Réaction de Jarisch-Herxheimer lors de maladie de Lyme - La Semaine Vétérinaire n° 1637 du 03/07/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1637 du 03/07/2015

CAS CLINIQUE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Éric de Vaulx

Fonctions : Praticien à Plélan-le-Grand
(Ille-et-Vilaine).

Un vétérinaire de la clinique est appelé le 8 mai sur le service de garde pour une vache en décubitus ayant vêlé depuis plus de 100 jours. L’éleveur conduit un troupeau de 80 vaches laitières prim’holstein, qui reçoit une ration semi-complète à base d’ensilage de maïs corrigé (deux tiers) et d’herbe pâturée (un tiers), et un complément minéral de haute qualité (300 g par jour toute l’année).

Examen clinique initial

À l’examen clinique, la température rectale de la vache est de 38,2 °C. Elle ne manifeste aucun symptôme ou signe clinique autre que le décubitus. Aux dires de l’éleveur, sa production de lait est passée de 45 litres à une vingtaine en 48 heures. Les analyses biochimiques effectuées à la clinique révèlent une hypocalcémie (48 mg/l) et une hypokaliémie (2,8 nmol/l).

La vache reçoit alors par voie intraveineuse 500 ml d’un soluté magnésium-calcium-glucose (respectivement 28 mg, 28 mg et 48 mg par ml) et par voie orale un bolus de potassium (50 g) et un bolus de calcium (43 g) à renouveler au bout de 12 heures. Elle se relève 2 heures après la perfusion.

Deuxième visite

L’éleveur rappelle 10 jours plus tard. Il lui semble en effet que la vache ne remonte ni en appétit ni en lait, et que son état général n’est pas satisfaisant. À l’examen clinique, l’animal est légèrement météorisé, la panse est au repos et l’abdomen relâché, en forme de poire. La température rectale est toujours de 38,2 °C. Le test au glutaraldéhyde se révélant négatif (coagulation au bout de 8 minutes), l’hypothèse d’un abcès est écartée. Les analyses sanguines indiquent une calcémie en limite inférieure à 79 mg/l.

La vache reçoit un aimant et un soluté hépatoprotecteur (Energhepa®) par voie intraveineuse. Des sachets de Rumigastryl® (noix vomique) et du Lysabion® (précurseur de glucose) sont prescrits pour un traitement par voie orale pendant 3 jours.

Suspicion de maladie de Lyme

Je reprends contact avec l’éleveur 48 heures plus tard. Le traitement n’a rien changé, la vache donne 3 litres de lait en moyenne par traite. Une nouvelle consultation révèle un animal qui a beaucoup maigri et dont la panse est toujours ballonnée. L’éleveur décrit « une vache très fatiguée », avec un appétit et une rumination diminués. Devant ces symptômes diffus dominés par une fatigue intense de l’animal, une suspicion de maladie de Lyme est émise, et une prise de sang effectuée pour recherche sérologique. Sans attendre les résultats, un nouveau traitement composé de 5 g de ceftiofur retard est administré au niveau du gras de l’oreille.

Selon le laboratoire C.A.L., l’analyse sérologique des IgM et des IgG par immunofluorescence indirecte se révèle positive à une dilution de 1/320e. La clinique retient avec ce laboratoire une positivité à partir de 1/80e (l’école vétérinaire d’Alfort retient 1/200e, dilution qui correspond au 1/160e du laboratoire), interprétation à coupler bien entendu avec les symptômes.

Réaction après traitement

Une visite de contrôle est effectuée le 27 mai, soit 7 jours après le traitement antibiotique. La vache rumine et semble en forme. En revanche, l’éleveur indique que dans les 48 heures qui ont suivi l’injection de ceftiofur, l’animal a présenté des symptômes d’apathie, d’anorexie, d’arumination complète, de rumen ballonné, et semblait « prêt à mourir ». L’appétit est ensuite reparti spontanément, et la vache produit maintenant une quinzaine de litres par jour.

Malgré la réaction de l’animal, une deuxième injection de ceftiofur est effectuée, afin de tenter un traitement complet de 3 semaines, avec une injection par semaine. Dans les jours qui suivent l’injection, la réponse de l’animal est la même que la première fois : apathie, anorexie, arumination, agalaxie, légère météorisation, abdomen en forme de poire. Sur ma prescription, l’éleveur lui injecte 40 mg de dexaméthasone (phosphate sodique), ce qui ne change rien à son état. Le quatrième jour, la vache est bousculée par une autre et se retrouve en décubitus. Sortie sur l’herbe, elle met 3 jours à se relever. L’appétit repart ensuite, l’animal reste à l’herbe, et l’éleveur choisit de ne plus la traire. D’un commun accord, nous renonçons à la troisième injection de ceftiofur.

Discussion

Le cas clinique décrit ici est une réaction de Jarisch-Herxheimer, qui est une exacerbation des symptômes de la maladie après un traitement. Elle a été décrite initialement chez l’homme après un traitement contre la syphilis, mais s’observe aussi pour la maladie de Lyme, les leptospiroses, la brucellose, la coxiellose, les bartonelloses et les trichinoses. Ici, les symptômes ont augmenté dans les jours suivant le traitement antibiotique : apathie, anorexie, arumination complètes. Cette réaction, différente d’une allergie au médicament, semble due à une libération de toxines par les bactéries soumises à l’antibiotique. Elle n’est pas systématique et doit, en fonction de sa gravité, orienter vers un changement de traitement ou son arrêt complet. Ici, la décision de poursuivre le traitement après la première injection a été prise au vu de son efficacité (remontée en lait), et cela malgré la forte réaction de l’animal. Plus forte que la première, la deuxième réaction a cependant convaincu qu’il convenait de cesser le traitement.

Expression clinique de la maladie de Lyme chez les bovins

La maladie de Lyme chez les bovins est difficile à cerner, par la diversité des symptômes possibles ou au contraire par l’absence de signes pathognomoniques, mis à part une grande fatigue ou une anorexie-agalaxie (syndrome cétose-like). La maladie peut s’exprimer individuellement, comme dans le cas présenté ou sur un animal acheté, sans immunité de prémunition. Le cas d’une situation épizootique, après une rupture d’immunité dans un élevage due à la présence de mycotoxines en quantités importantes dans l’ensilage de maïs, a également pu être observé. Plusieurs vaches ont présenté les symptômes suivants (seuls ou associés) : gros pâturons, abcès au niveau des cuisses ou des apophyses vertébrales, arthrites du jarret ou du grasset, phases d’hyperthermie avec anorexie-agalaxie, poil sec, démarche raide, fatigue chronique, hémoptysie, uvéite (“œil rouge”), dépilations autour des orbites. Certaines ont évolué vers un décubitus, suivi de la mort ou de l’euthanasie. Un sondage sérologique sur 10 vaches ayant présenté des symptômes depuis quelques mois a donné les résultats suivants : 5 positives au 1/360e et 5 autres au 1/160e. L’apport de capteurs spécifiques de mycotoxines a permis de limiter l’expression clinique de la maladie.

Bibliographie

  • • Horowitz R. Soigner Lyme et les maladies chroniques inexpliquées. Thierry Souccar Éditions, Vergèze. 2014.
  • • Joncour G. Borréliose de Lyme chez les bovins, dans Maladies vectorisées par les tiques. Rencontres de Belle-Île-en-Mer, One Health, GTV Bretagne. 2015:53-58.
  • • Massé-Morel G. Maladie de Lyme chez les bovins : contribution au diagnostic sérologique. Thèse pour le doctorat vétérinaire, 2006, Alfort.
  • • Vandenbroucke X. La maladie de Lyme chez les bovins : enquête séro-épidémiologique dans l’est de la France. Thèse de doctorat vétérinaire, 2004, Alfort.
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