Vos questions sur le syndrome brachycéphale - La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015

QUESTIONS-RÉPONSES

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Antoine Bernardé

Fonctions : Spécialiste en chirurgie vétérinaire,
praticien au CHV Saint-Martin à
Saint-Martin-Bellevue
(Haute-Savoie)

Vous avez des questions pratiques ? Nous avons exposé vos problématiques à un spécialiste, qui vous apporte ses réponses. Cette semaine, Antoine Bernardé, spécialiste en chirurgie, répond à vos interrogations sur le syndrome brachycéphale.

Lors de la consultation vaccinale d’un bouledogue français respirant bruyamment, puis-je évoquer le syndrome brachycéphale et suggérer au propriétaire des corrections à effectuer ?

Les chiens de races brachycéphales ont la réputation de respirer bruyamment et de ronfler, et nombreux sont ceux qui considèrent cela comme normal. Or ce signe, présent au jeune âge, évoque une étroitesse exagérée des voies respiratoires supérieures. Elle se limite alors le plus souvent à une sténose des narines et à une hyperplasie-élongation exagérée du palais mou, relativement faciles à corriger. Cependant, si elles ne sont pas traitées à temps, elles faciliteront l’apparition d’un collapsus laryngé à l’âge adulte. Par ailleurs, le syndrome brachycéphale n’est pas que respiratoire : une composante digestive (régurgitations, vomissements) s’y ajoute souvent. La consultation vaccinale est l’occasion de repérer ces prodromes et d’y sensibiliser le propriétaire.

Quel examen dois-je conseiller pour évaluer ce chien ?

Un examen externe suffit à attester la sténose des narines (en forme de fente verticale plutôt que de cercle). Il est utile de le compléter par une rhinoscopie (utilisant un otoscope), montrant que l’étroitesse se prolonge dans les sinus nasaux. L’examen du palais mou requiert une anesthésie générale. La découverte d’un palais mou dont la marge la plus ventrale touche ou dépasse le bord le plus dorsal de l’épiglotte suffit à poser un diagnostic de “voile du palais trop long” : cela prend 30 secondes, et l’animal est aussitôt intubé pour être mis en sécurité. L’examen du larynx proprement dit, à la recherche d’un collapsus, se fait soit juste avant l’intubation, soit au bloc opératoire après correction des anomalies primaires.

Faut-il opérer tous les bouledogues ?

Non, certains ont la chance d’échapper au syndrome. Une bonne corrélation est généralement observée entre le type morphologique et la clinique (ronflements, intolérance à la chaleur ou à l’effort) et la présence des lésions et leur sévérité. Plus l’individu est hypertypé, plus il est gêné par la redondance des tissus mous.

Existe-t-il des différences entre les races ?

Selon mon expérience, le carlin évolue plus rapidement que le bouledogue français vers le collapsus, et il convient de recommander la correction des anomalies primaires le plus tôt possible dans cette race. Le bouledogue anglais présente, quant à lui, quelques spécificités. Sa grande taille rend la correction des narines et du palais mou plus facile. En cas d’éversion des ventricules laryngés, leur excision est plus aisée que chez un carlin et lui apporte davantage de bénéfice. Cependant, cette race présente plus souvent une cardiopathie et il est sage de réaliser une échocardiographie avant toute anesthésie. Enfin, le bouledogue anglais peut présenter, indépendamment du syndrome brachycéphale, une hypoplasie de la trachée (détectable par radiographie), qui oblige à veiller encore plus à son oxygénation lors d’une anesthésie.

À quel âge faut-il conseiller la rhino- et la palatoplastie ?

La composante respiratoire du syndrome brachycéphale s’auto-aggrave avec l’âge. Les efforts respiratoires permanents que fait le sujet consistent en une dépression exagérée à chaque inspiration (tirage costal), qui se propage tout au long des voies respiratoires, notamment supérieures. La trachée est capable d’y résister, mais le larynx, formé de cartilages plus flasques, finira par s’effondrer sur lui-même (collapsus laryngé), avec différentes composantes, l’éversion des ventricules laryngés, et divers défauts d’abduction des cartilages aryténoïdes. Plus le collapsus est sévère, plus la glotte, déjà encombrée par un palais mou trop long, se réduit, aggravant la détresse inspiratoire. Il est donc important de corriger les anomalies primaires (sténose des narines et élongation du palais mou), avant l’installation du collapsus laryngé. L’âge idéal se situe entre 6 mois et 1 an. Attendre une aggravation des signes respiratoires pour agir est donc une erreur. Si un propriétaire vous présente un carlin de 4 ans, en vous signalant qu’il a toujours ronflé, mais que son état a empiré ces 6 derniers mois, le collapsus est probablement installé. Dès lors, la rhino- et la palatoplastie risquent d’être peu efficaces, puisque la glotte est rétrécie par le collapsus laryngé et qu’elle le restera à vie. Dans les cas les plus sévères, la trachéostomie définitive est la seule solution.

Que se passe-t-il si le palais mou est trop raccourci ?

Rien. Le palais mou est une protection contre le reflux du bol alimentaire dans les choanes. En théorie, son raccourcissement exagéré devrait donc provoquer des reflux nasaux rétrogrades et une rhinite chronique. Or en pratique, il n’en est rien. Le repère idéal est que la marge ventrale du palais mou, après résection et mise en place des sutures, corresponde au sommet des amygdales, c’est-à-dire à leurs marges cranio-dorsales.

Que dois-je faire des amygdales ?

Il n’y a pas lieu d’y toucher. Même si elles sont redondantes et volumineuses, elles n’affectent en rien le nasopharynx et la glotte.

Quelles précautions pré-anesthésiques prendre ?

Les parasympatholytiques (atropine, glycopyrrolate), longtemps conseillés pour réduire les sécrétions, sont à bannir : si le volume des sécrétions décroît, leur viscosité augmente et leur expectoration devient plus compliquée. De plus, ce sont des cardio-accélérateurs, qui, utilisés chez un animal non bradycarde, risquent d’augmenter excessivement la fréquence cardiaque au point de pénaliser le remplissage diastolique et d’effondrer le débit d’éjection systolique. Par ailleurs, il est souvent préconisé de réaliser une pré-oxygénation au masque. Elle n’a d’intérêt que si elle se réalise dans le calme, ce qui est rarement le cas.

Quel mode d’anesthésie utiliser pour ces brachycéphales ?

Il est important de favoriser une induction calme. Si le chien est hospitalisé avant sa prise en charge, une prémédication par voie intramusculaire est intéressante pour qu’il ne “stresse” pas au chenil. S’il est pris en charge peu de temps après avoir quitté les bras de ses maîtres, l’induction est conduite par voie intraveineuse et l’animal est intubé rapidement. Nous utilisons deux protocoles : une association de médétomidine-kétamine-morphine pour les sujets jeunes, une autre de diazépam-propofol-morphine, éventuellement associée à des microdoses de kétamine chez les individus à risque.

Quelles précautions prendre lors du réveil ?

Le réveil s’effectue dans le calme pour éviter panique, inspirations exagérées et accentuation d’un collapsus laryngé éventuel. Il est important de ne pas antagoniser systématiquement la médétomidine si elle a été utilisée à l’induction. Enfin, la surveillance anesthésique est maintenue, surtout après l’extubation, tant que le chien n’est pas capable de se relever. Pendant toute cette phase, il est préférable de placer l’animal en décubitus sternal et de le garder sous surveillance visuelle et auditive. Le fait de voir l’abdomen bouger ne suffit pas à dire qu’il respire : si son larynx vient de se collaber complètement, il aura des mouvements costo-abdominaux sans que l’air ne passe. C’est pourquoi il importe également de s’assurer que les mouvements s’accompagnent d’un flux d’air inhalé. En cas de crise, le révélateur est la cyanose de la langue et il faut alors agir très vite pour ré-intuber l’animal.

Que faire lors de troubles digestifs des brachycéphales ?

Ces troubles sont le plus souvent liés aux problèmes respiratoires. À chaque inspiration, la dépression intrathoracique exagérée tire le cardia en avant, générant une hernie hiatale centrale intermittente, favorisant les reflux gastro-œsophagiens, l’œsophagite et la gastrite. D’autres phénomènes sont impliqués, tels que l’hypergastrinémie, la perturbation des pompes à protons, l’hyperplasie des muqueuses pyloriques, etc. Il est démontré que la correction des anomalies respiratoires favorise la réduction des troubles digestifs, d’autant mieux qu’elle aura été complétée par un traitement anti-acide (de type oméprazole) et un pansement gastrique, pendant plusieurs semaines après l’intervention. Par ailleurs, la circulation sanguine péricardiaque est également affectée et de nombreux individus développent une insuffisance cardiaque droite.

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