Valoriser son capital immatériel : mode d’emploi - La Semaine Vétérinaire n° 1622 du 20/03/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1622 du 20/03/2015

Entreprise

Auteur(s) : Françoise Sigot

Ressources humaines, clientèle, organisation, etc. Ces éléments, qui n’apparaissent pas directement au bilan d’une entreprise, sont aujourd’hui pris en compte pour la chiffrer, notamment lors d’une cession.

Rares sont les dirigeants d’entreprise qui ne savent pas reconnaître la valeur d’un bon collaborateur et encore moins celle de clients fidèles. Pourtant, si ces éléments sont en pratique bien identifiés, ils restent de parfaits inconnus dans le bilan de la clinique, donc dans le calcul de la valeur de l’entreprise, lors de cession notamment. Pourtant, ils ne sont pas tout à fait transparents, puisqu’ils pèsent souvent dans les négociations qui s’opèrent entre les acheteurs et les vendeurs. De plus en plus d’acteurs économiques souhaitent, par conséquent, que ces éléments immatériels soient pris en compte et chiffrés, à l’instar des machines ou des bâtiments dont la valeur figure à l’actif du bilan.

Sous l’impulsion de l’État, un premier travail visant à établir des grilles de valorisation a été mené à terme en 2011. « Il propose des méthodes opérationnelles qui permettent de mesurer les actifs immatériels, avec l’objectif, dans un premier temps, de mieux les gérer pour faire progresser la performance des entreprises, et dans un second temps, de les évaluer de façons suffisamment fiables pour servir de base de valorisations et de transactions », assure le ministère des Finances. Sur le terrain, les prises en compte des actifs immatériels restent encore rares, tandis que les enjeux sont de taille. « Pour les cliniques vétérinaires, la valorisation de l’immatériel n’est pas une certitude, mais un pari », reconnaît Delphine Paulet, vétérinaire fondatrice de Vet Consulting.

UNE VALEUR INTUITIVE ET NÉCESSAIRE

Pour autant, si ces éléments ne sont pas toujours traduits en termes de valeur, ils sont tout de même souvent présents dans les esprits. « En règle générale, à l’occasion d’une cession, nous regardons de près les effets induits de cette vente, notamment si le personnel va rester, si le lien entre certains clients et le cédant sont tels qu’une partie de la clientèle peut être perdue, etc., explique Thierry Habran, vétérinaire et dirigeant fondateur du cabinet VetOne. Nous regardons aussi, bien entendu, la localisation de la clinique, son accessibilité, la façon dont elle est desservie en transports collectifs, par exemple. À l’heure de fixer le prix, ce sont autant de paramètres qui influent sur le tarif de vente et qui font pencher la décision de l’acheteur potentiel. »

De fait, même s’il n’apparaît pas dans le bilan, le capital immatériel constitue donc un élément important. À tel point que si un acquéreur estime que la présence de son prédécesseur est un point clé pour le maintien de l’activité de la clinique, il peut négocier une transition de longue durée. D’autres obtiennent un échelonnement de paiement en prenant soin de conditionner le règlement des dernières traites au maintien du niveau d’activité. Dans ces situations, l’enjeu de la valorisation du capital immatériel n’est donc plus à prouver, pour les grandes comme pour les petites entreprises et ce, quelle que soit leur activité.

LE CAPITAL IMMATÉRIEL PREND LE DESSUS

La Banque mondiale estime aujourd’hui que 48 % de la valeur d’une entreprise provient du capital immatériel, quelles que soient la spécialité et la taille de la structure. Autant dire que les cliniques vétérinaires n’échappent pas à la règle. Les faits plaident en faveur de la prise en compte de ces éléments, puisque les entreprises se vendent toujours au-delà ou en deçà de leur valorisation comptable, sans que ces valeurs ne soient aujourd’hui étayées par de véritables outils de mesure. « Environ deux tiers de la valeur d’une petite entreprise sont constitués d’éléments immatériels, affirme Pierre Caillet, dirigeant fondateur du cabinet Ginkyo, spécialiste du capital immatériel. Pour les entreprises cotées, quatre cinquièmes sont évoqués. »

Cette notion ne peut donc plus être ignorée. Une première étape consiste à repérer ces éléments porteurs de valeur et pourtant laissés de côté dans le bilan. « Le capital immatériel est composé d’éléments que possède une entreprise et qui sont source de profits futurs, poursuit Pierre Caillet. Sa prise en compte est donc évidente, puisque valoriser une structure revient à imaginer sa capacité à créer du cash flow futur. »

DES ANALYSES DE PLUS EN PLUS FIABLES

Encore faut-il identifier les éléments immatériels, puis les valoriser. Selon Pierre Caillet, le capital immatériel se définit comme la somme de trois catégories d’actifs :

→ le capital humain composé par les hommes dans l’entreprise (prise en compte des compétences, du savoir-faire, des motivations, de l’expérience, etc.) ;

→ le capital structurel, c’est-à-dire ce qui reste dans l’entreprise lorsque les hommes n’y sont plus, à savoir les systèmes d’information, l’organisation, la gouvernance, la technologie, les méthodes qualité, par exemple ;

→ le capital relationnel, autrement dit la qualité des relations qu’entretient l’entreprise avec ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires, ses actionnaires.

Une fois ces éléments identifiés, les spécialistes du capital immatériel sont capables de mesurer chacun de ces paramètres pour lui donner une valeur. « La réalisation d’un audit précis de ceux-ci permet au repreneur potentiel d’avoir une vision très claire du business potentiel de la structure qu’il convoite », souligne le dirigeant du cabinet Ginkyo. Au-delà de la cession, la valorisation du capital immatériel apporte également un éclairage sur les points forts et faibles d’une structure et peut aider au pilotage quotidien de son organisation.

Reste que même s’il ne fait guère de doute que le capital immatériel sera une dimension de plus en plus considérée (au point que le ministère des Finances s’est saisi du sujet depuis près de cinq ans, voir encadré ci-dessous), parvenir à établir une juste mesure des éléments qui le composent est encore l’apanage de spécialistes.

TROIS CATÉGORIES D’ACTIFS DU CAPITAL IMMATÉRIEL

→ Le capital humain regroupe les ressources humaines incluant les compétences, le savoir-faire, le savoir-être, l’expérience, etc.

→ Le capital structurel est composé du système d’information, de l’organisation, de la gouvernance.

→ Le capital relationnel de la clinique ou du cabinet inclut les relations avec tous les acteurs internes et externes.

UN RÉFÉRENTIEL NATIONAL POUR ÉVALUER LE CAPITAL IMMATÉRIEL

Initiée par le cabinet Goodwill Management et développée avec de nombreux contributeurs sous l’égide de l’Observatoire de l’immatériel, Thésaurus Bercy est devenue, en 2011, la méthodologie française de référence pour la mesure du capital immatériel. Le rapport qui a conduit à la définition de cette méthode de calcul est téléchargeable sur le site internet de l’Observatoire de l’immatériel1. Depuis ce premier pas, Thésaurus Bercy s’est enrichie d’une deuxième version plus complète, qui permet non seulement de mesurer le capital immatériel, mais aussi de lui attribuer une valeur.

Deux techniques s’opposent, mais se complètent. La première, dite patrimoniale, est fondée sur la valeur de remplacement des actifs. La seconde repose sur les revenus futurs permettant d’obtenir la valeur de rendement du capital immatériel et d’en déduire la valeur de l’entreprise. Dans les deux cas, l’évaluation extrafinancière des actifs immatériels est intégrée. En marge de ces éléments de mesure et de valorisation, l’Observatoire de l’immatériel propose de nombreuses informations afin de mieux cerner les enjeux et la définition du capital immatériel.

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