« L’éthique vétérinaire peut contribuer à limiter le mal-être professionnel »

Comment se définit l’éthique ?

L’éthique peut être synonyme de morale mais il existe une différence entre les deux : la première est réflexive, tandis que la seconde est normative, car elle constitue un ensemble de règles, de principes, de préceptes et de normes. L’éthique est une branche de la philosophie morale qui consiste à étudier comment agir et être de la façon la meilleure pour l’homme et le monde en général.

L’éthique est donc une discipline à part entière (elle peut, en outre, permettre de faire évoluer la morale et la législation). Elle s’applique à divers domaines : les affaires, l’environnement, la médecine, etc. Dans ce dernier cas, elle éclaire la prise de décision dans différents contextes (soins infirmiers, néonatalogie, pédiatrie, gériatrie, oncologie, soins intensifs, fin de vie, biologie de la reproduction, etc.), mais aussi la pratique quotidienne dans toutes les spécialités et en médecine générale. Dans notre profession, cette méthode réflexive aide le vétérinaire confronté à n’importe quel cas clinique à prendre la meilleure décision en répondant au mieux à ses divers devoirs moraux (devoirs envers l’animal, son propriétaire, la société, l’environnement et lui-même), lesquels entrent parfois en conflit.

De quelle façon l’éthique médicale est-elle abordée dans le cursus vétérinaire ?

Cet enseignement est extrêmement récent dans notre formation.

Les premières publications sur l’éthique vétérinaire remontent aux années 1970-1980 et ont été écrites par des philosophes. En matière d’enseignement, certains établissements américains ont été pionniers dans les années 1980-1990.

En Europe, la directive 2005/36/UE instaure l’éthique au rang de discipline de base obligatoire : les vétérinaires doivent donc connaître toutes leurs responsabilités éthiques. Néanmoins, le texte ne fournit pas d’indication en termes de formation. Cette dernière peut être soit identifiée en tant que telle, soit imbriquée dans un ensemble d’enseignements de façon saupoudrée. En France, VetAgro Sup est le seul établissement à proposer un cursus d’éthique vétérinaire identifié (encadré). J’ai, par ailleurs, mené une enquête en Europe pour savoir ce qu’il en est de l’enseignement de l’éthique vétérinaire dans les autres pays de l’Union : j’ai constaté de très grandes variations et l’avance des pays nordiques sur le reste du continent.

L’éthique vétérinaire améliore donc les conditions de l’exercice ?

Bien entendu ! Nos confrères sont parfois soumis à un stress moral délétère. L’éthique vétérinaire peut contribuer à limiter le mal-être professionnel et à rendre le travail plus satisfaisant pour les confrères. Ceux-ci sont souvent écartelés entre leur devoir moral envers l’animal et celui envers le propriétaire (sans compter leur devoir moral envers eux-mêmes). L’éthique vétérinaire est encore plus complexe que l’éthique médicale – laquelle, certains débats médiatisés le prouvent, est pourtant déjà une discipline difficile. En effet, c’est le propriétaire qui décide des soins à apporter à son animal, qui est sa propriété. En outre, c’est lui qui paie les soins.

En quoi l’éthique vétérinaire est-elle plus complexe que l’éthique médicale ?

La valeur de la vie d’un animal n’est l’objet d’aucun consensus dans notre société. En éthique médicale, le patient et son intérêt priment toujours ; les questions éthiques sont plus prégnantes lorsque le patient ne peut pas parler pour lui-même, lorsqu’il a perdu son “autonomie”, ses capacités d’autodétermination.

Or un animal n’a pas d’autonomie. Ainsi, entre autres, l’absence d’autonomie de l’animal et de consensus sur la valeur de sa vie, le fait qu’il est un objet de propriété (quoiqu’un être sensible) concourent à rendre l’éthique vétérinaire particulièrement ardue.

La reconnaissance du caractère sensible de l’animal par le Code civil représente-t-elle un pas en avant pour l’éthique vétérinaire ?

Malgré cette avancée législative, l’animal reste un bien meuble. En revanche, cette disposition facilitera, pour le vétérinaire, une prise de décision accordant la primauté à l’animal et non à son propriétaire.