Les maladies vectorielles passées au crible - La Semaine Vétérinaire n° 1616 du 06/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1616 du 06/02/2015

Académie vétérinaire de France

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Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Le 29 janvier, l’Académie vétérinaire de France a organisé une séance thématique sur les maladies vectorielles, émergentes, endémiques, leur surveillance et leur gestion : une exploration complète à l’Institut Pasteur.

La transmission vectorielle est très répandue, a rappelé Christian Dumon en préambule de la séance thématique de l’Académie vétérinaire de France sur les maladies vectorielles, qui s’est tenue le 29 janvier à l’Institut Pasteur. Elle concerne 40 % des virus des mammifères et 70 % de ceux des végétaux. » Sans négliger les affections parasitaires et bactériennes : la borréliose de Lyme est la première maladie vectorielle de l’hémisphère Nord. En médecine humaine, ce sont forcément des zoonoses.

L’homme, le principal acteur de l’évolution des maladies vectorielles

Les maladies à transmission vectorielle sont ainsi à l’interface entre l’homme, l’animal et l’environnement. Leur épidémiologie, complexe, est constamment en évolution. Au fil des débats et des présentations de la séance, l’homme et son activité sont apparus comme le principal moteur d’évolution, loin devant le changement climatique1. Dans le cas de la borréliose, par exemple, un effet réel de l’anthropisation est noté. L’homme va davantage au contact de la nature, et crée des biotopes idéaux pour les tiques grâce au maintien de la biodiversité des espèces végétales dans les forêts (arrêt des pratiques d’écobuage, développement des arbustes, ou de chênes qui fournissent de la nourriture aux rongeurs), à l’augmentation des populations sauvages (cerfs, chevreuils ou sangliers) et aux pratiques d’agrainage.

Moyens de lutte et de contrôle

La lutte contre les maladies transmises par les moustiques, comme le chikungunya, associe l’usage des insecticides chimiques (six familles autorisées en santé publique) ou bactériens à des mesures de lutte physiques (destruction des gîtes larvaires ou des sites de reproduction), biologiques (prédateurs des larves tels que les guppies ou les jeunes tilapias, ou des champignons entomophages) et génétiques (adultes rendus stériles, translocation de gènes létaux). Le comportement des insectes doit être pris en compte, car ceux-ci s’adaptent en changeant l’endroit où ils se gorgent (si les moustiquaires les repoussent vers l’extérieur, par exemple), ou encore le moment de leur pic d’activité. Le développement des résistances a aussi un impact, qui peut être mesuré. Car, même si les insectes sont devenus plus résistants aux insecticides, certains y sont aussi davantage exposés. En prévention pour les animaux et les hommes, le développement de vaccins est nécessaire, mais s’avère long et difficile. Ce qui peut présenter un risque financier pour les industriels. Des partenariats sont désormais développés, avec un principe d’open innovation entre les industriels, les réseaux de surveillance, les écoles vétérinaires, etc.

Plusieurs niveaux de surveillance

La surveillance épidémiologique se décline sous plusieurs formes, qui se combinent en fonction des objectifs fixés, et de leurs avantages et inconvénients. La surveillance événementielle ou passive se fonde sur la déclaration spontanée des suspicions. La surveillance syndromique repose sur le recueil et l’analyse d’indicateurs de santé ou de syndromes cliniques (affections nerveuses des chevaux, par exemple). Exhaustive, elle n’est pas très spécifique et ne permet pas d’obtenir des résultats en temps réel. La surveillance programmée, ou active, consiste en une recherche ciblée avec des collectes d’échantillons répétées (sentinelles). Le choix de l’échantillon en est le facteur limitant, avec des résultats dont la précocité n’est pas toujours suffisante. La surveillance vectorielle (piégeage, récupération, tri et identifications des insectes) est utilisée pour définir les zones à risque, ou nouvellement colonisées, et les périodes d’inactivité des vecteurs. Elle ne permet pas d’évaluer la densité de vecteurs ni de surveiller la maladie chez les hôtes. Dans le cas du virus du West Nile, la surveillance événementielle chez les oiseaux était adaptée aux États-Unis (corvidés), mais pas en France où les oiseaux n’en meurent pas de façon aussi repérable.

  • 1 Une séance thématique sur ce thème est prévue le 9 avril prochain.

Points forts

Chikungunya

Ce petit alphavirus se développe désormais selon deux cycles : l’un, classique, sylvatique qui fait intervenir les primates et les moustiques (Aedes) avec un hôte humain accidentel, et un autre plus récent, urbain, qui s’est affranchi de l’hôte sauvage et circule directement du moustique à l’homme. Le chikungunya s’est récemment diffusé dans les Caraïbes, avec une progression impossible à stopper d’autant plus que les populations y sont naïves pour ce virus, avec un fort potentiel de développement d’un cycle enzootique faisant intervenir les primates locaux.

Borréliose de Lyme

Les signes cliniques de cette affection sont comparables chez l’homme et les animaux. Trois cents espèces animales sont hôtes des tiques vectrices, mais toutes ne sont pas des réservoirs de la bactérie. C’est le cas des cervidés, dont le rôle épidémiologique est essentiellement de permettre la persistance des tiques. Le diagnostic est délicat : il fait intervenir analyses de laboratoire et maladie clinique. Une sérologie positive n’a pas de valeur diagnostique sans clinique associée.

Anaplasma phagocytophilum

L’analyse génétique de l’agent de cette affection montre qu’il en existe plusieurs souches. Toutes sont retrouvées chez les bovins, dont une souche mise en évidence seulement chez ces derniers, une souche qui circule essentiellement chez les chevreuils avec une transmission occasionnelle aux bovins et une autre qui infecte plusieurs espèces de mammifères (chevaux et chiens notamment). Les génotypes rencontrés chez les petits rongeurs sont différents de ceux portés par les mammifères. Un seul génotype sur les 40 déterminés (thèses vétérinaires) est proche de la souche de référence américaine (zoonose). Il est présent en Camargue et possède donc un potentiel zoonotique.

Leishmaniose

La zone de répartition actuelle concerne tout le pourtour méditerranéen. Elle remonte le long de la vallée du Rhône et s’étend dans le sud-ouest de la France, mais les modélisations définissent une zone à risque sur la façade atlantique. La transmission sexuelle et verticale est démontrée dans les élevages canins.

Le potentiel zoonotique de la leishmaniose canine

En Europe, 410 à 620 cas de leishmaniose humaine sont diagnostiqués tous les ans, dont 20 à 25 en France. À l’origine maladie du nourrisson ou de l’enfant, elle est devenue une affection de l’adulte immunodéprimé. Gilles Bourdoiseau précise que les vétérinaires doivent aborder le risque zoonotique avec leurs clients, afin que l’apparition de la maladie chez l’homme ne puisse lui être reprochée. L’euthanasie des chiens n’a pas de sens en zone endémique : l’homme peut tout à fait être piqué par les moustiques vecteurs au cours d’activités de loisirs, comme au moment de prendre l’apéritif en terrasse aux heures d’action des vecteurs.

La dangerosité d’un chien asymptomatique pour l’homme est nulle à très faible. Sauf lorsque l’animal cliniquement atteint se trouve dans le même foyer que des adultes en situation de grande fragilité. Cette dernière notion est à moduler : l’affection peut se développer chez des personnes initialement saines, après un traitement immunodépresseur. Gilles Bourdoiseau précise également que des parasites peuvent être retrouvés chez les chiens dans les semaines qui suivent l’arrêt du traitement.

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