Intérêt d’une analgésie avant la césarienne

L’injection d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) avant la césarienne a permis de mettre en évidence un intérêt en termes de diminution de la douleur et de l’amélioration de qualité du transfert d’immunité passive au veau, comme l’a montré Caroline Lesort, assistante hospitalière à Oniris lors de la journée du groupement technique vétérinaire de Bourgogne, le 16 octobre dernier.

LES AINS SONT PEU UTILISÉS

Dans le cadre de sa thèse de doctorat vétérinaire¹, notre consœur a mené un essai dans l’objectif, d’une part, d’identifier des signes de douleurs discriminants que les praticiens pourraient détecter simplement et rapidement, d’autre part, de déterminer l’impact de l’analgésie lors de la césarienne sur les qualités maternelles. La douleur des bovins est effectivement reconnue mais des progrès sont nécessaires, notamment afin de disposer d’outils pour évaluer ou d’arguments pour modifier les pratiques.

La césarienne a été choisie comme modèle d’étude car il s’agit d’une intervention chirurgicale standardisée, douloureuse et fréquente, et parce qu’en France, seulement 15,8 % des praticiens (sur 2644 réponses) utilisent un AINS lors de cette opération. La période post-partum immédiate permet également d’observer le veau et les qualités maternelles chez la vache, et ainsi d’évaluer indirectement l’intérêt des AINS. L’étude a été réalisée en Bourgogne, à la fin de l’hiver 2014, chez des vaches de race charolaise.

L’évaluation de la douleur est réalisée juste après l’intervention chirurgicale puis 24 heures plus tard, chez les animaux ayant, ou non, reçu une injection d’anti-inflammatoire (meloxicam 2,5 mg/kg), 15 minutes avant la césarienne. Une note de 1 (absence de douleur) à 10 (douleur insupportable) est attribuée subjectivement, puis des paramètres sont mesurés (état général, expression faciale, fréquences cardiaque et respiratoire, etc.). En parallèle, des vaches à césarienne et d’autres saines sont observées pour valider la spécificité des indicateurs. Les taux d’IgG des veaux (mesuré à 24 heures d’âge) issus de femelles ayant reçu l’AINS et ceux des veaux nés de celles non traitées sont comparés. La vitalité des veaux, leur propreté et leur délai pour téter sont également pris en compte.

LA DOULEUR EST OBSERVABLE, PAS SON INTENSITÉ

Il apparaît, dans un premier temps, que les notes attribuées par le vétérinaire sont plus élevées que celles données par l’éleveur, et qu’une sensibilisation des exploitants à la douleur de leurs animaux est encore nécessaire. Dans les deux cas, la douleur diminue entre les deux mesures distantes de 24 heures (de 4,6 à 2,6 pour l’éleveur, de 6 à 3,1 pour le praticien) : elle est ainsi ressentie par les animaux de façon plus aiguë juste après l’intervention chirurgicale (par comparaison, chez l’homme, un traitement est mis en place à partir d’une note de 3).

Cinq paramètres ressortent comme étant discriminants pour distinguer une vache douloureuse : un score de locomotion supérieur ou égal à 3 (sur 5), la tête basse, la fréquence cardiaque (supérieure ou égale à 80 battements/minute), les postérieurs situés sous l’abdomen et le dos voussé. L’observation d’au moins l’un de ces critères signe une douleur chez la vache. Toutefois, aucune différence de notation n’apparaît entre les lots ayant reçu ou non l’AINS, notamment 24 heures après (un phénomène probablement dû à une observation trop tardive). L’intensité douloureuse paraît ainsi difficile à repérer, aussi bien pour l’éleveur que pour le vétérinaire. La présence des veaux a pu perturber le déroulement du test, mais un grand nombre de paramètres semblent n’avoir aucun intérêt pour identifier l’intensité de la douleur chez le bovin.

UNE MEILLEURE BUVÉE COLOSTRALE

Enfin, les taux d’anticorps sériques des veaux nés de vaches ayant reçu l’AINS avant la césarienne sont significativement supérieurs à ceux des veaux nés des femelles non traitées (plus de 3 g/l en plus en moyenne) pour des colostrums de qualité équivalente et des délais de première buvée équivalents. Le meilleur transfert d’immunité passive de la mère au veau est ainsi lié au volume de colostrum bu par ce dernier : les animaux nés de vaches ayant reçu l’AINS ont pu boire une plus grande quantité de colostrum. Cela signifie que leur mère les a laissés téter plus longtemps ou plus souvent dans les premières 24 heures, donc qu’elle ressentait moins de douleur. Ce comportement constitue une preuve indirecte de l’effet analgésique de l’injection d’AINS avant l’opération chirurgicale. Cette conséquence sur le transfert d’immunité peut être un argument supplémentaire, pour le praticien, pour inciter un éleveur peu convaincu par l’impact négatif de la douleur chez ses animaux à pratiquer cette injection avant la césarienne.

• 1 Lesort C. « Évaluation en conditions d’élevage d’une grille d’évaluation de la douleur après césarienne chez la vache de race charolaise et intérêt d’un AINS avant la césarienne sur la qualité du transfert d’immunité passive chez le veau ». Thèse de doctorat vétérinaire. Oniris, Nantes. 2014:120p.