fréquence des crises : une tumeur cérébrale se développant chez un animal traité depuis des années pour épilepsie idiopathique n’est en effet pas rare.

Lors de crises contrôlées

L’épilepsie est dite contrôlée lorsque la fréquence des crises diminue significativement (inférieure à 50 % de la fréquence initiale), avec des effets secondaires modérés. Un suivi semestriel est alors recommandé. Lors de la visite de contrôle, il convient de vérifier que l’examen neurologique demeure sans anomalie (en dehors de la période post-ictale) et de vérifier que le poids de l’animal reste stable. Des bilans sanguins doivent être effectués, d’une part pour vérifier le taux sérique médicamenteux (phénobarbital, bromure de potassium), d’autre part pour l’évaluation de la fonction hépatique (dosage des acides biliaires à jeun et post-prandiaux). Ce dernier paramètre représente le meilleur indicateur de bon fonctionnement hépatique sous phénobarbital. En effet, ce traitement induit de façon systématique une augmentation des concentrations sériques en enzymes hépatiques (phosphatases alcalines surtout, transaminases dans une moindre mesure), ce qui ne doit pas être confondu avec une cirrhose (très rare en pratique). Il est aussi possible d’effectuer une numération et formule sanguines (faible risque de cytopénie).

Lors d’effets secondaires graves

Il convient bien sûr de surveiller également l’apparition d’effets secondaires majeurs. Ceux du phénobarbital sont une hépatotoxicité (à ne pas confondre avec une induction classique des enzymes hépatiques par le traitement), une aplasie médullaire, une dermatite nécrosante superficielle. Ceux du bromure de potassium sont représentés par une ataxie grave, une panniculite ou une pancréatite. Leur apparition justifie un arrêt du traitement, qui doit être remplacé par d’autres molécules, telles que l’imépitoïne ou le lévétiracétam.

Lors de rémission

En cas de rémission complète des crises sous traitement supérieure à 1 an, un sevrage progressif peut être envisagé, en informant le propriétaire du risque de récidive. Une étude2 révèle que 15 % des chiens connaîtraient une rémission durable, ce qui est plus rare dans l’expérience du conférencier.

  • 1 Pharmacopée humaine.

  • 2 Thomas W. B. Idiopathic epilepsy in dogs and cats. Vet. Clin. North. Am. Small Anim. Pract. 2010;40 (1):161-179.

ÉVITER LE SURDIAGNOSTIC D’HYPOTHYROÏDIE

Un syndrome euthyroïdien (hypothyroxinémie sans hypothyroïdie) survient chez 38 % des chiens atteints d’épilepsie idiopathique non traitée, et ceux sous traitement présentent aussi régulièrement cette anomalie (T4 basse sans hypothyroïdie). Dans ce contexte, et sachant que les effets secondaires des traitements antiépileptiques peuvent mimer l’hypothyroïdie (prise de poids, léthargie, etc.), un dosage d’hormones thyroïdiennes chez un chien atteint d’épilepsie idiopathique n’est pas judicieux, sauf en cas de forte suspicion d’hypothyroïdie. Il convient alors de doser simultanément la thyréostimuline (TSH), voire les anticorps antithyroglobuline, ou d’effectuer une échographie des glandes thyroïdes.

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