Françoise Grossetête : « Je n’irai pas jusqu’à prôner le découplage » - La Semaine Vétérinaire n° 1618 du 20/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1618 du 20/02/2015

Les enjeux du médicament en Europe

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SOCIOPRO

Auteur(s) : Marine Neveux

Quels enjeux pour la réforme des médicaments vétérinaires en Europe ? Telle a été la question soulevée le 5 février à Saint-Étienne. Un sujet d’actualité alors que le projet de règlement européen sur le médicament vétérinaire se profile1.

Le bureau d’information du Parlement européen à Marseille a organisé, le 5 février, une réunion d’information et d’échanges sur la révision de la législation européenne relative aux médicaments vétérinaires en partenariat avec le centre Europe Direct de Saint-Étienne (Loire). L’occasion pour Françoise Grossetête, députée européen­ne, rapporteur de ce dossier au Parlement européen d’être au contact des professionnels concernés par l’application de cette législation. La députée est actuellement dans une phase de consultation.

Représentants des organisations professionnelles vétérinaires, industries, pharmaciens et éleveurs ont répondu présents à Saint-Étienne.

L’un des enjeux majeurs est la lutte contre l’antibiorésistance. « Je n’irai pas jusqu’à prôner le découplage entre la prescription et la vente d’antibiotiques par les vétérinaires, même si certains députés européens y tiennent, rassure Françoise Grosse­tête, dès le début de son propos.

Pas de pertinence du découplage

« Je suis consciente des limites pratiques d’une telle proposition. » Le réglement comporte plusieurs articles qui répondent à la volonté de la commission de lutter contre l’antibiorésistance. Et Stefano Soro (direction générale santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne) de saluer les meilleures pratiques, comme en France, citée en modèle, où l’utilisation des antibiotiques a fortement diminué, contrairement à des pays où le découplage existe.

Notre confrère Hervé Hiard sou­ligne : « Il est constaté une baisse de la consommation d’antibiotiques dans les pays où ce sont les vétérinaires qui délivrent. Quand ils se situent dans le “goulot d’étranglement” de la délivrance, celle-ci peut être facilement maîtrisée. Ailleurs, des circuits parallèles se sont installés ». Enfin, comme le rappelle Éric Lejeau, du Syn­dicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), une loi d’avenir agricole a été votée en octobre 2014 et « beaucoup de choses se sont mises en place en France. Nous sommes déjà à un stade intermédiaire très encadré ».

L’établissement de la liste d’antibiotiques critiques doit aussi être précisé. « Cette liste est importante, mais elle doit s’appuyer sur une réelle ana­lyse scientifique et apporter une sécurité juridique suffisante aux acteurs du marché », poursuit Françoise Grossetête.

Autres sujets de discussion mis en avant : la proposition de règlement sur les aliments médicamenteux pour animaux et la nécessité de définir des notions d’usage prophylacti­que et métaphylactique des antibiotiques. « L’usage prophylactique pur devrait être interdit, ou au moins sévèrement réglementé. Le mésusage des antibiotiques en médecine animale doit être sérieusement pris en compte. »

Protéger les documents techniques

Un axe supplémentaire de tra­vail concerne la protection des documents techniques, « outils majeurs pour encourager et soutenir l’innovation et la mise sur le marché de nouveaux produits ».

En outre, la réduction du fardeau administratif est saluée par les industriels.

La vente en ligne inquiète

« La question qui me taraude, par rapport à ce projet, est la vente en ligne des médicaments dans le contexte de l’utilisation raisonnée des antibiotiques », déclare Caroline Prouillac, de VetAgro Sup, enseignant-chercheur et pharmacienne de formation.

La vente en ligne est, en effet, un sujet de préoccupation des participants à cette réunion d’information et d’échanges. La proposition de la Commission européenne prévoit un certain nombre de garanties pour éviter les fraudes. « Cependant, il y a une difficulté pratique à réaliser des contrôles efficaces donc, je dois vous l’avouer, je suis sceptique sur ce point-là. Nous avons absolument besoin du concours des états membres pour assurer le contrôle », reconnaît Françoise Grossetête. Des propos qui ne rassurent pas l’auditoire. L’évolution semble plus subie que souhaitée. « Nous ne pouvons pas interdire la vente en ligne. Comme nous ne l’avons pas fait pour le médicament humain, nous ne serions pas crédibles. Mais, là encore, nous laissons les états membres évaluer les conditions à imposer à la vente à distance de médicaments vétérinaires, notamment pour des raisons de santé publique », botte en touche Stefano Soro. Un congressiste souligne la facilité avec laquelle il est possible de fabriquer de fausses ordonnances et d’alimenter un réseau. « Nous n’allons pas créer de la fraude, elle existe déjà, répond Stefano Soro. Aujourd’hui, on peut aussi bien utiliser une camionnette pour cela… Nous n’avons pas pour ambition de tuer tous les opérateurs illégaux, mais nous voulons constituer une enceinte bien ficelée au sein de laquelle se trouveront les opérateurs qui agissent légalement ».

Françoise Grossetete est attachée à la labellisation des sites de vente en ligne. Un moyen de les sécuriser. « Quand il y a fraude, cela relève des législations nationales et le sens des responsabilités de chacun est requis. Il faut que l’agriculteur soit conscient de ces actes illégaux, par exemple ».

Jean-Louis Hunault, prési­dent du Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire (SIMV), rappelle l’étendue actuelle de la mobilisation : « Nous rencontrons très régulièrement les administrations en charge du contrôle national : la brigade vétérinaire, les Frau­des (DGCCRF), les douanes, ainsi que l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et la santé publique (OCLAESP). Des opérations internationales sont menées. Il existe une coordination de la lutte contre le commerce illicite et les autorités sont sensibles au commerce et au trafic. Je ne voudrais pas laisser le sentiment que rien n’est fait ». La situation est beaucoup plus préoccupante ailleurs qu’en France, « car la sécurisation de la filière telle que nous la connaissons en France, on ne la trouve quasiment nulle part ailleurs. Le problème se situe davantage au niveau des producteurs et des filières à l’extérieur, notamment sur le continent africain où, dans certaines zones, 70 % des produits sont non conformes, selon l’Organisation mondiale de santé animale (OIE) ».

  • 1 Lire aussi le hors-série de La Semaine Vétérinaire nos 1610 et 1611 des 19 et 26/12/2014.

  • 1 Résumés des caractéristiques du produit.

  • 2 Autorisation de mise sur le marché.

  • 3 Limite maximale de résidus.

RÉÉVALUATION DES SCHÉMAS THÉRAPEUTIQUES

Notre confrère Christophe Hugnet estime, à propos de l’antibiorésistance, que quelques points mériteraient d’être précisés dans le règlement, en particulier la possibilité de réévaluer les schémas thérapeutiques antibiotiques : « Il n’y a aucune contrainte dans les pays, certains schémas thérapeutiques sont donc obsolètes, et aucune base réglementaire n’est fixée pour obliger à cette réévaluation régulière en fonction des données épidémiologiques, des données acquises de la science, des modèles pharmacologiques qui peuvent être développés ».

Une position que rejoint Caroline Prouillac : « Nous avons pas mal évolué sur l’impact d’un schéma thérapeutique sur la sélection de bactéries résistantes, et ce n’est pas du tout pris en compte dans les RCP1, dans les modalités d’utilisation. Du coup, les vétérinaires veulent bien travailler. Ils doivent se former pour mieux utiliser ces antibiotiques et presque faire du “hors AMM2” dans l’objectif de mieux prescrire pour l’antibiorésistance ». « Réévaluation ne veut pas dire remise en question systématique, mais au moins on regarde ce qui se passe d’un point de vue données de la science et épidémiologiques », précise Christophe Hugnet.

DES ALTERNATIVES

Pour Christophe Hugnet : afin de limiter l’antibiorésistance, l’un des moyens est de réduire l’usage des antibiotiques, donc d’avoir également des alternatives : vaccination, recours à la phytothérapie ou à d’autres modes thérapeutiques dans le cadre de la cascade. Or, « nous rencontrons un problème lié à la cascade : le délai d’attente. Il est aberrant d’avoir un délai d’attente imposé forfaitaire de x jours, alors que la LMR3 est, par exemple, considérée comme non requise ». Christophe Hugnet cite un exemple : « actuellement, si on utilise un vaccin pour une chèvre alors qu’il n’y a pas d’AMM, on est obligé de mettreun délai d’attente. C’est une aberration, il n’y a pas de justification scientifique ». « C’est une question de précaution, et aussi pour ne pas encourager le flou artistique et maintenir une certaine discipline », rétorque Stefano Soro.

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