Traitement des plaies chez le cheval : quel pansement pour quelle lésion ? - La Semaine Vétérinaire n° 1614 du 23/01/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1614 du 23/01/2015

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Caroline Tessier*, Hélène Vandenberghe**

Fonctions :
*diplomate ECVS (large animals),
maître de conférences à Oniris.
Article tiré d’une conférence
organisée par Kruuse à Paris,
le 30 octobre 2014.

Chez le cheval, les plaies concernent surtout la partie distale des membres, plus exposée et recouverte par une couche musculaire de faible épaisseur. Il s’agit souvent de plaies contaminées, voire infectées. L’immobilisation de l’animal se révèle parfois nécessaire afin d’obtenir une bonne cicatrisation.

En outre, chez cette espèce, le vétérinaire est fréquemment confronté à des troubles de la cicatrisation avec les phénomènes d’hypergranulation et d’apparition de chéloïdes. Dans certains cas, l’utilisation de pansements permet d’assurer une bonne cicatrisation, d’espérer récupérer une bonne fonctionnalité du tissu sous-cutané et de limiter l’administration d’antibiotiques par voies parentérale et locale (emploi raisonné de ces spécialités). De nombreux pansements sont disponibles sur le marché et il convient de faire un choix judicieux, adapté à la plaie.

LE PANSEMENT : CARACTÉRISTIQUES ET CONTRAINTES

Un pansement est constitué de plusieurs couches. Chacune joue un rôle bien défini.

→ Celle dite contact, placée directement sur la plaie, produit l’environnement cicatriciel, protège le tissu et comporte un rôle antiseptique et antibactérien.

→ La couche de protection ou de rembourrage permet l’évacuation et le stockage des exsudats, limitant ainsi l’œdème et l’inflammation. Elle exerce également une protection mécanique et possède une action antalgique (amortissement des chocs provenant de l’extérieur).

→ La couche externe, enfin, joue un rôle de protection. Lors du choix du pansement, le praticien doit prendre en compte les contraintes de coût, de faisabilité (notamment pour le propriétaire), de tenue, de taille et de poids. Le pansement doit également être adapté à la plaie et à la phase de la cicatrisation.

L’ÉTAPE CRUCIALE : DÉTERMINATION DE LA PHASE DE CICATRISATION

Le processus de cicatrisation se décline en plusieurs stades successifs qui se chevauchent dans le temps.

→ La phase inflammatoire, très précoce, est déterminante pour la suite de la cicatrisation. Plus elle est longue, plus cette dernière est retardée. Lors de cette étape, des médiateurs sont relargués en grand nombre, avant un afflux cellulaire et la détersion de la plaie.

→ La phase de réparation comporte la fibroplasie (afflux de fibroblastes), l’angiogenèse et le début de l’épithélialisation.

→ Enfin, la phase de maturation est constituée des phénomènes de contraction et de remodelage de la plaie. Ces stades sont superposés et ne doivent pas être considérés comme des séquences isolées. Derek Knottenbelt, professeur à l’université de Liverpool, a illustré cette idée par le principe de la pizza, dont les constituants représentent chaque étape de la cicatrisation : les olives pour le tissu nécrotique, la mozzarella pour ceux qui se détachent, les tomates pour le tissu de granulation et la croûte pour celui en cours d’épithélialisation.

PHASE INFLAMMATOIRE : FAVORISER LE DÉBRIDEMENT DE LA PLAIE ET LIMITER L’ŒDÈME

Lors de la phase inflammatoire, un débridement permet de favoriser la détersion en éliminant les tissus nécrotiques et en diminuant la charge bactérienne, et de limiter l’inflammation sans pour autant l’annuler. En effet, celle-ci demeure utile au début de la cicatrisation. Le débridement peut être actif (à la lame froide) ou passif, mécanique (rinçage avec du liquide sous pression ou pansement).

Lors de détersion persistante (au-delà de quelques jours), il convient d’effectuer des examens complémentaires destinés à déceler un éventuel corps étranger ou un séquestre osseux sous-jacent. Pour cette phase, l’utilisation d’un pansement adhérent, qui colle à la plaie, permet l’absorption de l’exsudat. Il est aussi possible de limiter l’œdème en rembourrant le pansement (ou en mettant en place un pansement légèrement compressif). Une vaste gamme de produits est disponible sur le marché. L’utilisation ponctuelle de pansements adjuvés en chlorure de sodium hypertonique à 20 % se révèle extrêmement efficace dans la prise en charge des plaies sales et exsudatives. Ces pansements permettent un appel d’eau qui entraîne les tissus nécrotiques et les éventuels corps étrangers. Les pansements wet to dry (couche de contact humide recouverte par une seconde sèche), les compresses absorbantes à l’action bactériostatique (Sorbact®) et les gels à matrice polysaccharidique peuvent aussi être employés lors de ce stade.

Le recours au miel demeure controversé mais se révélerait utile lors de la phase inflammatoire. Son action osmotique permet un débridement mécanique et stimule la granulation. Le miel de manuka contient des dérivés de peroxydes d’hydrogène, et posséderait des propriétés anti-inflammatoires et antibactériennes. Il offrirait ainsi la possibilité d’éliminer le biofilm et de lutter contre les bactéries multirésistantes (MRSA). Il importe d’utiliser un miel de qualité médicale (filtré et stérilisé) afin de limiter le risque de clostridiose.

RÉPARATION : ÉVITER LA DESSICATION, PRÉVENIR LE RISQUE D’INFECTION

Lors de l’initiation de la fibroplasie, l’utilisation d’une couche de contact non adhérente permet d’éviter d’arracher la couche de fibroblastes, qui est peu solide. Il convient de maintenir la plaie dans un environnement humide, d’éviter les nettoyages excessifs et de ne pas employer d’antiseptique non dilué (mais de la povidone iodée à 0,01 % ou de la chlorexidine à 0,05 %).

Les gels, alginates et hydrocolloïdes, peuvent être utilisés, ainsi que les mousses semi-occlusives (Mésolin®). Il est nécessaire de lutter contre la granulation excessive en immobilisant le membre, en recourant éventuellement à des pansements adjuvés en corticoïdes et en vitamine A, ou d’autres siliconés ou à la kétansérine (Vulkétan®). L’emploi des pansements est controversé dans la prévention de l’hypergranulation. Un parage chirurgical se révèle parfois nécessaire si le tissu de granulation est exubérant.

PHASE DE MATURATION : PROTÉGER LA PLAIE

La plaie demeure fragile lors de la phase de maturation. Il importe de maintenir une bonne protection avec des pansements non absorbants (films, tulle gras, compresse non adhésive, etc.), adhérents ou non, et d’alléger progressivement la contention jusqu’à la cicatrisation, en démarrant la physiothérapie.

CAS CLINIQUE

Cette plaie profonde et délabrante est localisée en partie distale et latérale du canon postérieur droit. Le métatarsien principal est mis à nu. La lésion est prise en charge via la mise en place de pansements successifs :

→ J1 à J5 : pansement de type wet to dry (changé tous les deux jours) ;

→ J6 à J30 : pansement au miel et compresse Telfa® (absorbante, non adhérente), et bandage trois couches (changé tous les trois jours) ;

→ J31 à J50 : pansement à base de Cortanmycétine® (prednisolone, chloramphénicol) et A313® (vitamine A) sur une compresse non adhérente.

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