Le “vrai” métier d’éleveur, projeté au pays des 1 000 vaches

Par petites touches, la projection du film Même pas mal !, sur la douleur bovine, continue depuis deux ans dans des salles de cinéma indépendant partout en France.

Le public est majoritairement composé d’éleveurs invités par des coopératives, des laiteries, des syndicats agricoles, des semenciers, des établissements de formation, des groupements de défense sanitaire, « en fonction des dynamiques locales ». Les séances sont également ouvertes au public. Après la projection, le débat est ponctué d’anecdotes recueillies en élevage par l’acteur principal du film, Thierry Hetreau, vétérinaire, éleveur, et formateur d’éleveurs en Haute-Savoie, au centre de Poisy¹.

Distorsions entre image et réalité

À Crécy-en-Ponthieu, dans la Somme, la proximité de la ferme dite “des 1 000 vaches”² a ponctué la discussion. « J’aurais voulu entendre les défenseurs des animaux qui condamnent en bloc cette exploitation. Ils ne sont pas venus assister à la projection », constate un éleveur, dont l’élevage laitier compte moins de 100 vaches. Et de poursuivre : « Les 1 000 vaches, c’est une question d’échelle. Il est difficile d’affirmer que les associés n’y travaillent pas comme nous. » « Partout en France, les éleveurs s’interrogent sur l’agrandissement des troupeaux », souligne Thierry Hetreau, et le réalisateur, Patrick Morel, suggère que « l’agriculteur soigne son image et s’ouvre au vouloir du consommateur ».

Ce film, qui montre un quotidien bien connu du vétérinaire en rurale, pourra-t-il être projeté au grand public ? L’auteur en est convaincu, contrairement à la majorité des éleveurs présents, et d’autres intervenants en élevage, issus de la coopérative Unéal, partenaire de la projection de ce film dans les régions Nord-Pas-de Calais et Picardie. Leur opinion est motivée par le fait que des notions compliquées sont abordées dans le documentaire et qu’aujourd’hui, toute image de l’élevage doit être accompagnée d’explications, sinon des actes tels que la simple fouille d’une vache, l’écornage d’un veau ou une mise bas languissante peuvent faire peur au public. Dans le film, le philosophe Jean-Luc Guichet, d’origine picarde également, s’envole sur la diversité des conceptions de l’animal, dans l’espace et dans le temps, jus?qu’aux extrémismes anglo-saxons de la protection animale. Dans la salle, une femme d’éleveur ramène le débat au sol : « Une vache qui souffre nous coûte de l’argent, en définitive. On fait donc le nécessaire pour soulager sa douleur. Nos amis qui ne connaissent pas le monde de l’élevage savent cependant bien comment nous travaillons ». Même pas peur.

• 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1577 du 21/3/2014, pages 34 à 37.

• 2 Voir aussi http://bit.ly/1zeFbUD.