Actrade innove dans le traitement des boiteries

Certaines vaches s’y trouvent tellement bien qu’elles peuvent y passer 15 minutes ! », constate Agnès Corbin, créatrice de la société Actrade, à Baupréau (Maine-et-Loire), à l’origine du Podo Concept, un pédiluve rempli d’une poudre sèche où déambulent les animaux en entrant ou en sortant de la salle de traite. Cette solution innovante est pensée pour traiter la maladie de Mortellaro, une affection due à des bactéries du genre Treponema, qui se développent dans les agglomérats formés sous le sabot des vaches. « Cela provoque des lésions et des boiteries, indique Agnès Corbin. Les animaux rechignent alors à s’alimenter et à s’abreuver. Cela génère une diminution des volumes de traite et une altération de la qualité du lait. » Si l’impact est variable d’un troupeau à l’autre, et selon l’âge de l’individu, la perte peut atteindre 250 € par vache et par an.

Deux ans de recherches

« Jusqu’à présent, seules des solutions liquides et contraignantes existaient, explique Agnès Corbin. L’éleveur devait soigner chaque patte de l’animal ou utiliser un pédiluve rempli d’une solution liquide qui devenait rapidement, au fil des déjections, un véritable bouillon de culture. » Face à ce constat, Actrade a lancé en 2012 un important programme de R & D pour trouver une solution alternative. « Je me suis entourée d’un chercheur à mi-temps et d’une vétérinaire pendant quatre mois, et nous avons travaillé avec un laboratoire d’analyse bordelais », explique la dirigeante d’Actrade, qui a investi 200 000 € dans ce programme ambitieux. La moitié a été financée sur les fonds propres de l’entreprise, l’autre par une subvention (42 000 €) et un prêt remboursable accordés par BPIFrance.

Les recherches ont duré près de deux ans, jusqu’à la mise au point d’une poudre sèche. Une sorte de cocktail de bactéries lactiques vivantes et de bacillus associés à un support de carbonate alimentaire, une particule de moins de 500 µm lyophilisée, qui se réactive au contact de l’humidité. Cette sorte de sable, dont la particularité est d’abaisser le pH de la base, rend la survie des agents pathogènes plus difficile. « C’est une vraie lutte biologique et un travail dans le temps », affirme Agnès Corbin. Le traitement peut durer trois à quatre semaines pour un troupeau peu infecté et plusieurs mois si plus de 50 % des bovins sont atteints. « Il n’est plus nécessaire de laver les pattes des vaches, ce qui abaisse le stress des animaux, assure-t-elle. Le taux de cicatrisation dépasse 85 %. »

Une démarche pensée pour l’export

L’autre innovation de l’entreprise, soutenue par Angers Technopole et brevetée, est la conception d’un pédiluve (Podo Luve) de 1,80 m x 0,8 m doté d’une goulotte centrale qui recueille les fèces des animaux pour limiter leur transfert avec la poudre sèche. Ce système en plastique est doté, de part et d’autre, de roulettes et de poignées de manière à être vidé comme une brouette. Selon le fabricant, 2 kg (2 €/kg) par vache et par mois de poudre sèche sont, en moyenne, nécessaires pour un traitement classique et le double pour une cure d’attaque. Conçu avec une forme d’arête dans le fond pour ralentir l’avancée de la poudre lors du déplacement de la vache, le pédiluve (560 € HT) fonctionne avec une centaine de kilos de poudre.

Lancé à l’automne, ce dispositif, auréolé d’un Inel d’or remis par le magazine La France agricole lors du Space 2014, a déjà convaincu une centaine d’éleveurs en France. Le Podo Concept représente 30 % du chiffre d’affaires d’Actrade, qui devrait atteindre 1 million d’euros en 2015, versus 860 000 € en 2014. En cours de commercialisation en Italie du Nord et au Portugal, il devrait progressivement être distribué en Allemagne et en Belgique. « Le caractère écologique et l’innocuité des produits pour l’homme, l’animal et l’environnement, contrairement à ceux liquides qui posent notamment des problèmes de manipulation et de recyclage, nous permettent d’envisager de remonter vers les pays nordiques », esquisse Agnès Corbin, ex-chef de produit chez l’Américain Boumatic, spécialisé dans l’hygiène pour les grands troupeaux. En 2008, celle-ci a décidé de mettre son savoir-faire au service du développement de sa propre structure, positionnée sur les produits d’hygiène pour la traite, notamment afin de lutter contre les mammites. Ces dernières devraient, à leur tour, bénéficier des futurs programmes de R&D engagés par Actrade.