La tuberculose, cette zoonose, un peu (trop ?) oubliée - La Semaine Vétérinaire n° 1614 du 23/01/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1614 du 23/01/2015

Dossier

Auteur(s) : Hélène Rose

Si la tuberculose bovine est au centre des préoccupations en matière de santé animale, principalement en raison de son impact économique, les atteintes potentielles des chiens, des chats et des furets sont de nos jours moins présentes dans l’esprit des praticiens qu’elles ne l’étaient il y a une cinquantaine d’années. Pourtant, une certaine prudence reste de mise, d’autant que certains bacilles responsables sont également pathogènes pour l’homme et que les contaminations peuvent se faire de l’animal vers l’homme, mais aussi de l’homme vers l’animal.

La prévalence de la tuberculose humaine a nettement reculé en France et dans la majorité des pays européens, mais elle reste l’une des principales maladies infectieuses mortelles à l’échelle mondiale. L’un des objectifs du millénaire fixés en 2000 par les Nations unies pour 2015 était de stopper la progression de l’incidence de la tuberculose dans le monde, et d’inverser la tendance. Des progrès en ce sens ont été accomplis.

Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près d’un tiers de la population mondiale est contaminée par le bacille tuberculeux, même si le portage reste souvent asymptomatique. En 2013, neuf millions de personnes ont déclaré la maladie et 1,5 million en sont mortes, dont 360 000 coinfectées par le VIH. 95 % des cas surviennent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Plus de la moitié des nouveaux cas signalés proviennent de l’Asie du Sud-Est (Chine, etc.), même si les taux les plus élevés sont rapportés dans des pays d’Afrique subsaharienne (voir infographie). Des formes multirésistantes, voire ultrarésistantes, sont en hausse, et inquiètent les autorités sanitaires. Dans la zone Europe de l’OMS, l’incidence des nouveaux cas déclarés en 2012 est de 36,9 cas pour 100 000 habitants. Dans la majorité des pays de l’Union européenne, plus de 50 % des cas affectent des personnes d’origine étrangère, contaminées sur leur lieu d’origine, l’infection pouvant rester latente.

UNE MALADIE ENCORE PRÉSENTE EN FRANCE

En France, l’incidence moyenne en 2012 est de 7,6 cas pour 100 000 habitants. Elle varie cependant selon les régions : de 3,2 et 3,7 pour la Corse et l’Auvergne, au double pour la Bretagne et la Lorraine, et jusqu’à 14,7 en Île-de-France. Les départements d’outre-mer, la Guyane (24,2 cas pour 100 000 habitants) et Mayotte (16,9) notamment, sont également touchés. La tuberculose est responsable d’environ 900 décès annuels en France. Une personne malade et non traitée peut infecter en moyenne 10 à 15 autres chaque année. Des enquêtes épidémiologiques sont donc menées lors de chaque déclaration de suspicion ou de cas avéré (voir encadré p. 27). Les populations précaires (migrants, Roms, personnes sans domicile fixe) sont les plus à risque.

Les situations de confinement augmentent également le risque, comme dans les établissements carcéraux ou les maisons de retraite (favorisé par la présence de systèmes immunitaires affaiblis). Le personnel hospitalier peut lui aussi être exposé. Les coinfections par le VIH font le lit de la tuberculose, et expliquent que les taux de déclarations aient augmenté au début des années 2000.

La forme respiratoire est la plus contagieuse, elle est rapportée dans pratiquement trois quarts des cas, seule ou associée à une autre localisation.

DES CONTAMINATIONS ENTRE ESPÈCES ANIMALES…

Différentes situations de contamination inter-espèces sont connues, même s’il reste difficile de déterminer l’antériorité de la contamination entre une espèce et une autre.

En 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié des résultats mettant en évidence une relation entre l’exposition des sangliers à Mycobacterium bovis et la distribution des foyers de tuberculose dans les élevages bovins1. Depuis 2001, elle est aussi régulièrement détectée chez des cerfs (alors que la France a été déclarée officiellement indemne de tuberculose bovine en 2000 par l’Union européenne). Ces deux espèces, ainsi que le blaireau, sont susceptibles de disséminer la bactérie et pourraient constituer un réservoir de la maladie.

… ET ENTRE LES ANIMAUX ET LES HOMMES

Une famille d’éleveurs a récemment été touchée par M. bovis en Bourgogne, la mère ayant été la source de contamination de sa famille. Les centres de lutte antituberculeuse, responsables de la prise en charge de la maladie chez l’homme, sont ainsi occasionnellement amenés à collaborer avec les services vétérinaires et les praticiens lors de suspicion de tuberculose.

La Direction générale de l’alimentation (DGAL) rappelle d’ailleurs que « lorsqu’un vétérinaire sanitaire suspecte ou diagnostique la tuberculose chez un carnivore domestique, il doit informer la DDCSPP2 en regroupant les informations concernant le foyer, la maladie (modalité de dépistage, signes cliniques, etc.). Il doit également conseiller aux propriétaires de contacter leur médecin. L’euthanasie de l’animal et la destruction du matériel sont recommandées, mais pas obligatoires. Le vétérinaire sanitaire ne doit pas traiter l’animal. Il doit également informer la DDCSPP du suivi éventuel du cas. »

Ainsi que le souligne Gaëlle Lerma, médecin rencontrée au Clat 94, « il leur est également possible de faire appel à leur médecin du travail, susceptible de les orienter dans les démarches à suivre en vue de protéger leur santé, et celle publique d’une manière générale ». Le diagnostic est cependant difficile, car la maladie peut prendre différentes formes, dont les signes cliniques sont peu spécifiques. La tuberculose entre principalement dans le diagnostic différentiel lors de pneumonie avec une toux chronique, présentant un aspect miliaire et/ou des cavernes à la radiographie, de syndrome granulomateux mésentérique, de lésions cutanées ou oculaires (voir figure ci-dessous).

DES MYCOBACTÉRIES AU POUVOIR PATHOGÈNE VARIÉ

Il existe 120 mycobactéries environ, qui n’ont pas toutes le même pouvoir pathogène, ni les mêmes espèces cibles et/ou réservoirs, que ce soit chez l’animal ou chez l’homme. M. bovis, par exemple, et M. microti, isolé par le laboratoire national de référence tuberculose de l’Anses à Maisons-Alfort chez plus d’une trentaine d’animaux depuis une dizaine d’années (dont la moitié environ chez des chats, mais aussi chez des sangliers, une loutre, etc.) appartiennent au complexe M. tuberculosis et peuvent potentiellement être responsables de maladies humaines, en particulier chez les personnes immunodéprimées.

La contamination du chat vers l’homme a ainsi été prouvée par des scientifiques de l’Animal Health and Veterinary Laboratories Agency (AHVLA) et du Public Health England (PHE) en mars 2014 en Grande-Bretagne. L’identification de neuf chats infectés par M. bovis en 2013 dans le Berkshire et le Hampshire a entraîné une enquête d’entourage. 39 personnes ont été identifiées à risque, ayant eu des contacts plus ou moins proches avec ces animaux. Dans un premier temps, 24 d’entre elles ont accepté d’être testées. Au total, quatre personnes ont été contaminées par leur chat, dont deux infectées latentes et deux qui ont développé une tuberculose. Même si le risque de transmission est très faible, il doit être gardé à l’esprit.

D’autres mycobactéries, isolées, notamment chez les furets, telles que M. kansasii ou M. avium, ne sont pas considérées à risque pour l’homme. Leur pronostic est en revanche sombre pour l’animal.

  • 1 Source Anses et Plos One. Voir aussi le dossier de La Semaine Vétérinaire n° 1537 du 26/4/2013, pages 29 à 35.

  • 2 Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations.

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