Anesthésie du lapin : quelles actualités ? - La Semaine Vétérinaire n° 1608 du 05/12/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1608 du 05/12/2014

Formation

NAC

Auteur(s) : Maud-Aline Chesnel*, Valentine Chamard**

Fonctions :
*diplomate ECVAA, praticienne au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)

L’anesthésie du lapin peut être redoutée par les praticiens. À ce sujet, les statistiques sont significatives : un lapin présente un risque sur 72 de mourir à la faveur d’une anesthésie s’il est en bonne santé, et un sur 14 s’il est malade ! Ces données sont issues d’une étude de 20081. Depuis, les progrès de la médecine vétérinaire ont toutefois permis des avancées notables dans la sécurisation de l’anesthésie de ces animaux. Parmi les deux points clés retenus par la conférencière se trouvent l’apparition d’un dispositif supraglottique pour la ventilation et la démocratisation de l’anesthésie gazeuse.

SÉCURISATION DES VOIES AÉRIENNES

Il s’agit du point critique de l’anesthésie du lapin. En effet, cet animal est prédisposé à l’obstruction des voies aériennes, très étroites en partie basse. De plus, il a une respiration nasale obligatoire. Il est également sujet à l’hypoxémie, en raison du faible volume de ses poumons proportionnellement à ses organes abdominaux (la masse viscérale comprime le diaphragme, notamment pendant le décubitus) et de la fréquence des affections respiratoires occultes (réserve respiratoire limitée). Il est, enfin, sujet à l’apnée anesthésique, qu’il tolère mal.

→ Les masques faciaux, d’emploi facile, permettent de véhiculer l’oxygène et les anesthésiques volatiles. Cependant, ils n’offrent pas une perméabilité des voies aériennes et ne peuvent être utilisés pour la ventilation. De plus, ils sont sources d’exposition du personnel aux gaz anesthésiques.

→ L’intubation trachéale représente le “gold standard” pour les interventions chirurgicales longues et à risque. Toutefois, cet acte difficile (larynx profond et étroit, faible ouverture buccale, laryngospasme) augmente le temps d’anesthésie et n’est pas dénué de risque traumatique. L’intubation à l’aveugle est aléatoire (en outre, elle constitue une voie d’entrée dans la trachée d’éventuels résidus alimentaires). L’idéal est de visualiser le larynx par endoscopie, ou à défaut d’utiliser un otoscope ou un laryngoscope (lapins de plus de 1,5 kg). L’animal est placé en décubitus sternal, la tête en hyperextension. Une sonde urinaire pour chien, dont l’extrémité proximale est coupée, peut faire office de guide, sur lequel la sonde est glissée.

→ Le masque laryngé (V-Gel(r), laboratoire Axience), conçu spécifiquement pour le lapin, constitue une bonne solution alternative. Il s’insère intuitivement et en aveugle. Il convient néanmoins de s’assurer de son bon positionnement et de veiller à ce qu’il n’obstrue pas les voies respiratoires. Sa position est à vérifier dès qu’un mouvement du cou ou qu’une rotation de l’animal est réalisée, prévient la conférencière. Ses avantages par rapport au masque facial sont nombreux : perméabilité des voies respiratoires, meilleure ventilation, moins d’espace mort (donc moins de réinhalation de CO2), possibilité de monitorage (capnographie), moins d’exposition aux gaz du personnel soignant. Il permet une ventilation manuelle, même si elle n’est pas optimale (fuites et risque d’inflation gastrique). Par rapport à une intubation classique, il est d’insertion plus rapide, moins traumatisante, et nécessite une anesthésie moins profonde.

PROGRÈS DE L’ANESTHÉSIE GAZEUSE

Selon la conférencière, l’anesthésie volatile est de mieux en mieux utilisée. Elle incite, de plus, au respect des bonnes pratiques et est modulable (meilleur contrôle de la profondeur et du réveil). Toutes les molécules anesthésiques vétérinaires sont utilisables chez le lapin. L’anesthésie de ce dernier répond aux étapes classiques : prémédication, induction, entretien et réveil. La préoxygénation est indispensable avant et après l’induction. La prémédication est possible avant la pose du cathéter, par voie intramusculaire. Elle permet de limiter le stress, auquel le lapin est extrêmement sensible, et d’initier l’analgésie. Les molécules utilisables à cette étape sont les α-2 agonistes, le midazolam (excellent effet sédatif chez le lapin), les morphiniques et la kétamine à faible dose. L’induction par voie intraveineuse est préférable. En effet, elle génère moins de stress, elle est plus rapide et elle offre une meilleure myorelaxation. Des agents ultrarapides sont utilisés (alfaxolone ou propofol), mais injectés selon l’effet (titration indispensable pour éviter les apnées). L’induction gazeuse est néanmoins possible, notamment lorsque l’intubation n’est pas prévue (soins dentaires, anesthésie flash). Le masque facial est alors préféré à la cage à induction, qui utilise plus de gaz et qui permet un contrôle moindre. Le sévoflurane est davantage indiqué que l’isoflurane, aussi bien en induction qu’en entretien (induction plus rapide et plus agréable, transitions plus rapides, meilleur réveil).

MONITORAGE

Le dernier point clé qui permettrait de sécuriser encore plus l’anesthésie des lapins serait le développement d’instruments de monitorage adaptés. Ce secteur bénéficie de peu d’avancées, regrette la conférencière. Des appareils de capnographie qui limitent l’espace mort et au débit d’aspiration réduit sont utiles. Aucun système non invasif de mesure de la pression artérielle n’est, pour l’instant, satisfaisant pour le lapin (la méthode doppler surdiagnostique les hypotensions et l’oscillométrie permet au mieux de surveiller une tendance au cours de l’anesthésie).

  • 1 Brodbelt D. C. et coll. The risk of death : the confidential enquiry into perioperative small animal fatalities. Vet Anaest Analg 35, 365-373 (2008).

EXEMPLE DE PROTOCOLE DE SÉDATION ET D’ANESTHÉSIE CHEZ LE LAPIN

Maud-Aline Chesnel préconise les protocoles suivants :

→ Sédation légère pour une procédure non douloureuse : midazolam 0,5 à 1 mg/kg + butorphanol 0,3 à 0,5 mg/kg, par voie intramusculaire.

→ Sédation profonde pour une procédure douloureuse (animal en bon état général) :

médétomidine 80 µg/kg (ou dexmédétomidine 40 µg/kg) + kétamine 5 à 10 mg/kg + buprénorphine 50 µg/kg, par voie intramusculaire.

→ Anesthésie pour une intervention chirurgicale (animal en bon état général) :

Prémédication : médétomidine 80 µg/kg (ou dexmédétomidine 40 µg/kg) + kétamine 5 à 10 mg/kg, par voie intramusculaire.

Induction intraveineuse en titrant à effet jusqu’à la possibilité d’intuber : propofol 2 à 6 mg/kg ou alfaxalone 1 à 3 mg/kg.

Entretien : isoflurane 2 à 4 % ou sévoflurane 3 à 5 % à effet.

Analgésie péri-opératoire : méloxicam 0,6 mg/kg + morphine 0,5 à 1 mg/kg par voie sous-cutanée ou intramusculaire ou buprénorphine 50 µg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire ± anesthésie locale.

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