MISSIONS SANITAIRES : UNE PRISE EN CHARGE À VALORISER - La Semaine Vétérinaire n° 1627 du 24/04/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1627 du 24/04/2015

Dossier

Auteur(s) : Serge Trouillet

La libéralisation, en cours, des missions de santé publique vétérinaire répond à un objectif d’économie de l’État. Si cet allégement du poids de l’administration peut soulever des interrogations, il induit un renforcement du rôle et de la reconnaissance de la profession vétérinaire libérale dans le maillage sanitaire sur notre territoire. Les praticiens de terrain s’en réjouissent. La contrepartie financière assortie à ces missions est cependant loin d’être satisfaisante.

Toutes les activités du praticien libéral n’exigent pas d’avoir une habilitation sanitaire. Cependant, du fait des missions qui lui sont confiées en médecine vétérinaire rurale, il lui serait difficile de s’en passer. Aussi la législation actuelle impose-t-elle à l’éleveur de choisir un ou plusieurs vétérinaires sanitaires, ce qui peut correspondre à la désignation d’un domicile professionnel d’exercice (DPE) lorsque tous les praticiens sont habilités dans cette structure. En médecine canine, la désignation reste plutôt personnalisée. Les trois missions essentielles du vétérinaire sanitaire canin que sont la certification de la vaccination contre la rage, l’établissement de passeports et la surveillance des animaux mordeurs, supposent en effet la délivrance d’attestations nominatives.

La police sanitaire relève des missions régaliennes de l’État. Pour autant, les échanges avec l’Ordre des vétérinaires sont réguliers. Celui-ci, par exemple, est associé au début de chaque saison aux conventions qui fixent les modalités de réalisation des prophylaxies. Dans son Code de déontologie, il fait référence aux missions de service public. « En confiant à notre profession certaines missions de santé publique vétérinaire, l’État a une garantie, par le biais de notre déontologie, que les confrères vont effectuer celles-ci dans le respect des obligations qui leur sont assignées, et qu’ils agissent en toute indépendance. C’est ce qui explique pourquoi cette politique sanitaire est aussi efficace depuis des décennies », observe Éric Sannier, membre du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires.

Un maillage sanitaire bon marché

Les missions de police sanitaire en zone rurale n’ont plus, aujourd’hui, l’impact qu’elles pouvaient avoir sur l’activité. L’époque n’est pas si lointaine où les prophylaxies contre la tuberculose, la brucellose et la fièvre aphteuse pouvaient représenter jusqu’au tiers voire parfois la moitié du chiffre d’affaires d’un cabinet. Lors de l’achat d’une clientèle, il suffisait alors d’évaluer le nombre de bovins en prophylaxie pour se garantir un certain revenu annuel. Ce temps est révolu. Sur le plan sanitaire, on ne peut que s’en féliciter. Rien ne justifie de continuer à faire des dépistages et des vaccinations systématiques et généralisés lorsqu’une maladie ne circule plus.

« Mais alors, que l’État ne revendique plus, dans ces conditions, d’avoir à disposition ce maillage sanitaire ! », tonne Philippe Grunwald (A 83), praticien à Évron dans la Mayenne. L’argument est en effet mis en avant lors des crises, comme celles de la vache folle et de la fièvre aphteuse, pour rassurer les populations. « Ce maillage sanitaire est assuré sur le terrain par les vétérinaires, poursuit-il. En cas de suspicion de fièvre aphteuse, par exemple, nous avons l’obligation de le déclarer à l’État : nous sommes donc à sa disposition 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365, mais sans rémunération. Aujourd’hui, nous sommes appelés au coup par coup, pour des missions sanitaires, comme cela se fait avec un plombier, cependant nous ne sommes pas rémunérés comme lui… Loin s’en faut ! Aussi, oui au maillage sanitaire, bien sûr, mais avec une juste rémunération ! »

De piètres indemnités de déplacement

Dans les Alpes-Maritimes, c’est le département qui apporte une aide financière aux vétérinaires qui assurent le maillage sanitaire dans les zones désertées de montagne. Quatre d’entre eux, dont les clientèles rayonnent jusqu’à 80 km dans ces territoires, bénéficient d’une attribution de 1 000 € hors taxes par mois, sur l’année. Historiquement, en effet, aucune indemnité de déplacement pour les prophylaxies n’est demandée par ces praticiens aux éleveurs, en raison de leurs revenus modestes et de leur éloignement. « Même les tournées collectives, du fait de la dispersion des élevages, ne sont pas rentables. Cette indemnité est donc la bienvenue, mais elle n’a pas été réévaluée depuis dix ans : elle ne suffit pas à couvrir les frais de déplacement, encore moins à rétribuer un vétérinaire échelon 3 en astreinte », constate Véronique Luddeni (T 92), praticienne mixte à Saint-Martin-Vésubie.

Peter Cappelle (Gand 96), praticien mixte à Chauny, dans l’Aisne, se souvient que les missions sanitaires, lors de ses débuts il y a une vingtaine d’années, étaient plus profitables qu’elles ne le sont aujourd’hui. « Pour les prophylaxies, le prix du déplacement au kilomètre a été divisé par deux depuis quelques années. Quant aux visites sanitaires bovines (VSB), nous en effectuons dorénavant deux fois plus pour le même tarif, et nos frais de déplacement ne sont pas pris en compte. » Peter Cappelle suggère également que les VSB, qui ne peuvent pas commencer avant la fin du mois de février parce que les formulaires correspondants ne sont pas encore imprimés, puissent être réalisées en même temps que les prophylaxies, entre décembre et avril. « Cela nous éviterait bien des déplacements redondants ! », regrette-t-il.

Une extension du mandatement bienvenue

Quand Sylvain Decarpentrie (T 93), praticien mixte, s’est installé à Issoire, dans le Puy-de-Dôme, il y a dix-huit ans, la prophylaxie représentait environ 20 % du chiffre d’affaires de son cabinet. Aujourd’hui, elle ne compte pas pour plus de 5 ou 6 %. « La contrainte provient du fait que nous sommes seuls sur le terrain pour ces missions. Nos étendues d’action s’accroissent toujours davantage, jusqu’à 70 km, avec de piètres frais de déplacement (0,35 €/km), tant en police sanitaire que pour le compte des éleveurs ! Nous travaillons à perte et le maillage sanitaire s’en trouve menacé. »

Notre confrère puydômois se réjouit en conséquence de la remise du vétérinaire au centre de la politique sanitaire, par le biais du mandatement. Il souhaite que celui-ci puisse être étendu aux expertises en bien-être animal, aux audits sur des productions primaires comme les fromages, et qu’il soit valorisé suffisamment pour ne pas affaiblir le maillage sanitaire. Un appel à candidatures est lancé dans son département pour les dangers sanitaires liés aux maladies apicoles. Il s’engage. « J’ignore s’il y aura du travail mais je me sens concerné. La filière apicole est dévastée par des mortalités terribles. Il me semble naturel de s’y impliquer, même si l’investissement dans la formation à Oniris, longue (5 semaines) et coûteuse (2 000 €), ne sera pas forcément payé en retour. »

Des vétérinaires officiels de moins en moins nombreux

L’extension du mandatement des vétérinaires sanitaires est, sans conteste, une chance pour les praticiens libéraux. Certaines missions, jusque-là réservées aux vétérinaires contractuels opérant au sein des directions départementales, vont être progressivement libéralisées. Cela concerne la certification des échanges intracommunautaires d’animaux vivants ou de leurs embryons, ovules, semence, en filière bovine, ovine, caprine et équine. Cela sera sans doute le cas aussi en matière de surveillance sanitaire, dans les abattoirs des élevages industriels. Aujourd’hui, l’inspection est encore assurée par des vétérinaires officiels, de façon soit permanente pour les bovins et les ovins, soit secondaire en volaille.

Demain, vraisemblablement, tous les contrôles seront délégués aux services qualité des entreprises, et les vétérinaires mandatés auront la charge de veiller, par sondage, à la sécurité sanitaire des produits destinés à la consommation. Cette démarche de responsabilisation et d’économie est-elle compatible avec le risque sanitaire zéro, tant mis en avant dans notre société contemporaine ? « La question est de savoir si chacun jouera le jeu. Car les autorités de contrôle, qui rassurent notamment les auditeurs étrangers, seront moins présentes dans les abattoirs. Même sans volonté de contournement des règles, les dérives peuvent toujours s’installer », fait valoir Hélène Franceschina (N 98), praticienne en élevage industriel à Moréac, dans le Morbihan, ancienne contractuelle de l’État.

Difficile de se faire rémunérer au juste prix

Les missions sanitaires sont également nombreuses pour les praticiens canins. Elles concernent la vaccination antirabique pour un certain nombre de chiens (incluant ceux de 1re et 2e catégories, chiens en partance pour l’étranger ou à destination de la Guyane), toutes les visites lors de rassemblements canins (concours, expositions, ventes de chiots) où doivent être contrôlés l’identification, le bon état général des animaux et des structures qui les accueillent. Il faut également être vétérinaire sanitaire pour effectuer les visites d’élevage canin, celles d’animaux mordeurs, afin de vérifier que l’animal n’a pas transmis la rage au moment de la blessure, etc.

Pour ces praticiens également, ces missions ne présentent pas un grand intérêt économique : « Toutes les visites sanitaires, qu’elles soient pour les expositions, les manifestations canines ou chez les éleveurs, sont chronophages. Et comme la charge revenant à ceux qui nous sollicitent est loin d’être neutre pour eux, nous ne pouvons pas raisonnablement nous faire rémunérer au prix qui conviendrait, si l’on compare au taux horaire pratiqué ordinairement dans une structure vétérinaire », confie Alexandre Balzer (T 03), praticien canin à Bellerive-sur-Allier, dans l’Allier.

Fin de la “cocertification” 1er janvier 2016

Une instruction technique de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), du 4 mars 2015, dévoile le dispositif qui permettra de mandater des vétérinaires sanitaires, pour la réalisation des opérations de certification officielle pour les échanges intracommunautaires d’animaux vivants ou de leurs embryons, ovules, semence, en filière bovine, ovine, caprine et équine. Il sera mis en place en 2015-2016. Il a pour objectif principal de mettre fin à la procédure de cocertification (dite procédure alternative) au 1er janvier 2016. Les vétérinaires mandatés auront la qualité de vétérinaires officiels privés (VOP), au sens de la réglementation européenne en matière d’échanges d’animaux vivants. Ils pourront établir et signer des certificats sanitaires au même titre que les vétérinaires des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).

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