Métrorragie chez la ratte - La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015

Formation

NAC

Auteur(s) : Adeline Linsart

Fonctions : praticienne au CHV
Saint-Martin-Bellevue,
Annecy (Haute-Savoie).

POINTS FORTS

– La distinction entre l’hématurie et la métrorragie est simple chez la ratte : les orifices urétraux et vulvaires sont bien distincts.

– L’ovario-hystérectomie chez les jeunes rattes permet de prévenir les tumeurs de l’appareil reproducteur, très fréquentes chez cette espèce.

CAS CLINIQUE

Motif de consultation et examen clinique

Une ratte âgée de 2 ans est référée en urgence pour des saignements abondants de la région ano-génitale, détectés une journée plus tôt par les propriétaires (voir photo 1). Elle souffre également d’une maladie respiratoire chronique traitée à l’aide d’antibiotiques et d’inhalations prescrits par le vétérinaire traitant depuis 1 mois.

L’animal présente un score corporel de 2/5. Il est assez mince (320 g) et s’alimente moins bien depuis quelques semaines. Il souffre également d’une chromodacryorrhée importante, d’une dyspnée inspiratoire sévère et d’une tachycardie. La palpation abdominale met en évidence une masse caudale mobilisable non douloureuse de 2 cm de diamètre environ. Une déshydratation modérée est notée (pli de peau persistant). L’examen de la région ano-génitale permet de localiser l’origine du saignement : celui-ci provient de l’orifice vulvaire.

L’examen clinique de l’animal est assez préoccupant et l’hypothèse d’une tumeur utérine forte. Un bilan d’extension est donc proposé au propriétaire. La radiographie thoracique révèle une densification interstitielle importante, ainsi que quelques plages alvéolaires dans les lobes caudaux, fortement compatibles avec des foyers de bronchopneumonie, même si des disséminations métastatiques ne peuvent pas être définitivement exclues (voir photo 2).

Chirurgie

Une ovario-hystérectomie est proposée et acceptée par les propriétaires. Même si l’état général de la ratte majore le risque anesthésique, l’intervention chirurgicale est programmée en urgence du fait de l’abondance des saignements. L’animal est placé en couveuse pédiatrique sous oxygène afin d’être réchauffé et réhydraté à l’aide de solutés isotoniques administrés par voie sous-cutanée (10 ml/kg de NaCl 0,9 %). Une prémédication à l’aide de midazolam (0,5 mg/kg par voie sous-cutanée) et de morphine (1 mg/kg par voie sous-cutanée) est ensuite réalisée. Une antibiothérapie est instaurée (10 mg/kg/ 12 heures d’enrofloxacine par voie sous-cutanée).

Après une préoxygénation au masque, la ratte est anesthésiée à l’isoflurane (voir photo 3). Après la phase d’induction, l’isoflurane est maintenu à 2,5 % durant l’intervention. L’abdomen est tondu, puis la ratte est placée en décubitus dorsal sur un tapis chauffant pour la réalisation de l’asepsie chirurgicale. Un monitoring électrocardiographique est mis en place. Un champ stérile transparent est utilisé afin de faciliter la surveillance anesthésique.

Une laparotomie médiane est effectuée et permet d’extérioriser rapidement l’appareil reproducteur. Une masse volumineuse est visible sur la corne utérine droite (voir photo 4). La ligature des pôles vasculaires ovariens et du col utérin est réalisée à l’aide d’un monofilament (Monosyn déc. 2). Le plan musculaire est suturé par un surjet simple (Monosyn déc. 2). La peau est suturée à l’aide d’un surjet intradermique (Monosyn déc. 1,5) puis avec l’application de colle chirurgicale.

À l’issue de l’intervention, la ratte est placée en couveuse pédiatrique sous oxygène jusqu’à son réveil complet. Des gavages à l’aide d’un aliment de convalescence (Convalescence Support de Royal Canin) sont rapidement effectués et les perfusions sous-cutanées de solutés isotoniques tiédis répétées.

Suivi

La ratte s’alimente spontanément 5 heures après l’intervention chirurgicale. Elle est rendue à ses propriétaires 24 heures après cette dernière avec un traitement analgésique (5 mg/kg/12 heures de tramadol per os). Le traitement anti-inflammatoire (0,3 mg/kg/12 heures de méloxicam per os) et l’antibiothérapie sont également poursuivis pour la prise en charge de la maladie respiratoire chronique. Le contrôle des plaies cutanées est réalisé 2 semaines plus tard : la cicatrisation est satisfaisante. La ratte pèse 332 g et s’alimente correctement. Les troubles respiratoires sont nettement moins marqués.

DISCUSSION

Déterminer l’origine du saignement

L’observation attentive de la région ano-génitale permet de différencier avec fiabilité un saignement d’origine urinaire, vulvaire ou anale chez les rongeurs. En effet, les trois orifices sont bien distincts : la papille urétrale est en position craniale, suivie quelques millimètres plus bas par la fente vulvaire puis par l’anus.

Hormis l’inspection visuelle et la palpation minutieuse de l’abdomen, le recours à des examens complémentaires se révèle parfois nécessaire afin de préciser le diagnostic, même lorsque l’origine vulvaire des pertes est évidente. En effet, une masse vulvaire peut également être à l’origine de saignements. Une vaginoscopie, sous anesthésie gazeuse, est systématiquement réalisée à l’aide d’un otoscope à embout lubrifié stérile ou d’un endoscope rigide si une masse abdominale n’est pas détectée. Une échographie de l’appareil reproducteur est également indiquée afin de préciser l’origine utérine ou vaginale des saignements et de préciser le bilan d’extension. Si l’analyse d’urine met en évidence une hématurie à la bandelette, il convient de s’assurer que le saignement n’est pas d’origine systémique (troubles de la coagulation liés à une intoxication aux anticoagulants ou à une hépatopathie terminale).

Diagnostic différentiel des pertes vulvaires chez les rongeurs

Il est essentiel de bien connaître la physiologie de chacune des espèces rencontrées en consultation afin de ne pas “surdiagnostiquer” des affections (les pertes vulvaires physiologiques du hamster sont difficiles à distinguer d’un pyomètre, par exemple). Une anamnèse rigoureuse ainsi qu’une bonne connaissance des conditions de vie sont nécessaires.

Physiologiquement, il n’y a pas de pertes vulvaires sanguines au cours du cycle reproducteur chez le rat. Si la ratte a été adoptée récemment (provenance de collectivités) ou a pu être en contact avec un mâle dans les 3 semaines précédentes, une gestation ou un avortement ne peuvent être exclus. Les prodromes de la mise bas sont également susceptibles de s’accompagner de saignements. Des pertes sanguines vulvaires peuvent également apparaître entre les deuxième et dixième jours de gestation, lors d’un avortement comme d’une gestation normale. Le diagnostic différentiel des pertes vulvaires sanguines comprend, chez la ratte :

– les affections de l’utérus (adénome et adénocarcinome utérins, polypes, endométrite avec ou sans répercussions générales, anévrisme utérin, gestation, avortement) ;

– les affections vulvaires (masse bénigne [fibrome] ou maligne [myxome] ; polype, infection).

Pronostic des métrorragies chez la ratte

L’ovario-hystérectomie est bien tolérée et généralement curative. Toutefois, l’intensité et la durée du saignement conditionnent la capacité de l’animal à survivre à l’anesthésie et à l’intervention chirurgicale. Un micro-hématocrite est recommandé afin d’adapter les mesures de réanimation. Une fluidothérapie par voie veineuse ou intra-osseuse est à instaurer dès que possible et se révèle indispensable si l’animal est en état de choc hémorragique. Une voie veineuse peut être posée sur la queue ou, au besoin, un cathéter intra-osseux est mis en place si l’hématocrite est bas (inférieur à 25 %). Une fluidothérapie sous-cutanée est systématiquement mise en place si les pertes sanguines sont modérées.

La métrorragie affecte plus fréquemment des rattes âgées, susceptibles de souffrir de maladies chroniques subcliniques. Ici, la maladie respiratoire chronique nécessitait d’adapter la prise en charge et assombrissait le pronostic. La mise en place d’une antibiothérapie à base de quinolones était essentielle pour traiter agressivement cette dyspnée d’origine infectieuse. En dehors de cette maladie intercurrente, l’antibiothérapie prophylactique n’est pas souhaitable lors de la stérilisation chez la ratte.

Les rats issus de souches Fischer F344 sont surreprésentés parmi ceux souffrant de polypes utérins.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur https://www.lepointveterinaire.fr/bdd/164/164_4507

CYCLE REPRODUCTEUR DU RAT

→ Puberté dès 5 semaines.

→ Reproduction conseillée à partir de 8 semaines (ou poids de 250 g).

→ Cycle reproducteur de 4 à 6 jours, œstrus spontané, toute l’année.

→ Gestation : 21 à 23 jours.

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