Retour sur la crise porcine française - La Semaine Vétérinaire n° 1639 du 28/09/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1639 du 28/09/2015

ÉLEVAGE

Pratique mixte

L’ACTU

Auteur(s) : Nathalie Devos

Les éleveurs porcins ont manifesté leur ras-le-bol cet été, via diverses opérations coup de poing, face à une crise qui dure depuis des mois. Plusieurs facteurs expliquent cette dernière.

La crise porcine actuelle, qui s’inscrit dans une crise plus grave de l’élevage français, est à la fois conjoncturelle et structurelle. Les éleveurs porcins dénoncent un prix d’achat trop bas qui menace, selon eux, leur survie. Pourquoi ? Voici les principales explications.

L’embargo russe

La Russie, premier marché à l’exportation pour le porc européen, décide le 1er février 2014 d’un embargo sur cette viande, sous prétexte de la présence de peste porcine africaine à l’est de l’Europe (Pologne et États baltes). En résulte une production européenne qui peine à s’écouler et qui fait baisser les cours.

Les problèmes de distorsions de concurrence

Comment expliquer les distorsions de concurrence ? Par les coûts de la main-d’œuvre employée. En Espagne et en Allemagne par exemple, les travailleurs salariés (sous le statut de travailleurs détachés) sont payés entre 600 et 800 € par mois alors qu’ils coûtent 2 000 € avec les charges en France en moyenne.

Par ailleurs, en France, la taille moyenne des exploitations est de 150 à 200 truies contre 300, voire plus, en Allemagne et en Espagne. Cette concentration du secteur entraîne la réduction des coûts de production. Notons aussi qu’en Allemagne, par exemple, les investissements en usines de méthanisation permettent de revendre l’énergie produite.

En outre, la filière porcine française est principalement un modèle où les capitaux sont familiaux, alors qu’en Allemagne ces derniers appartiennent en grande majorité aux abattoirs ou aux fabricants d’aliments. Les agriculteurs sont en quelque sorte leurs salariés.

Enfin, les observateurs de la crise dénoncent que l’administration française appliquerait de façon plus tatillonne les normes environnementales que certains autres pays européens.

La fixation du prix du kilo de porc français

Contrairement à d’autres viandes, comme le bœuf, dont une tendance nationale est calculée par l’organisme public FranceAgriMer, le prix du kilo de porc est, lui, directement relié au cours en vigueur au marché du porc breton (MPB), situé à Plérin en Bretagne, une région qui compte pour 60 % des élevages porcins en France. Le prix moyen du MPB sert de référence pour le porc français au niveau national. La vente se fait par un système d’enchères dégressives. Les abatteurs industriels achètent aux éleveurs et c’est ainsi qu’est fixé le prix, par une confrontation directe entre l’offre et la demande. Les abattoirs acheteurs ont, chaque semaine, un quota de porcs qui leur est réservé, selon leur importance sur le marché. Ils revendent ensuite la viande à la grande distribution, en fixant les tarifs de gré à gré. Enfin, la viande est proposée aux consommateurs dans les super et hypermarchés, à un prix que fixe l’enseigne. Mais les éleveurs porcins réclament une revalorisation du prix de vente aux intermédiaires pour faire face à leurs charges. Aussi, en juin, le gouvernement a demandé aux acteurs de la filière porcine de s’entendre sur un prix de 1,40 € le kilo. Alors que la grande distribution déclare avoir joué le jeu, les deux plus grands industriels abatteurs du secteur, la Cooperl et Bigard, qui contrôlent à tous les deux entre 30 et 40 % des achats en France, ont refusé de payer ce prix et ont boycotté le 10 août dernier le MPB. Ce qui, fait rarissime, a abouti à plus de 30 % de porcs mis en vente invendus. Au vu de la concurrence européenne, ces deux principaux acheteurs dénoncent une politique tarifaire « intenable », qui leur fait perdre toute compétitivité à l’export, de l’ordre de 25 centimes de plus par kilo par rapport à la viande allemande et espagnole notamment.

RÉUNIONS PASSÉES ET À VENIR

• 17 août : Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, a réuni les acteurs du marché du porc breton (MPB). Les groupes Cooperl et Bigard, deux acheteurs importants liés au MPB par convention, étaient néanmoins absents. Les acteurs présents se sont accordés sur le fait que le maintien du MPB est nécessaire, même si des évolutions sont souhaitables. Elles seront discutées dans les prochaines semaines.

• 20 août : réunion avec les professionnels de l’alimentation animale qui se sont accordés sur des délais de paiement pour les éleveurs afin de tenir compte de leurs difficultés actuelles de trésorerie. Des fabricants d’aliments qui ont toutefois annoncé qu’ils vont augmenter leurs tarifs de 5 à 7 € la tonne…

• 27 août : réunion au ministère sur la mise en place des promotions du mois de septembre, essentielles pour dégager le marché des volumes en stock dans les entreprises. Cette journée sera aussi l’occasion de réfléchir à la rénovation des relations commerciales.

• Lors de la réunion du 7 septembre du Conseil européen des ministres de l’Agriculture, Stéphane Le Foll a promis d’évoquer les problématiques de distorsions de concurrences fiscale et sociale, notamment dans la filière porcine.

L’État s’est, par ailleurs, engagé à poursuivre sa stratégie de valorisation de l’origine France des viandes et d’encourager l’approvisionnement en produits locaux pour les collectivités.

ENTRETIEN AVEC FRANCK BOUCHET

« Cette crise ne date pas d’hier ! »

Praticien à Noyal-Pontivy, dans le Morbihan (Porc.Spective, groupe vétérinaire Chêne vert conseil), Franck Bouchet évoque la situation des éleveurs.

Cette crise n’est pas un fait sociétal nouveau : même si, aujourd’hui, les éleveurs s’expriment plus au travers des médias car leur situation économique est intenable, ils sont dans une situation difficile depuis plusieurs mois. Ils ont le sentiment d’une indifférence totale, tant des politiques, de la distribution que des consommateurs.

Alors qu’ils respectent de nombreuses normes (bien-être, environnementales et sanitaires), ils ne sont pas pour autant récompensés sur le plan financier. En France, les élevages sont majoritairement des structures familiales, tributaires d’un prix de marché fixé par le MPB. Avant tout, ils demandent un prix de base économiquement viable et une diminution des charges. Car le problème n’est pas uniquement franco-français, il est aussi européen, avec les distorsions de concurrence. Cependant, les éleveurs restent très responsables et ils ne baissent pas leurs exigences techniques et sanitaires. Lors des précédentes crises, il y avait eu des relâchements, notamment au niveau des vaccinations. Avec ces expériences, les éleveurs savent que la situation sanitaire peut se dégrader très vite, et qu’il est difficile de se redresser.

En revanche, il est vrai que les délais de règlement de nos prestations s’allongent, sans compter les dépôts de bilan de certains éleveurs !

PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE DEVOS

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