Les consœurs ne doivent pas se censurer pour la rurale

Je rencontre des difficultés inhérentes au fait d’être débutante, mais pas particulièrement en tant que femme. Je dois me confronter à des situations nouvelles, y mobiliser mes connaissances et maîtriser mes émotions. Cependant, cette situation est la même pour un jeune confrère. J’ai construit mon parcours professionnel autour de l’élevage, Je ne me suis jamais demandé si je serais capable d’exercer en rurale, ni si mes messages seraient mal reçus par les éleveurs. En effet, le milieu agricole s’est féminisé et les remarques machistes sont marginales. Ce sont des confrères qui m’ont fait douter en affirmant que ce serait difficile, incompatible avec une vie de famille, etc. J’ai donc choisi d’effectuer mes stages uniquement chez des consœurs praticiennes en rurale, pour m’assurer que mon projet de vie correspondait à la réalité du métier, et elles m’ont convaincue.

À l’école vétérinaire, l’attirance vers la rurale ne dépend pas du sexe. Les aspects techniques (problèmes de chute de production ou calcul des apports fourragers, par exemple) sont intéressants, mais cela ne satisfait pas les confrères qui souhaitent pratiquer des interventions chirurgicales de pointe ou de l’imagerie, ou encore qui ne connaissent pas le monde de l’élevage. Pour moi, les horaires décalés et le soin des animaux avant tout sont intégrés à ma façon de vivre. Toutefois, être issue du milieu agricole ne présente pas que des avantages, car je dois me départir du modèle dans lequel j’ai grandi pour analyser correctement certains systèmes d’exploitation.

Ne rien lâcher, c’est réussir

Le poste que j’occupe répond à mes critères : j’exerce exclusivement en rurale avec des confrères qui cherchent à établir les diagnostics, qui m’encadrent et m’encouragent, et qui entretiennent des relations de grande qualité avec des éleveurs bien formés et informés. J’ai des outils et des démarches diagnostiques dans la tête, et je n’ai pas d’angoisse par rapport à mes compétences. Cette façon de travailler correspondrait à n’importe quel jeune et, fille ou garçon, notre métier paraît simple lorsque nos aînés nous transmettent le bon cadre.

Les difficultés physiques ne sont pas à nier, en particulier au début. Il faut parfois serrer les dents, mais cela vaut pour les hommes aussi. Cela décourage des stagiaires, mais en s’habillant chaudement, en mangeant bien et en s’économisant, le corps s’habitue et tout le monde peut y arriver. Je suis petite, mais je ne lâche rien ! C’est important, car de nombreuses consœurs se censurent pour la rurale, alors qu’il n’y a aucune raison de le faire.

À l’avenir, la médecine de base ne disparaîtra pas, et la rigueur technique et diagnostique du praticien viendra aussi bien des femmes que des hommes. Cette médecine rigoureuse nous permet d’être les mieux placés pour être des piliers de la santé animale en élevage et d’être pertinents pour réaliser des audits et un accompagnement technique dans les exploitations agricoles. La génération précédente a une responsabilité par rapport aux suivantes. J’espère être capable de transmettre ce métier à mon tour.