Oser la réorientation - La Semaine Vétérinaire n° 1618 du 20/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1618 du 20/02/2015

Dossier

Auteur(s) : Gil Wittke*, Valentine Chamard**

Journées à rallonge, manque de reconnaissance, clients insatisfaits, échecs thérapeutiques : les motifs pour tout quitter ne manquent pas pour les vétérinaires. Si rares sont ceux qui sautent le pas d’une reconversion totale, une amélioration de la situation professionnelle peut aussi passer par des aménagements dans sa pratique. Pour aider à prendre du recul, des solutions avec l’aide d’un tiers existent.

Selon une enquête sur le stress au travail dans les structures vétérinaires1 menée auprès de 500 praticiens, 46 % des personnes interrogées n’envisagent pas d’exercer ce métier jusqu’à 60 ans. Après avoir été l’une des rares vocations passions qu’il était impossible de ne pas faire toute sa vie, il semble donc que le métier de vétérinaire subisse lui aussi un des principes du marché du travail actuel, à savoir que chacun exercera plusieurs professions dans sa vie.

POURQUOI LE VÉTÉRINAIRE NE CHANGE PAS…

Pourtant, l’image que les confrères ont de leur métier et que la société leur renvoie confine au stéréotype : selon le travail réalisé par Anne-Laure Delahousse auprès de plusieurs types de populations2, le vétérinaire reste à l’unanimité le soignant des animaux, patient, persévérant, honnête et désintéressé. Comment peut-il oser s’éloigner d’une profession si idéalisée ? Il est compréhensible qu’un praticien souhaitant sortir d’un éventuel marasme parfois très lourd prenne ses états d’âme pour une crise de vocation, qui remet en cause des choix forts et idéalisés puisqu’ils remontent généralement à l’enfance, nie les sacrifices pour mener des études longues et coûteuses et rompt avec des valeurs si estimées socialement.

Selon de nombreux témoignages de confrères tentés par un bilan de compétences ou l’ayant effectué, le vétérinaire désirant changer est souvent confronté à l’incompréhension des proches (« Quitter le plus beau métier du monde, quel gâchis ! »), voire de certains professionnels de l’insertion (« Mais que voulez-vous faire de mieux  »). Le changement s’apparente donc à un deuil à faire (voir figure p. 32)

UNE RUPTURE DES VALEURS

Au-delà d’éventuels effets de la “crise de la quarantaine” (voir tableau p. 32), il est possible d’analyser le désir de changement du vétérinaire sous l’angle d’une rupture de valeurs. Des études françaises et anglaises3 révèlent que les deux périodes les plus difficiles moralement au cours de la carrière sont la première année en école vétérinaire et la première année d’exercice. Il s’agit de deux moments de confrontation violente de l’idéal à la réalité du métier et de son quotidien. Comme le vétérinaire est persévérant et endurant, il préférera taire ce grand écart jusqu’à ce que cela devienne insupportable (et il est parfois trop tard).

Dans un questionnaire disponible en ligne sur le site de l’association Vétos-entraide4, le changement est donc envisagé selon trois dimensions indépendantes : la lassitude de la situation actuelle, le désir de changement et les freins à celui-ci. Selon que les scores sont forts ou faibles sur chaque dimension, cela permet de construire huit profils et de proposer des pistes de travail individualisées. Ainsi, un score fort concernant particulièrement la dimension lassitude incite à proposer un accompagnement psychologique ou un coaching. L’objectif est de ne pas ajouter le stress d’un changement de métier à un état de stress général afin d’éviter le syndrome de “l’herbe plus verte ailleurs” ou de l’éternel recommencement.

POUR QUOI CHANGER ?

Comme la décision d’évoluer arrive souvent comme un “ras-le-bol”, le changement peut être perçu comme un bouleversement de sa vie professionnelle. Or le bagage de compétences et de connaissances du vétérinaire lui permet d’envisager objectivement de nombreuses ouvertures lorsqu’il souhaite faire évoluer son métier. Trois niveaux de changement (voir encadré en page 30), chacun impliquant un plan d’action spécifique, sont identifiables.

Ainsi le niveau 1 est atteint en revisitant sa manière de travailler et la répartition du temps travail-famille-loisirs, en reconsidérant ses valeurs personnelles et professionnelles, ses relations avec ses clients et ses associés, etc. Le niveau 2 signifie un changement plus important, puisqu’il s’agit de partir du poste actuel (et pour les praticiens, se dissocier), mais en misant sur le socle de connaissances et de compétences communes au métier de vétérinaire. Une telle évolution requiert cependant d’effectuer des études de spécialisation de type troisième cycle (MBA et autres mastères business, affaires réglementaires, qualité, etc.). Enfin, le niveau 3 envisage la reconversion, donc l’abandon des compétences spécifiques vétérinaires, pour se consacrer à un métier totalement différent, plus en accord avec ses valeurs et ses envies (il est possible de s’être trompé de voie dès le début sans avoir osé l’avouer à soi et aux autres…).

LE BILAN DE COMPÉTENCES

L’évolution de la carrière professionnelle se prépare. Le bilan de compétences (au sens strict, tel qu’il est défini par le Code du travail, voir ci-après) est l’outil le plus complet pour le faire. Il permet de faire un point exhaustif sur son parcours, ses motivations, ses compétences acquises et leur caractère transférable, puis de construire un projet professionnel pertinent et adapté aux exigences du marché du travail.

Le Code du travail définit un cadre réglementaire au bilan de compétences, qui se déroule en trois phases spécifiques (voir encadré en page 31). Le financement, pour un vétérinaire salarié, s’inscrit soit dans le plan de formation de l’entreprise, soit dans le cadre du compte personnel de formation (il est alors souvent pris en charge partiellement ou totalement par l’organisme paritaire collecteur agréé de branche, mais cela pourrait changer avec la nouvelle loi sur la formation continue), ou dans le cadre d’un congé individuel de formation (financement Fongecif). Concernant les vétérinaires libéraux, si le bilan de compétences fait officiellement partie des actions que le Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF PL) est susceptible de prendre en charge, cet organisme a jusqu’à présent privilégié le financement de formations liées directement à l’art vétérinaire. À noter que le bilan de compétences, tel qu’il est défini par l’article L. 900 du Code du travail, ne peut être effectué que dans un organisme dirigé par un psychologue. Enfin, les moyens pour trouver une telle structure sont classiques. S’il y avait un seul critère à retenir avant de s’engager dans un tel accompagnement, ce serait de se fier à sa première impression lors du rendez-vous initial d’exploration (gratuit) avec chaque organisme ciblé. De fait, la démarche implique de passer entre 20 et 24 heures à travailler sur soi avec un accompagnant. Le prérequis est que la confiance soit installée, ce que le bénéficiaire du bilan n’exige pas toujours…

UN ACCOMPAGNEMENT SELON SES BESOINS

Cependant, le bilan de compétences n’est pas la seule solution pour répondre à l’ensemble des besoins (voir tableau p. 33). Parfois, et c’est souvent le cas du vétérinaire praticien, le plus important reste de faire le point sur ses motivations personnelles et professionnelles afin de comprendre le sentiment de lassitude et de mal-être persistant, alors que le métier plaît encore et que le contact avec la clientèle reste bon. Tous ces outils d’accompagnement et d’autres sont donc à développer dans une profession à la fois de haut niveau et extrêmement adaptable dans de nombreux milieux professionnels, mais aussi fragile comme le sont les métiers en contact avec le public et le soin en particulier. Les valeurs liées au don de soi sont certes utiles, mais celles liées à la préservation de soi le sont tout autant.

  • 1 Thèse d’Aurore Bertrand. « Contribution à l’étude des facteurs de stress et de leur impact en cabinet vétérinaire et recommandations de prévention », ENVA 2014.

  • 2 Thèse d’Anne-Laure Delahousse. « L’identité professionnelle du vétérinaire », ENVA 2014.

  • 3 Rhind S. M. et coll. BMC Medical Education 2011, 11:64. The transition into veterinary practice : opinions of recent graduates and final year students.

  • 4 www.vetos-entraide.com

LES TROIS NIVEAUX DU CHANGEMENT POUR LE VÉTÉRINAIRE

1 → Changer la manière d’exercer son métier (spécialisation, temps de travail, développement personnel, etc.).

2 → Utiliser les acquis des études vétérinaires pour exercer un autre métier (hygiène-qualité, marketing, technique, administration, etc.), voire dans l’autre sens, (re) devenir vétérinaire praticien.

3 → Se reconvertir vers un métier totalement différent : sculpteur, professeur des écoles, chauffeur de taxi, trader, webmaster, etc.

LES TROIS TEMPS DU BILAN DE COMPÉTENCES

L’article L. 900 du Code du travail définit trois temps au bilan de compétences.

→ La phase préliminaire comprend l’analyse de la demande, la clarification des besoins et des objectifs, la définition du déroulement du bilan et l’engagement réciproque.

→ La phase d’investigation est la plus longue et destinée à élaborer un projet professionnel réaliste et réalisable. Elle consiste à mettre en lien le parcours, les motivations, les compétences et les ressources avec le (s) projet (s) professionnel (s).

→ La phase de conclusion permet de dresser la conclusion du parcours, de construire le plan d’action (qui contient éventuellement un plan de formation). Un document de synthèse du parcours et des options est remis à la fin du bilan.

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