Encéphalomyélite aviaire et diagnostic différentiel chez la dinde

Deux cas d’encéphalomyélite aviaire ont été diagnostiqués en France fin 2011 chez la dinde avec, pour la première fois, l’observation d’une atteinte cardiaque. La maladie, due à un picornavirus du genre Hepatovirus, est peu décrite chez cette espèce dans la littérature, mais elle fait partie des plans de prophylaxie des reproductrices.

CONTEXTE ÉPIDÉMIOCLINIQUE

Une augmentation nette de la mortalité subite avec ou sans symptômes nerveux (pédalage, perte d’équilibre, tremblements) est observée dans deux élevages de dindes futures reproductrices du Morbihan. Les animaux sont atteints dès la première semaine de vie, avec un maximum des symptômes à 3 semaines. Une encéphalomyélite aviaire est suspectée.

Les autopsies révèlent essentiellement une atteinte cardiaque (observée chez 82 % des animaux dans un élevage), qui constitue la seule lésion macroscopique significative mise en évidence. Les lésions sont identiques dans les deux élevages et dans toutes les tranches d’âge, de 1 à 5 semaines : un cœur flasque avec une cardiomégalie et une dilatation ventriculaire. Certaines dindes présentent également un œdème pulmonaire plus ou moins marqué ou une ascite, sans doute secondaires à une insuffisance cardiaque.

Des prises de sang sont réalisées chez des animaux présentant des signes nerveux et chez d’autres pris au hasard dans le bâtiment. Un test sérologique par kit Elisa (laboratoire Biochek) met en évidence des taux d’anticorps contre l’encéphalomyélite aviaire très supérieurs au seuil de positivité chez toutes les dindes prélevées et dans les deux élevages (entre 1 092 et 5 771 pour un seuil à 500). Ces titres sont compatibles avec une séroconversion, significative d’un passage viral.

ENCÉPHALOMYÉLITE ET MYOCARDITE À L’HISTOLOGIE

Des lésions pathognomoniques de cette maladie sont retrouvées à l’examen histologique : encéphalomyélite et infiltration lymphocytaire sous forme d’îlots dans la musculeuse du proventricule. Chez les mêmes animaux, une myocardite est également observée, ainsi que, plus rarement, une hépatopathie d’origine cardiaque (foie cardiaque).

L’infection par le virus de l’encéphalomyélite aviaire est confirmée par une analyse par RT-PCR (real time polymerase chain reaction). Le séquençage d’un produit de PCR par élevage révèle 100 % d’identité nucléotidique entre les séquences partielles analysées, ce qui laisse supposer que les virus mis en évidence dans chacun des élevages pourraient avoir une origine épidémiologique commune. Une forte homologie nucléotidique (supérieure à 80 %) et protéique (supérieure à 95 %) est retrouvée avec les virus de référence, le génotype est ainsi “classique”.

Les symptômes observés, l’âge des dindes (la maladie atteint des animaux âgés de 1 à 4 semaines, les autres étant considérés comme réfractaires) et les lésions histologiques sont caractéristiques de l’encéphalomyélite aviaire¹, et le diagnostic est confirmé. Une atteinte cardiaque inhabituelle est toutefois décrite, ce qui constitue un élément nouveau dans l’expression anatomo-clinique de la maladie chez la dinde. Néanmoins, la myocardite, associée ou non à une atteinte nerveuse, est également décrite pour de nombreux genres de virus de la famille des picornaviridés.

Un fort retard de croissance, correspondant probablement à une séquelle possible de l’atteinte cardiaque (car retrouvée chez les animaux autopsiés par la suite), est observé a posteriori dans les élevages. Dans ces deux cas cliniques, les lésions de myocardite peuvent, en effet, être à l’origine à la fois des mortalités subites et des retards de croissance observés.

VACCINER LES REPRODUCTEURS EST INDISPENSABLE

Une enquête révèle que les animaux des deux élevages provenaient d’un même couvoir exceptionnellement non vacciné cette année-là, pour une raison inconnue. La contamination s’effectue en effet par voie orale, mais la transmission verticale est également bien décrite. C’est pourquoi la vaccination des reproducteurs est indispensable, le virus semblant être très présent sur le terrain.

Cette maladie doit ainsi faire partie du diagnostic différentiel lorsqu’une cardiopathie dilatée est observée à l’autopsie chez la dinde dans les premiè­res semaines de vie, surtout en présence de symptômes nerveux. L’examen histologique de l’encéphale, du proventricule, du pancréas et du cœur est la méthode diagnostique de référence pour cette affection. L’observation concomitante de lésions histologiques de myocardite et d’encéphalite permet de confirmer cette expression nouvelle de la maladie.

• 1 Calnek B.W. Avian encephalomyelitis. In : Saif Y.M., Fadley A.M., Glissen J.R. Diseases of poultry. Ames, Iowa : Wiley-Blackwell. 12th Ed. 2008;430-441.

  Source : Albaric O., Delannoy V., Léorat J. et coll. Encéphalomyélite aviaire avec atteinte cardiaque chez la dinde : cas cliniques en France. JRA. 2013;10:351-354.