LA SANTÉ ANIMALE : UN AUTRE DÉFI POUR L’ÉGYPTE - La Semaine Vétérinaire n° 1624 du 03/04/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1624 du 03/04/2015

Reportage

Comme le rappellent des professionnels voués à sa cause en Égypte, la santé des animaux revêt un intérêt majeur pour les élevages et les besoins alimentaires du pays. Voyage sur des terres fertiles en progrès et en idées dans ce domaine, mais où du chemin reste à faire.

La population d’Égypte représente 85 millions d’habitants répartis sur seulement 6 % de son territoire1. L’explosion démographique confronte notamment le pays aux difficultés d’ordre alimentaire. L’inflation rend les ménages les plus pauvres particulièrement vulnérables. La viande n’a pas été épargnée par la hausse des prix, entraînant une diminution de la consommation des produits d’origine animale chez les plus démunis2.

Mohammad Rafaie, vétérinaire et spécialiste en sécurité alimentaire, livre son sentiment sur la situation : « Nous faisons face à un énorme défi. Les connaissances et l’attention portée à la sécurité alimentaire ne sont pas encore parfaites, mais les unités gouvernementales commencent à construire de nouvelles alternatives. J’espère dans le futur que la sécurité alimentaire aura cette vision transdisciplinaire réunie en une seule organisation forte. »

L’élevage a pour défi de produire une quantité suffisante de produits issus d’animaux et de développer une stratégie répondant au manque d’économie d’échelle, notamment concernant les buffles et les bovins. D’autres alternatives, tel le programme Agricultural Exports and Rural Income (Aeri), sont nées pour améliorer l’efficience des petits producteurs3. Une attention particulière a été portée à l’élevage de volaille et à la production d’œufs, qui restent la source principale de protéines en Égypte. Depuis les années 1960, la filière avicole s’est fortement intensifiée, permettant une augmentation de la production de près de 800 %4.

Cependant, l’élevage dans le pays a été frappé par un certain nombre de maladies qui ont impacté la disponibilité et le prix des produits. La santé animale est un des éléments clé du défi alimentaire et attire de plus en plus l’attention des responsables. Soheir Hassan Abdelkader, secrétaire générale à l’Organisation gouvernementale des services vétérinaires, et Heba Sohby, vétérinaire et épidémiologiste, dressent un état des lieux de la situation en Égypte.

Quelles sont les difficultés et l’évolution que vous avez rencontrées dans votre profession en Égypte ?

Soheir Hassan Abdelkader : Le travail autour de la santé animale est maintenant mieux organisé. Chaque équipe coordonne une étape clé du processus. Il existe une équipe en charge des bases de données qui nous permet une utilisation plus efficace des informations. Des plans concrets ont été conçus, à partir d’analyses de risques. Des équipes formées aux situations d’urgences sont maintenant capables d’agir plus efficacement en cas de foyer de grippe aviaire. La collaboration avec les organisations internationales a été l’occasion d’un échange d’expériences, notamment pour la fièvre aphteuse, où des équipes étaient présentes sur le terrain. Les échanges devraient s’organiser de manière plus pratique et se baser, pour une meilleure efficience, sur les besoins du pays et le contexte précis dans lequel les problèmes de santé animale existent.

Heba Sohby : Bien souvent les personnes qui n’ont pas une connaissance profonde de l’élevage ne comprennent pas complètement la valeur de notre mission pour la santé publique. Le virus Avian influenza, qui a sévi en Égypte, a transformé un peu l’approche de la santé animale. Un lien s’est créé entre la santé des volailles et l’épidémiologie, pour une vision plus globale. L’importance de l’épidémiologie est maintenant mise en valeur. Alors que l’unité d’épidémiologie ne constituait qu’un petit groupe de personnes réuni au niveau central des services vétérinaires, il existe maintenant des unités dans chaque district. Même si la communication entre le niveau central et les districts peut probablement encore être améliorée, l’implication de l’épidémiologie a été l’occasion de collecter différemment les informations au cœur d’un problème de santé animale pour formuler ensuite des solutions.

Comment abordez-vous les recommandations qui émanent des différentes études scientifiques et leur mise en œuvre ?

S. H. A. : L’adoption de nouvelles mesures implique souvent un changement de comportement au sein de la population et nécessite de la convaincre de leur importance. Nous faisons face à cette difficulté, notamment dans les élevages de non-professionnels, pour lesquels il est difficile de communiquer sur des mesures qui demandent d’investir de l’argent. La mise en œuvre des recommandations qui émanent de la recherche est un projet à long terme pour lequel il faut créer un chemin vers le changement. Les outils classiques, tels que les réunions d’information, sont peu efficaces dans ce contexte. Le chemin de la transformation appel à une forme de communication plus originale.

H. S. : Chaque nouvelle visite sur le terrain est un nouveau challenge. Une certaine implication du secteur privé pourrait être un plus. Nous avons vu des changements s’opérer ces dernières années, dans le secteur de la volaille notamment, du point de vue de la biosécurité qui est un point important du contrôle des maladies. Cependant ces évolutions sont encore très discordantes et beaucoup de fantasmes subsistent autour de la grippe aviaire. Les personnes en charge de la santé animale, et inconnues des éleveurs à qui ils s’adressent, ont une position difficile pour communiquer sur les changements à initier. Celle des vétérinaires du secteur privé est plus adaptée à une communication efficace.

En quoi la situation politique des dernières années a-t-elle été problématique pour la santé animale ?

S. H. A. : Beaucoup de projets ont été reportés ou tout simplement annulés. Nous avons dû faire face à l’augmentation des mouvements illégaux d’animaux, notamment entre l’Égypte et d’autres pays qui connaissent également des désordres sur le plan politique. Ces agissements existent toujours, mais l’État a mis en place les mesures nécessaires pour les empêcher. La situation commence à être nettement meilleure.

Quels sont vos espoirs pour le futur ?

H. S. : Certaines menaces pour la santé publique en Égypte doivent être considérées comme des dangers potentiels pour les pays voisins. J’espère que la coopération avec les organisations internationales sera de plus en plus solide. Je souhaite aussi que cette collaboration devienne plus pratique et basée sur des échanges d’expériences par rapport aux situations rencontrées sur le terrain.

S. H. A. : J’espère mettre en place un programme de surveillance épidémiologique avec un meilleur pouvoir de prédiction et des moyens de diagnostic plus rapide. Je souhaite également que la population se sente davantage concernée par la santé animale pour se protéger elle-même et pour préserver nos ressources en protéines animales.

J’aimerais qu’une réflexion profonde s’opère pour répondre à cette problématique : comment étendre la question de la santé au sein de la communauté ? Cette question ne se pose pas qu’au niveau de la population, mais également au niveau politique, pour le ministère de l’Agriculture, directement concerné par les problèmes de santé animale, et les ministères qui le sont indirectement. J’attends avec impatience le jour où j’entendrais le président parler avec la plus grande conviction de l’importance de la santé animale dans notre vie à tous.

  • 1 Données de la Central Agency for Public Mobilization and Statistics (Capmas).

  • 2 The Egyptian cabinet information et The Decision Food Center, 2013, Egyptian Food Observatory, Food Monitoring and Evaluation System Quarterly Bulletin 11 of january-march 2013

  • 3 http://www.acdivoca.org/site/ID/egyptAERI

  • 4 F.A. Hosny, 2006, The structure and importance of the commercial and village based poultry dystems in Egypt, poultry production system, FAO animal production and health working paper.

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