L’exposition aux antibiotiques en baisse, sauf pour les carnivores domestiques - La Semaine Vétérinaire n° 1605 du 14/11/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1605 du 14/11/2014

Antibiorésistance

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Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Les résultats du suivi des ventes d’antibiotiques et de la surveillance de la résistance des bactéries sont encourageants dans la réussite du plan ÉcoAntibio 2017.

Les rencontres organisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), le 4 novembre dernier, inauguraient le mois de l’antibiorésistance, thème central de cette journée1. Gérard Moulin, de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), a présenté les chiffres des ventes d’antibiotiques et l’estimation de l’exposition des animaux domestiques. Jean-Yves Madec a, pour sa part, diffusé les résultats du réseau d’épidémio­surveillance de l’antibiorésistance (Résapath) pour l’année 2013. Si les ventes affichent un net repli, celui-ci souligne que l’effort accompli ne doit pas faiblir afin d’éviter de voir remonter la consommation d’antibiotique à l’image de ce qui est observé en médecine humaine. L’Anses en conclut que, compte tenu de l’évolution des pratiques de consommation des antibiotiques, les objectifs fixés dans le plan ÉcoAntibio 2017 devraient être atteints.

Tonnage au plus bas, niveau d’exposition inférieur à 1999

Le volume total des ventes d’antibiotiques en 2013 est le plus bas observé depuis la mise en place du suivi en 1999 (699 t). Cela représente un recul de 34 % sur les cinq dernières années et de 10,6 % depuis 2012. Il est désormais acquis que ce total, pourtant le seul paramètre ferme, ne traduit pas la réelle exposition des animaux, estimée en France par le calcul de l’Animal Level of Exposure to Antimicrobials (Alea). Celui-ci est inférieur de 7,3 % à celui évalué en 2012, toutes espèces confondues, et de 5,5 % à celui de 1999, et ce pour la première fois en 15 ans de suivi. Des variations sont cependant constatées : interespèces, avec un recul chez les bovins (- 6,6 %), les volailles (- 5,4 %), les porcs (- 4 %) et les carnivores domestiques (- 1,7 %) et une augmentation chez les lapins (- 3,6 %), par rapport à 2012. Ou bien, selon la voie d’administration : sur les cinq dernières années, l’exposition par voie orale a baissé de 24,3 % (un phénomène probablement lié à la diminution de l’utilisation de prémélanges médicamenteux), mais celle par voie injectable a augmenté de 9,4 %.

Antibiotiques critiques… surtout chez les carnivores domestiques !

Pour les familles d’antibiotiques considérées comme critiques d’après leur importance en santé humaine, les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations (C3G/C4G), la situation est plus contrastée.

Le niveau d’exposition aux C3G/C4G (voir figure 1) a diminué de 9,8 % par rapport à 2012, toutes espèces confondues. Il a cependant été multiplié par 2,5 sur les 15 années du suivi. Pour les carnivores domestiques, l’Alea a constamment augmenté depuis 2006, malgré une baisse en 2012 (est-ce un effet de la mise en place du plan ÉcoAntibio ?). Une hausse de 25 % est notée entre 2012 et 2013.

Chez les autres espèces, l’Alea diminue de 11 % chez les bovins, 9,3 % chez les porcs qui affichent une diminution de plus de 60 % pour les cinq dernières années, conséquence du moratoire décidé par la filière.

Une stabilisation est constatée pour les fluoroquinolones (voir figure 2), alors que l’Alea global pour cette famille a été multiplié par deux en 15 ans. Un léger recul global (- 1,5 %) est observé, mais de grandes variations sont notées entre les espèces. Si les volailles (- 7,3 %) et les bovins (- 3,1 %) affichent une tendance à la baisse, les carnivores domestiques se démarquent par une augmentation nette de l’exposition (+ 12,2 %). Depuis le début du suivi des ventes, cela constitue une progression de 69,3 %, malgré une légère diminution (- 5,2 %) sur les cinq dernières années. Selon Gérard Moulin, l’augmentation observée entre 2012 et 2013, comparable à celle de 2008 après la mise sur le marché d’une première molécule utilisée sous forme de génériques, est à mettre au crédit de ceux développés pour une seconde molécule. (voir figure 3).

Suivi de l’antibiorésistance par le Résapath

Le Résapath enregistre de plus en plus de résultats d’antibiogrammes provenant de carnivores domestiques (voir figure 4), qui occupent désormais la deuxième place derrière les bovins. Escherichia coli est la principale bactérie concernée (57 % des souches isolées chez les volailles, plus de 50 % chez les bovins et les porcs, 25 à 35 % chez le chat, les lapins et les petits ruminants).

La résistance aux C3G/C4G est la plus élevée (10 % environ) pour les chats, les poules et les poulets, et les chiens. Chez ces derniers, le taux est le même pour toutes les maladies, tandis que chez le cheval (7 % en moyenne), il est supérieur pour les affections respiratoires (12 %), de la peau et des muqueuses (13,5 %) et plus bas en pathologie de la reproduction (4,8 %).

Chez les bovins, la fréquence des résistances augmente, en particulier chez l’adulte, bien qu’elles se rencontrent essentiellement dans les diarrhées néonatales. Celle à la cefquinome est deux fois plus élevée qu’au ceftiofur. Concernant les fluoroquinolones, une tendance à la baisse ou à la stabilisation est observée, sauf chez le chien pour lequel le taux de résistance est plus élevé que celui aux C3G/C4G dans toutes les maladies : 10 à 25 % pour les otites, 26 % pour les affections de la peau et des muqueuses, et 15 % en pathologie urinaire et rénale. La résistance aux fluoroquinolones est la plus faible chez le cheval (moins de 5 %).

Modifications réglementaires européennes à venir

Trois propositions de règlements européens relatifs au médicament vétérinaire sont en discussion. Les modifications proposées ont plusieurs objectifs : augmenter la disponibilité des spécialités vétérinaires, alléger les charges administratives, stimuler la compétitivité et l’innovation, améliorer le fonctionnement du marché intérieur, gérer le risque de santé publique représenté par la résistance aux antimicrobiens.

Plusieurs points concerneront tous les médicaments : harmoniser les résumés des caractéristiques du produit (RCP), réviser le fonctionnement de la cascade, interdire la publicité à tout public, création d’un cadre réglementaire pour la vente sur Internet, etc. D’autres sont spécifiques aux antibiotiques : prise en compte du risque de développement de résistance dans les dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ; délivrance limitée à la quantité nécessaire au traitement; liste négative de molécules réservées à l’usage humain; liste de molécules ne pouvant être utilisées “hors AMM”, etc.

Jean-Pierre Orand, directeur de l’ANMV, souligne plusieurs points qui constituent, selon lui, un danger : une modification de statut de l’aliment médicamenteux, qui passerait de médicament à aliment pour animaux; la vente de médicament par Internet, également pointée du doigt par Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires, comme un risque de voir augmenter la iatrogénie chez l’homme (responsable de plus de 10 000 décès par an rien qu’en France, à comparer aux 25 000 morts imputées en Europe au phénomène des résistances) ; la révision de l’utilisation “hors AMM” des médicaments, qui « de cascade deviendrait lac » avec la possibilité d’utiliser des spécialités d’usage humain plus facilement.

  • 1 Le mois s’est poursuivi avec le colloque conjoint des ministères de la Santé et de l’Agriculture du 12 novembre et des communications durant le congrès de l’Afvac, le 13. Enfin, une séance de l’académie vétérinaire se tiendra le 20 novembre.

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