Quel est l’impact de l’actuelle crise de l’élevage sur votre activité ?

Une augmentation des impayés

ÉRIC BLAISE (A 93) Praticien mixte à Montsûrs (Mayenne).

Notre clientèle, essentiellement rurale, est constituée d’éleveurs de bovins à 60 % en laitier et 40 % en allaitant. Dans notre cabinet, nous sommes trois praticiens exclusivement en rurale et globalement, notre activité n’a pas subi de décroissance particulière. Sans doute le contexte local nous y aide-t-il. Le nombre de vétérinaires diminue dans notre région et il devient très difficile de recruter. Notre activité, en conséquence, ne faiblit pas, mais l’impact de la crise en bovin laitier se manifeste par une augmentation des impayés, par une grande difficulté dans les trésoreries.

Nous sommes contraints de faire banque ouverte, en particulier auprès des grands cheptels, qui ont beaucoup investi, et qui sont pris au dépourvu par l’ampleur et la durée de la crise. Cela se traduit, à notre encontre, par une exigence accrue au regard des résultats. Pour certains clients, nous sommes un investissement dont ils attendent un retour comptable. Nous sommes par ailleurs concurrencés très sévèrement par des affairistes de tout poil qui démarchent nos clients, et plus récemment par des sociétés du secteur para-agricole, pour la fourniture à distance des médicaments, tandis qu’explose l’automédication.

Une nécessité de développer les services

FRÉDÉRIC ARZUR (N 01) Praticien rural à Landivisiau (Finistère).

Dans notre clinique vétérinaire, nous sommes trois praticiens en rurale exclusivement. Nous avons une clientèle d’éleveurs bovins, un tiers en allaitant et deux tiers en laitier. Notre activité se maintient, pour l’instant. Nous y voyons peut-être le résultat d’une politique de développement des services, que nous menons maintenant depuis 15 ans. Nous avons commencé par l’insémination, nous nous sommes ensuite engagés dans le suivi de reproduction, la parasitologie, la qualité du lait, les bilans sanitaires. Depuis quelques années, nous travaillons davantage dans l’accompagnement des élevages. Certains clients nous appellent aujourd’hui plus facilement. Notre apport technique se traduit, par exemple, par une réduction de leur consommation de médicaments, que nous objectivons lors du bilan sanitaire d’élevage : un argument économique qui finit par peser dans l’acceptation progressive du conseil facturé. Notre objectif est d’apporter de la rentabilité dans les élevages. Et nos clients, pour cela, recherchent des résultats techniques. Les exploitations se restructurent et le “travailler mieux pour gagner plus” l’emporte nettement sur le « travailler plus pour gagner plus »…

Un devoir de soutien, à notre mesure

PHILIPPE SAMAIN (GAND 81) Praticien mixte à Pont-l’Évêque (Calvados).

L’impact de la crise dans l’élevage laitier est réel. Nous n’intervenons plus pour les veaux, hormis chez certains éleveurs qui font de la sélection. Un veau de trois semaines vient d’être cédé à un marchand de bestiaux pour 20 €, parce qu’il coûtait de l’argent à son propriétaire ! Nous avons ressenti concrètement cet impact lorsque l’un des bons éleveurs de la région est venu solliciter notre aide. Nous avons ainsi consenti une réduction temporaire de 10 % sur le prix des médicaments. C’est notre contribution solidaire à la détresse des éleveurs. L’annonce du gouvernement de rehausser le prix du lait, à l’achat au producteur, de presque 40 € les 1 000 litres, n’a pas suffi à les rassurer, car ces hausses ne concernent pas tous les produits laitiers. Elles en excluent une part importante, notamment ceux destinés à l’exportation. Cela ne devrait agir que sur 20 % du volume de lait produit en France et donc globalement déboucher sur une faible hausse pour les éleveurs. Ces derniers ne nous appellent que pour les urgences. Pour les conjonctivites, ils viennent chercher des pommades et n’ont plus recours à nos soins. Même pour les boiteries, ils se passent désormais de nos services…