Soumission à M. Moustache

Au début du siècle dernier, à Montmartre, le théâtre du Grand Guignol a bâti sa célébrité sur le seul parti pris de faire rire et frissonner. Le cinéma n’a pas tardé à suivre son exemple et à briller dans ce registre plébiscité. The Voices s’inscrit dans cette tradition.

Le film nous introduit dans le quotidien rétro d’une petite ville américaine et de sa grande entreprise locale, une usine de baignoires pour laquelle travaille Jerry, employé modèle au visage poupin qui en pince pour la pulpeuse comptable. La vie stéréotypée du jeune homme est néanmoins émaillée d’étrangetés. Son chat et son mastiff conversent allégrement avec lui. Il est également suivi de près par une psychiatre, mais ne prend pas le traitement qu’elle lui prescrit. Quand, sous l’influence des propos sournois de son chat (M. Moustache), Jerry se transforme malgré lui en un sanglant équarrisseur de jeunes femmes, nous comprenons que la réalité que nous montre l’écran – proprette et kitsch, puis franchement surréaliste – n’est autre que la projection d’un cerveau schizophrène. Si l’astuce narrative est amusante et préserve jusqu’à la fin notre sympathie pour le serial killer, le film se risque à peine, au-delà du divertissement, à creuser l’ambiguïté mélancolique que la psychose entretient avec le monde réel. En se cantonnant à la farce macabre bien léchée, Marjane Satrapi suit finalement l’exemple de son héros, elle élude la réalité. Sa fiction est distrayante mais manque de profondeur.

• The Voices de Marjane Satrapi avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver, États-Unis/Allemagne, en salles le 11 mars.