La prévention, un usage de l’antibiothérapie à proscrire - La Semaine Vétérinaire n° 1632 du 29/05/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1632 du 29/05/2015

ANTIBIOTIQUES

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ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Stephanie Padiolleau

La prévention de maladies par l’utilisation d’antibiotiques est une pratique destinée à disparaître. Le recours à la métaphylaxie dans les lots d’animaux sera encadré.

C’est désormais un rendez-vous récurrent et qui attire toujours une forte audience : l’atelier ÉcoAntibio 2017 était de nouveau organisé dans le cadre des journées nationales des groupements techniques vétérinaires (JNGTV) et sera également présenté durant les congrès de l’Afvac et de l’Avef1. L’accent est mis cette année sur une pratique en voie de disparition, l’antibioprévention, et une autre en devenir, la métaphylaxie. La baisse de la consommation d’antibiotiques observée dans les filières cunicole et porcine, présentées respectivement par Samuel Boucher et Arnaud Lebret (SNGTV), s’explique par une prise de conscience de ces filières, qui s’est traduite par un audit et une charte interprofessionnelle de bonne maîtrise sanitaire dans le cas de l’élevage de lapins, et un moratoire sur les céphalosporines de 3e et 4e générations en production porcine.

Disparition d’un usage préventif des antibiotiques

En santé animale, la prévention est définie comme « l’administration d’un médicament vétérinaire à des animaux sains dans le but de prévenir une infection lorsque le risque infectieux est très élevé et que les conséquences sont sévères », explique Nathalie Bridoux (ANMV-Anses2). Le rapport de l’Anses publié en avril 2014 sur « l’évaluation des risques d’émergence d’antibiorésistances liées aux modes d’utilisation des antibiotiques en santé animale », classe les modalités d’utilisation des antibiotiques, par espèces et types de production, en plusieurs groupes : celles qui ne présentent pas de dangers particuliers, celles qui seront encadrées (soit selon des lignes directrices, soit par voie réglementaire) et celles qui doivent être abandonnées. Dans cette dernière catégorie figure l’antibioprévention, pour laquelle la balance bénéfices/risques est défavorable. Des cas particuliers sont admis, notamment en fonction de facteurs économiques et pour le maintien des qualifications sanitaires nationales, indispensables pour le commerce extérieur. À la question relative aux exigences de la Turquie, qui demande que les animaux qui y sont exportés reçoivent une antibioprophylaxie, la réponse de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), par la voix d’Olivier Debaere, ne convainc pas tout à fait : pour être cohérents, les mêmes critères de santé publique devraient s’appliquer aux animaux qui demeurent à l’intérieur du pays et à ceux qui y entrent ou en sortent. Force est de constater que les exigences du commerce n’y sont pas toujours compatibles.

Pas d’antibioprévention en médecine humaine

En médecine humaine, le concept d’antibioprévention n’existe pas tel qu’il a pu être envisagé en médecine vétérinaire. Il est question d’antibioprophylaxie, déterminée dans des conditions bien précises et strictement encadrées :

– antibioprophylaxie postexposition après un contact avec l’agent infectieux. Par exemple, quand il y a un cas d’infection invasive à méningocoques, une prophylaxie est administrée à l’entourage, dans ce cas à base de rifampicine pendant 48 heures ;

– antibioprophylaxie chirurgicale, avant la contamination et en présence d’un risque déterminé. Il s’agit en général d’une administration “one shot” au moment de l’incision. Le risque est déterminé par le score NNIS (national nosocomial infection surveillance), d’après un score attribué au patient (de 1, patient n’ayant pas d’affection autre que celle nécessitant l’acte chirurgical, à 5, patient moribond) et celui attribué à la chirurgie ;

– antibioprophylaxie des infections opportunistes chez les patients présentant un déficit immunitaire.

Le Dr Boutoille (centre hospitalier universitaire de Nantes) insiste sur le fait que, s’il n’existe pas d’antibioprévention, des usages inappropriés sont malheureusement toujours constatés, comme la prescription d’antibiotiques associée à des soins dentaires (une pratique encadrée et normalement réservée à des cas bien particuliers, tels que des antécédents d’endocardites infectieuses) ou dans le traitement des angines virales.

La métaphylaxie, une pratique d’avenir ?

Au niveau européen, les lignes directrices appliquées dans les dossiers d’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM) et les résumés des caractéristiques des produits (RCP) évoluent, dans un effort d’harmonisation. Aux Pays-Bas, le mot prévention a déjà été supprimé des RCP de tous les antibiotiques. La mention “traitement et prévention en milieu infecté” sera progressivement remplacée par “traitement et métaphylaxie”, une expression plus appropriée et qui exclut l’utilisation d’antibiotiques en prophylaxie. La métaphylaxie est définie comme l’administration d’un traitement à un ou des animaux cliniquement sains dans un groupe où des animaux présentent des signes cliniques de maladie contagieuse. Elle est toujours associée à un traitement des animaux malades.

Le recours à la métaphylaxie était illustré par Sébastien Assié (Oniris), dans l’exemple des infections respiratoires des jeunes bovins en lots. La difficulté est de déterminer à partir de quels seuils et sur quels critères la décision doit se prendre. Les seuils de 10 % d’animaux cliniquement malades, avec plus de 5 % de nouveaux malades par jour, sont retenus en Amérique du Nord pour l’administration de traitements métaphylactiques. En petits effectifs, ces seuils ne sont pas adaptés. Selon lui, un traitement collectif métaphylactique ne devrait s’envisager que lorsque le risque de diffusion des bactéries dans le lot est important, et que l’implication de ces bactéries est confirmée, en fonction du nombre d’animaux malades mais aussi des antécédents de troubles collectifs. Le traitement individuel des animaux malades, avec une détection aussi précoce que possible, demeure la situation idéale, associée à un suivi des autres animaux du même lot (prise de température). Des recherches évaluent la possibilité de diminuer la dose d’antibiotiques pouvant être administrée lors de détection très précoce de la maladie, quand la charge bactérienne est faible. Mais ce ne sont là que des recherches, validées dans les modèles expérimentaux, et qui ne peuvent être appliquées sur le terrain où, justement, la précocité de la détection est encore insuffisante.

  • 1 Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie et Association vétérinaire équine française.

  • 2 Agence nationale du médicament vétérinaire au sein de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

VÉTÉRINAIRE RÉFÉRENT EN ANTIBIOTHÉRAPIE : BIENTÔT LA PHASE PILOTE

La mise en place des vétérinaires référents en antibiothérapie se fera à partir de 2016 en France, avec une phase pilote de deux ans menée dans quatre régions. Olivier Debaere (DGAL) indique qu’il s’agira a priori des quatre régions où sont situées les écoles vétérinaires. Un praticien référent sera désigné après un appel d’offres et sera ensuite à la disponibilité de tous les confrères pour répondre à leurs questions concernant l’antibiothérapie chez toutes les espèces animales. Il sera épaulé par un collège d’experts (microbiologistes, pharmacologistes et vétérinaires de terrain possédant une expertise dans plusieurs domaines). Le vétérinaire référent sera en lien avec les autorités en santés animale et humaine, et avec le référent antibiotique en médecine humaine.

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