« Une enquête complexe, qui a bénéficié du soutien des vétérinaires de terrain » - La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015

ENTRETIEN AVEC NATHALIE GUERSON

Actu

Auteur(s) : Valentine Chamard

Le cas de rage canine, survenu dans la Loire en mai dernie1, aurait pu mener à des conséquences humaines dramatiques. Elles ont été évitées grâce à une enquête minutieuse, en dépit de nombreuses obstructions, et à la mise en œuvre de lourds moyens humains. Notre consœur Nathalie Guerson (L 92), qui a dirigé les actions de terrain, partage son expérience.

Lorsque vous recevez l’appel de la vétérinaire qui suspecte un cas de rage2, quelles mesures mettez-vous en place ?

Le cadre d’astreinte de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ordonne le placement sous surveillance du chien à la clinique vétérinaire et alerte la Direction générale de l’alimentation (DGAL) d’une suspicion forte de rage. À la mort de l’animal, les prélèvements sont immédiatement acheminés à l’Institut Pasteur. Le centre opérationnel de la préfecture est aussitôt mis en préalerte. Tous les services concernés (agence régionale de santé, pompiers, police, gendarmerie, ville du Chambon-Feugerolles, etc.) sont alors prêts à agir dans l’attente des résultats.

Une fois le résultat connu, quelles actions sont instaurées ?

Une cellule de crise est mise en place au sein de la DDPP. Une mission est attribuée à chaque agent, y compris des services autres que celui en charge des populations animales. Les actions de terrain consistent en la rencontre des commerçants et du directeur de l’école de la commune (qui a fait un travail colossal auprès des enfants), des enquêtes de proximité après briefing des adultes “relais”, une campagne de capture des chats errants, etc. De mon côté, avec le chef de service de la protection animale, nous avons mené les auditions administratives.

Comment se sont déroulées les auditions ?

Nous avons été confrontés à des personnes peu coopératives, qui ne donnaient des informations qu’après plusieurs entretiens. Il a fallu croiser les données pour recouper les différents témoignages, parfois incohérents. Une première liste de personnes exposées a cependant pu être établie (les autres ayant été recensées grâce à la cellule téléphonique d’information du public de la préfecture) et le parcours du chien reconstitué3, afin de délimiter le périmètre de restriction de circulation des carnivores domestiques.

Comment la population a-t-elle accueilli votre action ?

Plutôt mal. Notre discours scientifique et l’autorité de l’État ont fait l’objet de défiance. Des personnes ont rejeté le risque de rage en l’absence de symptômes. Pour certaines, la police a été sollicitée pour les emmener au centre antirabique, d’autres n’avaient pas de voiture et il a fallu diligenter des taxis. Les adultes “relais”, au plus près des personnes concernées, ont été capitaux pour faire passer le message.

Quelle a été l’implication des vétérinaires praticiens ?

Les praticiens ont apporté une aide extraordinaire, montrant toute la force du réseau des vétérinaires sanitaires. Ils nous ont fait remonter des informations essentielles pour notre enquête, ont relayé les informations auprès de la population et, bien sûr, ont permis de détecter précocement ce cas de rage. Ils ont, par ailleurs, mis à disposition leurs locaux et appui technique, parfois en pleine nuit, lors de capture d’animaux errants.

Quelles sont les poursuites engagées contre les propriétaires ?

Ils font l’objet d’une enquête judiciaire pour mise en danger de la vie d’autrui. Ils ne pouvaient en effet ignorer que leur animal représentait un danger, avec la violation de la mise sous surveillance dont il faisait l’objet au moment des faits. En outre, ils ont fait obstruction lors des auditions administratives, ne voulant pas reconnaître que l’animal était entré en contact avec des personnes – dont des enfants en bas âge qui ne peuvent témoigner s’ils ont été griffés – et qu’il était parfois en liberté.

Les contrôles aux aéroports et aux frontières sont régulièrement pointés du doigt lors de cas de rage autochtones. Comment y remédier ?

La DGAL vient d’envoyer un courrier aux douanes et aux autorités algériennes pour rappeler l’ensemble des contrôles exigés lors d’importation d’un animal. Pour en revenir à Sultan, il avait été contrôlé à son arrivée au port d’Alger ! Un autre cas s’est présenté peu de temps après dans le département, avec un débarquement sans difficulté en France, malgré des exigences non remplies, depuis l’Algérie.

  • 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1632 du 29/5/2015, page 13.

  • 2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1633 du 5/6/2015, page 19.

  • 3 À la suite de l’enquête épidémiologique, 25 personnes ont suivi le protocole de vaccination préventive. Un chien et deux chats errants ont été euthanasiés et huit animaux sont placés sous surveillance sanitaire pendant six mois.

UN CHIEN AU PARCOURS CHAOTIQUE

Sultan, né en novembre 2014, est illégalement introduit en France depuis la Hongrie le mois suivant. Après une visite “mordeur” chez le vétérinaire, en janvier 2015, il est placé sous contrôle officiel pendant six mois (visites mensuelles). Du 21 avril au 7 mai, il séjourne en Algérie. Le 16 mai, il mord le chien d’un voisin et son maître, qui voulait les séparer, puis est emmené chez le vétérinaire, où il mord une nouvelle fois le cousin du propriétaire. Il est placé en isolement et meurt dans la nuit du 17 au 18 mai. La rage est confirmée le 21 mai (virus de type Africa 1, souche dominante Alger).

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